A VENDREDI SAINT JEAN 18,01-19,42 (12)
Chimay : 07.04.2023
Frères et sœurs, « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13). Ce récit de la Passion du Christ, que nous venons d’écouter religieusement, nous le connaissons bien parce que nous l’avons entendu et médité nombre de fois. Et pourtant, il ne peut jamais nous laisser indifférent. C’est la Passion d’un homme, mais aussi d’un Dieu, abandonné, trahi et bafoué. Elle nous montre un chemin déroutant, révoltant où apparemment Dieu se tait et laisse faire.
Mais si nous nous unissons à la prière de toute l’Église le Vendredi Saint, ce n’est pas seulement pour commémorer l’anniversaire d’un événement vieux de 2000 ans ; c’est d’abord pour communier au sacrifice volontaire de Jésus qui donne sa vie pour sauver tous les hommes, « qui donne sa vie pour ses amis » (Jn 15,13).
La croix est la victoire de l’amour. Voilà une affirmation absolument capitale qui résume bien le message de ce Vendredi Saint. À nous de nous demander si nous sommes capables de l’accueillir en vérité. Combien d’entre nous sommes prêts à donner notre vie pour nos amis ? Sommes-nous remplis de l’Esprit Saint pour en témoigner aujourd’hui dans le quotidien de nos vies ? Il faudrait que cette décision soit prise en un instant d’héroïsme, car plus on y réfléchit, plus on hésite, à moins d’être un saint ou une sainte et d’avoir la grâce d’état.
En ce Vendredi Saint, notre regard se porte vers la Croix du Christ. Cette croix symbolise la souffrance de l’homme, sous toutes ses formes : amour, don, sacrifice, violence, injustice, etc. Pour beaucoup, la souffrance s’appelle longue maladie, infirmité, échec, violence, trahison, rupture, deuil. Mais la croix du Christ n’est pas une croix comme les autres. Elle est pour tous les hommes et pour chacun de nous, absolument unique. Elle est notre unique et véritable espérance parce qu’elle est la victoire de l’amour. En ce Vendredi Saint, nous ne célébrons pas la souffrance ni la mort. Nous célébrons le signe de l’immense amour de Jésus Christ et de Dieu notre Père pour tous les hommes sans exception. Ce n’est pas une croix ignominieuse, c’est une croix glorieuse, c’est la Croix de l’Amour. Le pape Jean-Paul ier a écrit quelque chose de très beau sur la mort du Christ – je cite de mémoire – « Une fois crucifié, il en profita pour étendre les bras et embrasser le monde ».
Toutefois, la croix du Christ, signe d’amour et signe de notre salut, reste pour chacun de nous un mystère. Il n’est pas facile de l’accueillir en vérité surtout si nous connaissons la morsure de la souffrance, de la blessure, de la douleur. Quand tout va bien, quand la réussite, le succès et la santé sont au rendez-vous, il est assez facile de chanter la croix, victoire de l’amour. Mais quand le Seigneur nous invite à Gethsémani, nous reconnaissons bien vite nos limites. Imaginez la douleur de la Vierge Marie qui voit son Fils mourir sur la Croix, puis recevoir dans ses bras le corps de Jésus couronné d’épines, sanglant, flagellé, blessé, transpercé.
En ce Vendredi Saint, nous méditons sur la mort prématurée du Christ. Sa vie terrestre n’a pas été longue mais elle a été parfaitement réussie parce qu’elle était centrée sur l’Amour. Elle n’a trouvé sa plénitude qu’au-delà de la mort, dans la résurrection, dans la communion définitive avec le Père, dans la communion avec chacun et chacune de nous, nous qui communions à son Corps et à son Sang.
C’est bien là le symbole de notre propre aventure personnelle. Et pourtant... nous oublions trop souvent que, sur cette terre, nous ne sommes que des voyageurs. Nous avons trop tendance à nous installer. Nous savons que la Vie Éternelle commence sur terre, mais nous oublions que son terme se situe dans la rencontre définitive de Dieu.
Pour progresser dans l’intelligence du mystère de la croix, il ne suffit pas d’acclamer la croix ou de la vénérer. Ce n’est pas non plus de discuter à perte de vue sur ce mystère. Le plus important c’est de prendre modèle sur le Christ : Il n’a pas attendu le Calvaire pour donner sa vie. Il l’a fait jour après jour au hasard des rencontres, chaque fois qu’il s’est mis au service des petits, des malades et des pauvres.
Beaucoup ont compris que la meilleure manière de porter sa croix c’est de porter celle des autres ; c’est de faire renaître et aider à renaître à l’espérance, tous ceux qui sont méprisés, asservis, malades, découragés. C’est ainsi que nous sommes appelés à célébrer la Croix du Christ.
En ce Vendredi Saint, les uns pour les autres, nous prierons l’Esprit Saint pour qu’il ouvre chacun de nos coeurs à l’intelligence de plus en plus grande de ce mystère d’amour qu’est le mystère de la Croix. Et c’est alors seulement que nous pourrons chanter en toute vérité : « Victoire ! Tu régneras. O croix, tu nous sauveras » (André Losay).