A AVENT 01 MATTHIEU 24,37-44 (18)
Chimay : 27.11.2022
Frères et sœurs, nous entrons en ce dimanche dans le temps de l’Avent, un temps d’attente joyeuse, qui s’accomplit avec la venue de Dieu dans le monde des hommes, sous la forme d’un petit enfant. Nous pensons tous à la magie de Noël. Tout le monde en parle déjà en famille, entre amis et surtout dans les magasins. Chaque année, de grandes réjouissances sont prévues. On invite au réveillon, on offre des cadeaux. Le problème c’est que, trop souvent, on oublie Celui qui est à l’origine de cette fête.
Et en ce jour, la liturgie met entre parenthèse le souvenir de la crèche. Les textes bibliques qui nous sont proposés viennent nous rappeler que ce Jésus, qui est venu au premier Noël, est aussi celui qui continue à venir et qui reviendra. En ce jour, nous sommes renvoyés vers l’avenir. Jésus reviendra ; nous attendons sa venue et nous nous y préparons activement tout au long de notre vie. Car « c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra » (Mt 24,44).
C’est cette bonne nouvelle que nous adresse le prophète Isaïe (Is 2,1-5). L’espérance de paix qui habite tous les peuples les conduira un jour à la rencontre du Dieu de la paix. Ce récit a été écrit à l’occasion d’un grand pèlerinage à Jérusalem. On se souvenait des cabanes du peuple Hébreu au désert. Pendant huit jours, les pèlerins vivent dans des cabanes, même en ville. C’est la Souccot. En voyant tous ces gens venus de partout, le prophète comprend que ce grand rassemblement en préfigure un autre bien plus important.
Un jour viendra où ce pèlerinage rassemblera tous les peuples de la terre. La ville sainte deviendra le signe du salut universel ; Dieu a choisi un peuple bien précis, mais son projet concerne toute l’humanité. Avec Jésus, nous allons vers un monde réconcilié. Les instruments de mort y deviennent des instruments de vie. C’est vrai que les foyers de guerre sont encore bien présents dans le monde : Yémen, Syrie, Soudan, Mali, Ukraine, Mozambique, Éthiopie, Soudan, etc. Mais le prophète nous projette vers l’avenir. Son message n’est pas seulement une prédiction ; c’est surtout une promesse de Dieu. En ce temps de l’Avent, nous sommes invités à remettre Dieu au centre de notre vie. Il est le seul chemin qui conduit vers la paix et la Vie éternelle.
C’est aussi cette bonne nouvelle que nous trouvons dans la lettre de saint Paul aux Romains (13,1-14). Après l’enthousiasme du baptême, un affadissement est toujours à redouter. Aujourd’hui, l’apôtre vient nous secouer : « Réveillez-vous ! » Ne retombez pas dans les vices d’avant votre conversion ». « Sortez de votre léthargie, sortez de votre sommeil, nous écrit l’apôtre Paul, car le jour de Dieu approche » (Rm 13,11). Saint Paul nous adresse des injonctions fermes : « Rejetons les œuvres des ténèbres… Revêtez-vous du Seigneur Jésus… » en marchant sur le chemin de la sainteté.
Il n’y a donc pas de temps à perdre pour changer de vie. Celui qui s’engage dans cette direction s’apercevra vite que le Dieu de la bienveillance est plus proche de lui que jamais. Saint Paul nous recommande de ne pas nous laisser submerger par les préoccupations matérielles même si elles sont nécessaires. Le chrétien doit regarder plus haut. Sa priorité doit être de rester uni au Christ et de vivre en enfant de lumière, c’est-à-dire dans la justice, la vérité, l’honnêteté, en bref la charité.
