A TOUSSAINT MATTHIEU 05,01-12a (9)
Chimay : 01.11.2023
Frères et sœurs, en ce jour de Toussaint, beaucoup ont choisi de revenir vers leur paroisse d’origine. Ce qui les motive, c’est le souvenir de leurs défunts. Nous sommes comme ces femmes qui se sont rendues au tombeau du Christ pour lui rendre un dernier hommage. Mais comme elles, nous devons entendre cette parole qui leur a été adressée : « Ne cherchez pas parmi les morts Celui qui est vivant » (Lc 24,5). Et nous n’oublions pas cette autre parole du Christ : « Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants » (Lc 20,38).
C’est cette bonne nouvelle que nous avons entendue dans l’extrait du livre de l’Apocalypse (7,2-4 ;9-14). Ce livre a été écrit pour des chrétiens qui vivent sous la menace perpétuelle de la persécution. Pour des raisons de sécurité, il est écrit dans un langage codé que seuls les initiés peuvent comprendre. Son but est de réveiller leur espérance : « On vous persécute, on vous élimine, mais ne perdez pas courage. Les forces du mal ne peuvent rien contre vous. Elles sont déjà vaincues. Les vrais vainqueurs, c’est vous, à l’image du Christ lui-même ».
L’Apocalypse nous annonce la victoire de Dieu et de son Christ sur les forces du mal, même les plus terrifiantes. Saint Jean nous parle d’une « foule immense que nul ne pouvait dénombrer » (Ap 7,9). Il nous montre tous ces gens qui ont été introduits auprès du trône de Dieu, la palme de la victoire à la main. Tous les saints que nous fêtons en ce jour sont des hommes, des femmes et des enfants comme nous. Le 10 septembre dernier, était béatifiée en Pologne tous les membres d’une famille. Le père, la mère, et les sept enfants de la famille Ulma. Cette famille, entièrement exécutée par les nazis le 24 mars 1944 dans un village du nord-est de la Pologne pour avoir hébergé des juifs, est « un modèle de dévotion au Sacré-Cœur de Jésus », a salué le pape François quelques jours après la béatification. « À la haine et à la violence qui caractérisaient leur époque, ils ont opposé l’amour évangélique », a-t-il encore souligné. Et le pape de souhaiter que « cette famille polonaise, qui a représenté un rayon de lumière dans l’obscurité de la Seconde Guerre mondiale, soit pour nous tous un modèle à imiter dans la dynamique du bien et dans le service de celui qui est dans le besoin ». Ils ont cru que l’amour était plus fort que tout. Leur victoire est déjà la nôtre. Nous attendons le triomphe définitif du Christ sur les forces du mal.
Cet amour de Dieu pour chacun de nous, c’est quelque chose d’extraordinaire. C’est saint Jean qui nous le dit dans la deuxième lecture (1Jn 3,1-3). Dieu « a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu et nous le sommes » (1Jn 3,1). Mais la sainteté n’est pas quelque chose que nous pouvons acquérir par nos seules forces ni en accomplissant des performances spirituelles ; c’est Dieu qui nous la communique, même à nous pauvres pécheurs. Ce qui nous est simplement demandé, c’est d’avoir les mains et le cœur ouverts pour accueillir cet amour qui est en Dieu. C’est ainsi que nous pourrons vivre notre condition de fils. Nous vivons des situations difficiles, mais si nous nous attachons au Christ, rien ne peut nous séparer de son amour.
L’Évangile, celui des béatitudes que nous avons entendu, est un appel à la joie et à la sainteté, ce qui est la même chose. Il nous annonce que les larmes, les pleurs, les injustices disparaissent dans le Royaume de Dieu. Les béatitudes nous annoncent la venue prochaine de ce Royaume. Elles nous montrent le chemin du vrai bonheur. Ce chemin, c’est le refus de la violence, la soif de la justice, de la miséricorde. Jésus nous indique ce chemin : il est lui-même le pauvre de cœur, assoiffé de justice, le miséricordieux, l’artisan de paix. Ce chemin qu’il nous montre peut paraître rude.
En lisant les Béatitudes, on pourrait vite croire à un appel à se complaire dans la pauvreté, les pleurs, l’injustice, l’insulte ou la persécution avec des promesses vagues, irréalisables et illusoires. Eh bien, justement, c’est tout le contraire. La perspective de voir Dieu, d’obtenir justice, miséricorde... est ici affirmée et révélée comme une garantie qui nous rassure et donne consolation, courage et espérance dans l’aujourd’hui de nos épreuves. Rappelons que « Heureux » ne signifie pas qu’on se satisfait de la situation actuelle. C’est une invitation pressante à se ressaisir, à rebondir, se relever, et se remettre en marche. Si la miséricorde nous est promise au futur, ce futur du Royaume s’approche de nous par ces paroles. Et si nous les accueillons, elles nous motivent et nous stimulent pour en vivre dès maintenant et contribuer à leur réalisation. Le Christ est toujours là pour nous accompagner et nous aider à tenir bon.
Cette fête nous rappelle une fois de plus que nous sommes tous appelés à devenir des saints. La tentation est grande de dire que « ce n’est pas pour moi pauvre pécheur ». Il faut le dire et le redire, elle est pour chacun de nous ; au ciel, il n’y a que des saints et des saintes. Certains ont été de grands pécheurs, mais ils ont accueilli le pardon de Dieu : pensons à Pierre qui avait renié le Christ, à Paul qui avait persécuté les chrétiens, à Marie-Madeleine qui était possédée par sept démons, à Zachée qui s’est enrichi aux dépens des pauvres, au bon larron qui se convertit sur la croix, à saint Augustin qui avait passé toute une partie de sa vie dans la débauche, et à combien d’autres saints et bienheureux qui étaient des pécheurs avant leur conversion ? Leur rencontre avec le Christ a complètement bouleversé leur vie. C’est ce qu’il veut aussi pour chacun de nous : il est capable de venir nous chercher très loin et très bas.
Nous serons appelés à aller à contre-courant de la mentalité du monde et de toutes les propagandes contraires à la mentalité de l’évangile. Mais nous ne sommes pas seuls : le Seigneur nous assure de sa présence chaque jour jusqu’à la fin du monde (Mt 28,20). Marie, la reine des saints et des apôtres est là pour nous ramener au chemin des béatitudes. J’ai lu quelque part que la Toussaint c’est la « séance de rattrapage ». Elle nous annonce la destinée glorieuse de tous les membres du Peuple de Dieu, non pas les purs mais les pécheurs sauvés, les pécheurs que Dieu veut combler de sa sainteté à lui.
En union avec la foule immense de tous les saints du ciel et avec tous les chrétiens du monde entier, nous chantons aujourd’hui notre action de grâce au Seigneur. Et nous lui demandons de nous aider à faire de toute notre vie une marche vers ce Royaume qu’il a préparé pour tous ceux qui acceptent de le suivre.