A 28 MATTHIEU 22, 01-14 (14)
Chimay : 15.10.2023
Frères et sœurs, la Parole de Dieu nous habille constamment le cœur. Elle nous rejoint dans la situation qui est la nôtre et nous renouvelle. Le prophète Isaïe aujourd’hui (25,6-10a) s’adresse à un peuple qui vit une situation difficile. Son message cherche à le raffermir dans sa foi. Il annonce une intervention de Dieu qui opérera un renversement radical non seulement du sort d’Israël mais aussi de tous les peuples. Il annonce le salut offert par Dieu, l’abolition de la mort et du deuil, la consolation pour ceux qui pleurent, la fin de l’humiliation d’Israël, et une fête à laquelle tous les peuples sont conviés. Jésus précisera que les mauvais comme les bons sont invités aux noces car tous les hommes sont aimés de Dieu. À nous de diffuser cette bonne nouvelle si nous voulons hâter ce jour du grand festin entrevu par Isaïe.
C’est aussi cette bonne nouvelle que saint Paul annonce au monde païen de ton temps (Ph 4,12-14.19-20). Sa vie était loin d’être une succession de festins. Sa plus grande préoccupation était que l’invitation du Christ soit proclamée dans le monde entier. Pour ce faire, il a vécu des moments difficiles ; il a connu des privations ; il a souffert les persécutions. Mais il a trouvé sa force en Dieu. Lui seul peut nous combler pleinement. Sa grâce nous suffit. En devenant apôtre du Christ, Paul a appris à vivre dans la gêne ; mais dans sa prison, le secours de ses amis lui est allé droit au cœur. C’est donc dire que nous marchons vers le Royaume en nous aidant les uns les autres.
L’évangile nous présente aujourd’hui un roi qui célébrait les noces de son fils. Ce roi, c’est Dieu. Il invite l’humanité entière à la noce de son Fils Jésus. Envoyé par le Père, Jésus épouse notre humanité par son incarnation. Et le Père veut absolument que tous en bénéficient et s’en réjouissent. « Allez donc à la croisée des chemins ; tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les au repas de noces » (Mt 22,9). Les paroles du Père sont très claires. C’est donc toute l’humanité que Dieu veut rassembler auprès de lui.
La mission de l’Église, notre mission à tous, c’est d’être les messagers de cette invitation. En tant que chrétiens baptisés et confirmés, nous sommes envoyés dans le monde pour témoigner de cette bonne nouvelle et de l’espérance qui nous anime. C’est en vue de cette mission que Jésus nous envoie son Esprit Saint. Nous ne pouvons pas être disciples du Christ sans être missionnaires. C’est toute notre vie (paroles, gestes, pensées, prières, attitudes) qui doit contribuer à l’annonce de Jésus.
Voilà donc cette invitation à la fête. Mais l’évangile nous montre l’obstination de ceux qui se sont éloignés de la bonne nouvelle. Nous sommes surpris et même choqués devant l’attitude désinvolte des invités de cette parabole. On leur propose quelque chose d’extraordinaire qui va apporter de la joie, de la convivance à leur vie ; or voilà qu’ils n’ont pas le temps, ils sont débordés de travail, accablés de soucis. Pire, ils se retournent contre les messagers porteurs de cette bonne nouvelle qui insistent et ils les maltraitent sauvagement. C’est une allusion à tous les martyrs, ceux d’autrefois et à ceux d’aujourd’hui.
Nous aussi, nous trouvons facilement des excuses pour ne pas répondre à l’invitation du Seigneur. Je n’ai pas le temps de prier ni d’aller à la messe, encore moins en retraite ou en pèlerinage, parce que j’ai trop de travail, trop de loisirs à m’occuper ou encore parce que j’ai des invités. On oublie alors que l’Eucharistie est vraiment le rendez-vous le plus important. Le Christ est là présent ; il rejoint les communautés chrétiennes réunies en son nom. Il vient nous redire l’amour passionné de Dieu pour tous les hommes. Malheureusement, beaucoup préfèrent être tranquillement installés chez eux et éviter tout ce qui dérange leur quiétude.
Bien sûr, Jésus ne force personne à venir à ses noces. Mais il poursuit inlassablement son invitation. Il ne peut pas se résigner à nous voir malheureux, loin de lui. Dieu est amour. Il ne peut pas ne pas aimer. Toute la Bible nous montre Dieu s’adressant aux hommes en termes d’amour et d’alliance. C’est comme un feu que rien ne peut arrêter. Sommes-nous de ces pauvres qui acceptent l’invitation avec joie ?
Que les invités refusent de se rendre au festin royal nous surprend. Qu’ils aillent jusqu’à tuer les envoyés nous semble exagéré. Que le roi, poussé par la colère, décide leur mise à mort et la destruction de leurs villes nous paraît excessif. Quant à inviter le tout-venant, quels que soient son statut social et sa moralité, cela dépasse l’entendement. Et plus encore, nous nous rebellons en lisant que fut condamné à la géhenne le pauvre homme qui, n’ayant pu se préparer à la noce, ne portait pas le vêtement requis.
La deuxième partie de l’évangile nous montre le rassemblement dans la salle des noces. Nous assistons à l’entrée du Roi. Et là, il y a un problème. L’un des convives n’a pas son vêtement de noces. Alors on se pose la question : Comment reprocher à un homme que l’on a ramassé sur la route de ne pas avoir son vêtement nuptial ? Si Jésus a ajouté cette exagération, c’est qu’il a un message important à nous transmettre.
Jésus vient en effet nous rappeler que nous devons nous habiller de justice, porter des fruits de droiture. Porter le vêtement de noces, c’est être converti. Cet habit nuptial nous est fourni par les sacrements de baptême et de la réconciliation. C’est là que nous retrouvons notre dignité d’enfants de Dieu. N’oublions jamais que le Seigneur est toujours là pour nous revêtir de sa lumière et de sa gloire.
Derrière le langage prophétique, avec sa part de violence, se trouve l’expression d’un possible drame : le festin messianique, longuement préparé par le Dieu d’Israël, pourrait se dérouler en l’absence de convives, réduit à un face-à-face solitaire entre le Père et son Fils, revenu bredouille de sa mission terrestre. Il n’en sera pas ainsi, nous dit la parabole : il y aura d’heureux participants, et en grand nombre, et il importe peu qu’ils se soient mis en route pour manger et boire gratuitement. Ici encore apparaissent les bénéficiaires de l’Évangile : ceux qui, pour changer de vie et entrer dans le Royaume, ont besoin d’y être attirés par la promesse du festin messianique plus que par la crainte d’un châtiment. Il vaut vraiment la peine de nous mettre en route, « pour que nous percevions l’espérance que donne l’appel du Seigneur » (Ep 1,18).
Quels terribles dommages nous infligeons-nous lorsque nous sommes continuellement indisponibles, occupés, affairés : alors nous ne voyons ni n’entendons le serviteur qui nous invite au repas de noce, ou si par bonheur nous nous y rendons, nous avons omis de nous habiller en conséquence. Oui, il faut s’habiller le cœur pour être prêt à entendre avec son âme, le Renard le dit si bien au Petit Prince...
En ce mois du Rosaire, nous nous tournons aussi vers la Vierge Marie. Qu’elle nous accompagne sur ce chemin de conversion. Confions-lui les drames et les espérances de notre monde. Prions-la aussi pour ceux qui sont persécutés à cause de leur foi. Elle sera toujours là pour nous renvoyer au Christ. « Aujourd’hui, ne fermons pas notre cœur, mais écoutons la voix du Seigneur » (Ps 94).