B JEUDI SAINT JEAN 13,01-15 (9)
Chimay : 28.03.2024
Frères et sœurs, nous voici rassemblés pour faire mémoire du dernier repas de Jésus avec ses amis. Au cours de ce repas d’adieu, il transmet son testament à ceux qui l’ont accompagné comme disciples : c’est un condensé de toute sa vie, symbolisé par deux actions inséparables : l’institution de l’Eucharistie et le lavement des pieds.
En instituant l’Eucharistie, Jésus se donne comme nourriture et boisson. Il donne sa chair qui sera bientôt déchirée par les pointes d’épines et les clous. C’est cet aliment qui fortifiera ses disciples quand ils seront affrontés à la persécution. Chaque fois que nous allons communier, c’est Jésus qui nous donne la force de répondre à son commandement : « Demeurez en moi comme moi je demeure en vous » (Jn 15,4). Avec lui nous ne sommes pas seuls. Comme saint Paul nous pouvons dire : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20).
Au soir de ce Jeudi Saint, l’Évangile de Saint Jean ne nous parle pas directement de l’Eucharistie. Il nous décrit un geste de Jésus qui nous y prépare. Il s’agit du Christ qui lave les pieds de ses disciples. C’était un geste d’hospitalité qui se pratiquait d’une manière habituelle dans le monde du Moyen Orient. Ce service était normalement accompli par un esclave. Ici, c’est Jésus, celui qu’on appelle « Maître et Seigneur » qui se met à genoux devant les siens pour leur laver les pieds.
Ce que Jésus nous demande, et que Pierre a eu du mal à accepter, c’est de nous laisser aimer par lui ; c’est là un premier point. Il nous demande surtout d’aimer comme lui, avec la même radicalité et le même absolu. Le disciple doit, lui aussi, se mettre en tablier pour servir ses frères. Comme Jésus, nous avons à les rejoindre au plus bas de leur fragilité ; il nous invite à les considérer comme supérieurs à nous-mêmes. Bouleversés de voir le Christ en tablier, les disciples peuvent aussi devenir bouleversants.
En lavant les pieds de ses disciples, Jésus veut nous apprendre à passer de la servitude au service. Chacun de nous pourrait évoquer des personnes qui expriment leur foi par le service de leurs frères. Comment ne pas penser à ceux et celles qui se dévouent au service des petits, des pauvres et des exclus. Nous n’oublions pas également des personnes proches de nous : les éducateurs qui font souvent preuve d’une grande patience, les animateurs d’associations qui donnent beaucoup de leur temps, les soignants qui se dévouent sans bruit auprès des malades. Les exemples ne manquent pas… Toutes ces personnes et bien d’autres nous montrent que le Christ fait passer de la mort à la Vie.
Dans l’épître aux Corinthiens (1Co 11,23-26), Saint Paul vient nous rappeler dans quelles conditions doit être célébré le repas pascal. Dans ce récit de l’institution de l’Eucharistie, le plus ancien que nous connaissions, Saint Paul rappelle que, lorsque nous mangeons le pain et buvons le vin consacré, nous faisons mémoire de la mort et de la résurrection du Christ qui nous libère de la mort et du péché, et nous célébrons l’espérance de son retour dans la gloire. Son message a été écrit pour des chrétiens qui étaient divisés par des jalousies et des mesquineries. Avant de célébrer l’Eucharistie, il faut en sortir car ces disputes sont en contradiction avec la messe. Sans la charité, la communion n’est qu’une hypocrisie. Comprenons bien : nous sommes rassemblés pour proclamer la mort du Seigneur, célébrer sa résurrection et lui dire que nous attendons sa venue. C’est la nouvelle alliance entre Dieu et le monde. Nous prenons conscience de l’amour extraordinaire de Dieu pour l’humanité. Nous n’aurons jamais fini de méditer sur cette générosité qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer. Il est important que notre vie et nos rapports entre nous soient en accord avec cet amour de Dieu.
En ce Jeudi Saint, nous sommes invités à élargir notre regard à la dimension de celui de Jésus, un regard solidaire de tous ceux qui nous entourent. L’Eucharistie qui nous rassemble chaque dimanche trouve son accomplissement quand elle est suivie du service du frère. Faire mémoire du Christ c’est aussi le suivre dans ce don qu’il fait de lui-même jusqu’au sacrifice de sa vie car « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie » (Jn 15,13).
Oui, Seigneur, donne-nous de t’aimer en toute humilité. Donne-nous de t’aimer dans ton amour pour chacun. Donne-nous de les aimer proches et lointains comme tu les aimes, un amour qui s’éprouve et se prouve. Donne-nous de mener une vie eucharistique, c’est-à-dire au service de nos frères et sœurs.