C ASSOMPTION LUC 01, 39-56 (11)
Chimay :15.08.2022
Frères et sœurs, la fête de l’Assomption est l’une des mieux célébrées en l’honneur de la Vierge Marie. Ils sont nombreux ceux et celles qui profitent de l’occasion pour se rassembler à Lourdes ou sur d’autres lieux de pèlerinages pour invoquer sa protection. C’est que Marie tient une place toute spéciale. L’Église est comme une grande famille. Dieu est notre Père. Marie y joue un rôle maternel ; elle est la Mère de l’Eglise que l’on fête le lundi de Pentecôte. La fête d’aujourd’hui nous donne aussi l’occasion de réfléchir à ce rôle que Dieu a confié à Marie.
L’Assomption, c’est la fête de Marie qui entre corps et âme dans la gloire de Dieu auprès de son fils ressuscité. La bonne nouvelle, c’est que Marie n’a fait que nous y précéder. Ce bonheur qui est le sien, nous y sommes tous appelés. Ce que Dieu a réalisé pour Marie nous est également destiné. Avec Marie, notre vie actuelle est une marche à la suite du Christ vers cette grande fête que Dieu nous prépare.
Dans l’évangile, Jésus se présente à nous comme « Le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6). C’est par lui que nous passons pour aller au Père. « Nul ne va au Père que par moi » (Jn 6,44). Et Marie est toujours là pour nous renvoyer sans cesse à lui. Comme aux noces de Cana, elle nous redit inlassablement : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5). Son message à Lourdes, Fatima et ailleurs nous renvoie à l’évangile. Il est un appel à la prière, à la pénitence et à la conversion.
L’Évangile qui nous est proposé aujourd’hui fait suite à l’Annonciation. L’ange Gabriel vient d’annoncer à Marie qu’elle sera la mère du Sauveur. « Dieu renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles » (Lc 1,52), et en tout premier lieu, Marie qui s’est dite une humble servante ! Ayant appris que sa cousine Élisabeth est devenue enceinte du futur Jean Baptiste, elle se met en route, avec empressement. Une jeune femme qui attend son premier enfant doit-elle courir les chemins caillouteux ? Le mystère de l’Incarnation est une mise en route sans retour et l’urgence du Royaume pousse Marie au-devant des autres. Dieu ne se garde pas mais se communique. « Car si je prêche l’Évangile, je n’ai pas sujet de m’en glorifier, parce que la nécessité m’en est imposée ; et malheur à moi, si je ne prêche pas l’Évangile ! », écrira saint Paul (1 Co 9,16).
Marie entre et salue Élisabeth. Saluer, c’est le signe d’une rencontre, d’une reconnaissance de l’altérité, c’est souhaiter du bien, c’est une bénédiction. Et c’est dans ce geste-là que la révélation poursuit son cours chez Élisabeth. Cette rencontre entre Marie et Élisabeth donne lieu à une explosion de joie. La Visitation ce n’est pas qu’une simple rencontre familiale entre deux cousines : c’est la rencontre des deux alliances, l’ancienne avec Élisabeth et la nouvelle avec Marie. Élisabeth, en qui s’incarne l’espérance d’Israël, salue sa cousine comme celle qui a cru à l’accomplissement des promesses de Dieu. À travers ce Messie pas encore né, c’est Dieu qui vient visiter le peuple de l’ancienne alliance.
Ces deux femmes ne cherchent pas à se hisser sur le podium d’une reconnaissance publique mais elles entrent dans la louange du Créateur. Si Marie est heureuse – « Mon âme exalte le Seigneur » – c’est parce qu’elle a cru. Croire n’est pas de l’ordre du palpable. Il est difficile de croire parce que la foi n’est pas dans la maîtrise mais dans l’abandon qui consent : nous entrons dans la « démaîtrise » de ce que nous considérons comme notre toute-puissance, en réalité bien fragile. « Il s’est penché sur son humble servante » (Lc 1,48).
Le oui de Marie a ouvert une ère nouvelle et ce cri du cœur partagé avec Élisabeth et les deux enfants attendus n’est rien d’autre qu’une profession de foi en ce Dieu qui tient parole, qui réalise sa promesse « faite à nos pères » (Lc 1,55). Le Magnificat devient aussi le chant de Dieu, car il est heureux quand l’obéissance nous fait grandir en liberté, au souffle de l’Esprit.
Nos oui font advenir en ce monde des brins de bonheur qui sont l’accomplissement du projet de vie que Dieu a pour l’humanité. Mettons-nous en route avec Marie, a-t-on envie de dire. Tout cela doit donner une nouvelle orientation à la manière dont nous vivons les uns avec les autres. Si nous voulons honorer Marie, il ne faut pas oublier qu’elle est notre mère à tous, y compris de ceux que nous n’arrivons pas à supporter. Comment honorer Marie en ce 15 août si nous avons un regard et des paroles méprisantes pour telle ou telle catégorie de personnes. Comment l’appeler « Reine de la Paix » si nous sommes fâchés avec un voisin ? Comme le Christ, Marie souffre de ces divisions qu’il y a dans le monde, dans nos communautés et dans nos familles. Entre l’offense et la réconciliation, il y a toujours un temps de prière et guérison à vivre.
Mais avec la Vierge Marie, il n’y a pas de situation désespérée. Quand tout va mal, quand nous sommes sur la croix, elle est là. Elle se tient debout pour nous aider à traverser l’épreuve. Quand nous sommes en manque de paix et de joie, elle est encore là. Comme aux noces de Cana, elle dit à Jésus : « Ils n’ont plus de vin ; ils n’ont plus de paix et de joie » (Jn 2,3). Et Jésus nous rend la paix et la joie. Quand nous sommes tombés au plus bas, elle se baisse pour nous ramasser. Elle ne craint ni notre péché ni notre douleur. Elle qui a misé toute sa vie sur l’amour, elle nous aide à nous remettre debout pour reprendre notre route à la suite du Christ.
En ce jour, rendons grâce au Seigneur pour ce cadeau merveilleux qu’il nous fait en nous donnant Marie pour mère. Cette fête de l’Assomption vient raviver notre lien profond à Jésus Christ et notre désir de le suivre fidèlement tout au long de notre vie.
On a aussi appelé cet événement « la dormition de Marie ». La mort, c’est fermer les yeux à ce monde pour les ouvrir à Dieu. Cette fête doit renouveler et renforcer notre confiance en lui. Ne craignons pas l’avenir ni le jugement de Dieu. Oublions nos péchés ; brûlons-les au feu de la Miséricorde. Nous serons jugés sur l’amour et seulement sur l’amour. C’est l’Amour qui nous prendra et nous emportera. L’heure où nous quitterons la terre sera notre Assomption.