Dans l’Évangile, nous entendons Jésus nous adresser un appel à la vigilance. Il ne parle pas la langue de bois. Il dérange, bouscule, parfois il hausse le ton. Pour se faire comprendre, il utilise les images les plus dures. S’il rappelle cette histoire du déluge, vieille comme la terre, c’est pour nous sortir de notre torpeur. Il veut que nous soyons prêts pour son retour. Toutefois cet Évangile n’a pas été écrit pour nous faire peur, mais pour nous éclairer. « Si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé » (Mt 24,43). Au sein de nos vies bien organisées, sommes-nous prêts à nous laisser surprendre par la venue du Seigneur ?
L’Avent doit être un temps d’intense préparation à cette venue du Sauveur. C’est le moment favorable pour réorienter notre vie vers une juste direction, celle de la générosité, de l’amour envers Dieu et envers le prochain. La venue du Christ nous prendra tels que nous sommes, avec nos consentements et aussi nos refus d’aimer. « Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient » (Mt 24,42).
Jésus invite à la vigilance qu’il oppose à l’insouciance des contemporains de Noé et de ceux qui vaquent à leurs occupations sans se douter que la fin des temps, avec ses bouleversements, est proche. Impossible de ne pas penser à ce verset de psaume : « L’homme comblé qui n’est pas clairvoyant ressemble au bétail qu’on abat » (Ps 48,21). Mais, tout autant que l’insouciance, Jésus conteste l’agitation inquiète qui spécule sur le terme de l’histoire. Alors comment vivre avec justesse la vigilance ? Jésus compare la venue du Fils de l’homme à celle d’un voleur de nuit, une venue qui surprend, à laquelle on n’est jamais assez préparé. Bien sûr, on peut entendre en ce jour celui de notre propre mort, celui de notre trépas, de notre passage vers une autre réalité. C’est à ce passage toujours imprévu, toujours imminent, que le Christ nous invite à nous préparer, sans peur, mais en notre âme et conscience, tout-au-long de notre vie.
Pour entrer dans ce chemin de conversion, nous avons besoin de l’aide du Seigneur. Cela passe par des temps de prière. C’est la recommandation de Jésus au Mont des Oliviers juste avant sa Passion : « Veillez et priez afin que vous ne tombiez pas en tentation… » (Mt 26,41). Cette invitation à la prière est à prendre au sérieux. Elle nous aidera à mieux comprendre que ce monde malade, Dieu l’aime et veut le sauver. Jésus est venu pour chercher et sauver ceux qui étaient perdus (Lc 19,10). Le contact régulier avec lui nous aide à rester plus attentif aux « réalités d’en haut ».
En ce temps de l’Avent où nous nous préparons à la venue du Christ dans notre chair, une venue humble et cachée, et à son retour en gloire, interrogeons-nous : quelle réalité et quel impact cette perspective de la rencontre ultime avec le Seigneur et de l’humanité réconciliée autour de lui a-t-elle sur notre vie concrète ? Sommes-nous de ceux qui abordent la vie chrétienne comme une vie de relation à Dieu ou uniquement comme une question de morale et de pratiques à respecter ? Quoi qu’il en soit, nous sommes tous appelés à le rencontrer en ses visites intermédiaires, mystérieuses et cachées, susceptibles de nous donner un avant-goût de « ce que l’œil n’a pas vu, de ce que l’oreille n’a pas entendu, de ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme ; ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé » (1 Co 2,9). Sachant que toute vigilance authentique est assortie d’un combat spirituel exigeant, qui ne va pas sans tension certes, mais qui, plus encore, porte une joie que rien ne peut nous enlever.
L’Eucharistie qui nous rassemble c’est encore et toujours le Christ qui vient. Il rejoint les communautés réunies en son Nom pour les nourrir de sa Parole et de son Pain. Il veut que nous soyons avec lui pour le rejoindre dans son éternité. Demandons à la Vierge de l’Avent de nous accompagner tout au long de ce temps de préparation à Noël. Comme aux noces de Cana, elle nous redit : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5). Marchons donc sur le chemin ouvert par le Christ.