B CARÊME 04 JEAN 03, 14-21 (14)
Chimay : 10.03.2024
Frères et sœurs, en ce dimanche, nous continuons notre montée vers Pâques. C’est un chemin de conversion de tous les jours et de tous les instants. C’est en permanence que le Seigneur nous appelle : « Revenez à moi de tout votre cœur… Convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle… » (Mc 1,15). Cependant ce quatrième dimanche du Carême est déjà illuminé par la joie « des fêtes pascales qui approchent ». Car Dieu a envoyé son Fils « pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3,17). Le Christ est la lumière qui nous attire à lui pour que soit manifestée notre union avec Dieu.
Dans les lectures bibliques de ce dimanche, nous trouvons plusieurs fois le mot « sauvés ». Le premier texte du livre des Chroniques (2 Ch 36,14-23) est une relecture des événements du passé. Il nous dit qu’au fil des événements de l’histoire, le Seigneur accomplit sa promesse de salut. Les chefs des prêtres et tout le peuple multipliaient les infidélités. Ils imitaient les sacrilèges des nations païennes. Cette conduite a été la cause de leur perte. C’est pourquoi le temple de Jérusalem a été détruit ; le peuple a été déporté en exil. Plus de roi. C’est la conséquence de l’infidélité du peuple. Grande épreuve de l’exil qui marquera à jamais le peuple d’Israël, mais aussi temps de la conversion espérée par le Seigneur qui n’abandonne pas son peuple. Dieu reste éternellement fidèle à son alliance alors que l’homme ne cesse de la trahir. Il envoie des messagers car il a pitié de son peuple. Il ne cesse de lui offrir son amour généreux.
Nous aujourd’hui vivons dans une société qui cherche à se construire en dehors de toute référence religieuse. Dieu y est le grand absent. En dehors de lui, nous courons nous aussi à la catastrophe. Mais Dieu ne cesse de vouloir nous sauver. Il nous appelle inlassablement à revenir vers lui de tout notre cœur : « Convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle » (Mc 1,15). Notre Dieu ne veut pas la mort du pécheur mais qu’il se convertisse et qu’il vive. Il se tient « à la porte et frappe. Si quelqu’un entend sa voix et ouvre la porte, il entre chez et soupe avec lui » (Ap 3,20). Voilà cet appel que nous sommes invités à accueillir. Dieu est amour ; il n’a jamais cessé de nous aimer. Le plus difficile n’est pas de l’entendre, mais d’y croire.
C’est aussi cette révélation que nous trouvons dans la lettre de saint Paul aux Éphésiens : « Dieu est riche en miséricorde : à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions esclaves par suite de nos fautes, il nous a donné la vie dans le Christ » (Ep 2,4). C’est la bonne nouvelle qui nous est annoncée tout au long de ce Carême : Dieu est amour ; il nous aime tous d’un amour passionné. C’est parce que Dieu est riche en miséricorde, et non à cause de nos actes, qu’il nous a recréés en Jésus-Christ. Tout ce qui nous arrive par le Christ vient de cette miséricorde de Dieu ; cela ne vient ni de nous ni de nos mérites. Saint Paul qui a rencontré le Christ sur le chemin de Damas sait de quoi il parle. Il sait ce qu’est la vie renouvelée par l’amour de Dieu. Pouvons-nous vraiment nous détourner du péché ? Oui, nous dit saint Paul, si nous mettons toute notre confiance en Jésus et si, jour après jour, nous accueillons sa grâce, car sa miséricorde est puissance d’anéantissement du péché.
Dans l’Évangile, nous retrouvons également ce mot « sauvés ». En dehors de Dieu, nous sommes des naufragés. Et c’est pour ramener tous les hommes à Dieu que l’apôtre Pierre a reçu la mission de « pêcheur d’hommes » (Mt 4,49). Aujourd’hui, saint Jean nous invite à lever les yeux vers un signe. Il nous parle de Jésus « élevé en croix » comme le serpent de bronze avait été « élevé » par Moïse sur le peuple. Celui qui tournait les yeux vers le serpent élevé était guéri. Il n’était pas guéri par l’objet mais par le sauveur de tous les hommes. Que veut nous dire Jésus avec cette allusion, sinon qu’en le regardant sur le bois de la croix, nous nous rappelons à la fois le mal qui défigure l’humanité et la merveille de notre guérison en lui. Car « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (Jn 3,16). Par sa mort et sa résurrection, celui-ci a vaincu le mal et montré que la lumière de l’amour dissipe les ténèbres du péché. La victoire est assurée pour qui accueille cet amour de Dieu en lui.
L’évangéliste multiplie les expressions qui parlent de délivrance : « Obtenir la vie éternelle… être sauvés… échapper au jugement… » Le grand projet de Dieu c’est d’apporter son salut à tous les hommes. Il envoie son Fils pour réaliser ce projet. Il nous a montré son immense amour en nous donnant son Fils. C’est par la croix que se révèle cet amour unique. L’évangéliste nous demande de nous déterminer face au crucifié qui nous révèle l’amour de Dieu. « Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne croit pas est déjà jugé » (Jn 3,18). Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique pour que tout homme obtienne la vie.
Il nous faut le dire et le redire : jamais nos péchés ne seront plus grands que l’amour de Dieu pour nous. C’est une certitude inébranlable de l’Église : nous sommes sauvés par ce Jésus qui a livré son Corps et versé son Sang pour nous. Jamais aucune faute ne pourra venir à bout de cet amour. Pour ceux qui savent regarder, la croix est un signe de salut et non de condamnation. Malheureusement, nous regardons trop souvent ailleurs. Quand nous organisons notre vie en dehors de Dieu, c’est la catastrophe, le naufrage. Pierre marchait sur les eaux à cause de sa foi en Jésus. « Mais quand il remarqua la violence du vent, il prit peur – c’est-à-dire qu’il échangea sa peur contre sa foi – et il commença à s’enfoncer dans l’eau » (Mt 14,30). « Aussitôt, Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : ‟Comme ta confiance est faible ! Pourquoi as-tu douté ?” » (Mt 14,31).
Tout au long de ce Carême et tout au long de notre vie, nous sommes donc invités à lever les yeux vers la croix du Christ. Par sa mort et sa résurrection, le Christ Jésus nous fait passer vers la vraie Lumière... Il nous invite à regarder le monde avec lui et comme lui. Par sa croix, il guérit les blessures du monde. Il est la Lumière plus forte que la nuit, l’amour plus fort que la mort. Alors oui, levons les yeux, élevons nos cœurs ! Profitons de ces derniers jours du Carême pour ouvrir les yeux sur la Vérité et renaître à la Lumière de la vie.
Si le salut nous est offert, nous pouvons aussi le refuser en occultant le besoin que nous en avons. C’est ce que nous dit également le propos sur la lumière. Accueillir le salut ou la lumière suppose de regarder en face la part d’ombre qui nous habite sans refuser la conscience que la lumière nous en donne. Or si Dieu est amour et veut nous sauver, qu’avons-nous à craindre ? Nous pouvons traverser avec lui les « ravins de la mort » (Ps 22,4), voir nos maux sans « désespérer » de sa miséricorde.
Demandons à l’Esprit de Dieu, d’attirer nos regards vers Celui qui a été « élevé de terre ». Qu’il répande en nous l’Esprit du Sauveur des hommes et nous fasse revivre avec lui. Amen.