A 29 MATTHIEU 22, 15-21 (14)
Chimay : 22.10.2023
Frères et sœurs, c’est aujourd’hui la Journée Missionnaire Mondiale qui a pour thème : « Des cœurs brûlants, des pieds en marche », thème qui se réfère à l’épisode des disciples d’Emmaüs (Lc 24,13-35). Cette journée clôture de fait la semaine missionnaire mondiale. À l’occasion de cette journée missionnaire, nous entendons des textes bibliques qui nous recommandent de recentrer notre vie sur Dieu. C’est le message que nous saisissons du livre d’Isaïe : « Je suis le Seigneur ton Dieu, il n’en est pas d’autre » (Is 45,6a). Ce Dieu qui se révèle est un Dieu libérateur et sauveur. Son message est adressé à un peuple qui vient de vivre une longue période d’exil. Il a été anéanti et humilié. Mais le prophète lui annonce de la part de Dieu qu’il va pouvoir retrouver sa dignité et sa fierté. C’est par Cyrus, un roi païen, que le Seigneur délivre son peuple déporté en Babylonie, montrant ainsi qu’il est le maître de l’histoire. « Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre » (Is 45,6a).
Nous sommes tous appelés et envoyés pour annoncer Dieu dans nos vies, « la joie de l’Évangile ». C’est l’appel que nous adresse le pape François. Cette joie, nous avons à la rayonner et à la communiquer à notre monde qui en a bien besoin. Nous risquons de penser que c’est mission impossible. C’est vrai humainement, mais avec Dieu, tout est possible. Il se sert des petits et des humbles pour faire de grandes choses.
L’apôtre Paul a été appelé puis envoyé pour annoncer le Bonne Nouvelle de l’Évangile au monde païen. Cette annonce n’a pas été vaine. Chez les Thessaloniciens, elle a porté du fruit : « Nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon… » (1 Th 1,3). Leur foi et leur charité sont concrètes et actives, leur espérance solide. Paul découvre avec émerveillement que le principal travail c’est Dieu qui le fait dans le cœur des hommes. Et il rend grâce à Dieu. « Notre annonce de l’Évangile n’a pas été, chez vous, simple parole, mais puissance de l’Esprit Saint » (1Th 1,5b).
Cette lettre de Paul (1 Th 1,1-5) nous rejoint à l’occasion de la journée mondiale missionnaire. Lui-même a été un passionné de l’annonce de l’Évangile au monde païen. Par la suite, des hommes et des femmes ont quitté leur famille et leur pays pour partir comme missionnaires à l’autre bout du monde. Et actuellement, nos diocèses accueillent des prêtres venus de l’Inde, de l’Afrique et de divers autres pays. Ils sont envoyés chez nous pour nous aider à remettre tout l’Évangile dans toute notre vie.
Cette annonce de la bonne nouvelle a toujours rencontré des oppositions. L’évangile d’aujourd’hui nous montre des gens absolument opposés entre eux qui se mettent d’accord pour tendre un piège à Jésus. C’est ce qui se passe encore aujourd’hui. La tentation est grande de mettre hors circuit ceux qui nous remettent en question et nous poussent à changer. Leur parole nous gêne. Alors, on fait tout pour les compromettre. On va même parfois les accuser injustement d’actes qu’ils n’ont pas commis. Ainsi leur parole ne sera plus crédible.
Mais Jésus ne se laisse pas piéger. Sa réponse est sans appel ; tout d’abord, il dénonce l’hypocrisie. En utilisant la monnaie de l’empereur, il y a longtemps que les pharisiens et les partisans d’Hérode ont répondu à leur question. Mais surtout, Jésus ramène les choses à leur juste niveau. La pièce de monnaie que ses adversaires lui ont présentée porte la marque de César. C’est la preuve qu’ils bénéficient des institutions de l’État. Il est donc normal qu’ils lui rendent ce qui lui est dû. Les flatteries n’y feront rien. Jésus ne tombera pas dans le piège des pharisiens et des partisans d’Hérode. En effet, si à leur question il répond de ne pas payer l’impôt à l’empereur, il se mettra hors la loi romaine ; mais s’il soutient l’inverse, il sera taxé de collusion avec l’occupant romain, de trahison envers le peuple et envers Dieu, et il perdra toute crédibilité. Alors il renverse la ruse et prend les pharisiens la main dans le sac : leurs disciples ont bien la pièce sur laquelle figure l’empereur inscrit comme le divin César, le païen idolâtré. Et la scène se déroule dans l’enceinte du Temple, alors que Jésus en a chassé les marchands peu de temps auparavant. Les pharisiens sont donc eux-mêmes proches de la collusion avec l’occupant.
Jésus refuse le piège de la compétition et de l’opposition où il faudrait choisir entre Dieu et l’empereur. « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22,21). Cette parole de Jésus est devenue tellement courante qu’elle fait partie des locutions célèbres. Pourtant, pour la comprendre vraiment, il faut la remettre dans son contexte. Le pouvoir de César ne porte que sur l’ordre profane. Il s’agit alors de remettre le pouvoir profane à sa juste place et de rendre à Dieu ce qui est à Dieu. Mais alors réfléchissons : qu’est-ce qui est à Dieu ? Et que lui rendre ? Si Dieu est créateur et maître de l’histoire, donnant à accueillir son Royaume ici et maintenant, comment mieux percevoir sa présence au cœur de la société ? Prenons le temps de méditer cette question pour nous aujourd’hui. Au fond, qui ou quoi dirige ma vie ? Mon compte en banque ? Mon égo ? Mes petits bonheurs d’occasion ? Mon désir de reconnaissance ou de puissance ? Ou bien ma foi en Dieu, en l’Évangile, est-elle le capitaine de ma vie ? Tout le monde a le choix, mais beaucoup ne veulent pas choisir.
Rendre à Dieu ce qui lui est dû, c’est peut-être d’abord l’accueillir dans notre vie, s’imprégner de son amour. Nous ne devons pas être de simples consommateurs de la foi ou des sacrements. Cette espérance qu’il met en nous est comme une lumière qu’il faut communiquer au monde entier. Nous sommes tous appelés à être des acteurs et des constructeurs de la communauté chrétienne ; c’est dans ce monde tel qu’il est que nous avons à témoigner de la bonne nouvelle de l’Évangile. Beaucoup le font au péril de leur vie. Mais rien ne peut empêcher la Parole de Dieu de produire son fruit. La marque que nous portons est celle de Dieu. Au jour de notre baptême, nous avons été marqués de la croix du Christ. C’est une marque indélébile qui oriente toute notre vie. Ainsi ceux qui ressemblent au Christ par leur vie, leur conduite et leurs vertus, se modelant sur lui, rendent vraiment visible l’image de Dieu.
En célébrant cette Eucharistie, nous voulons rendre au Seigneur, ce qui lui revient. Nous lui offrons tous les actes de foi, d’espérance et de charité qui émaillent de nos vies et de celles de tous nos frères et sœurs. Avec lui nous nous engageons à tout faire pour que l’amour l’emporte sur la haine et la violence. Il est avec nous pour que l’Évangile soit annoncé dans le monde entier.