B PÂQUES 02 JEAN 20, 19-31 (11)

Chimay : 07.04.2024

Frères et sœurs, dans l’évangile de ce jour, Saint Jean nous rapporte une apparition de Jésus le soir du premier jour de la semaine, c’est-à-dire le soir de Pâques. Il y en a eu d’autres, notamment à Marie- Madeleine près du tombeau et aux disciples d’Emmaüs sur la route de Jérusalem à Emmaüs ; certains prétendent que la Vierge Marie aurait elle aussi reçu la visite de son fils, même si les évangiles n’en parlent pas. C’est l’opinion de Saint Ignace de Loyola parmi d’autres.

Les apôtres sont confinés dans le lieu où ils étaient, communément appelé le Cénacle. Ils se cachent car ils ont peur d’être recherchés et condamnés comme leur Maître. Cette peur, nous la connaissons nous aussi. Marcher à la suite de Jésus n’est pas sans risques. Dans certains pays, c’est dangereux d’avoir une Bible ou un insigne chrétien. Quand nous voulons affirmer notre foi, nous pouvons nous heurter aux moqueries ou à l’indifférence de notre entourage. C’est toujours la même peur qui nous hante.

Mais voilà que Jésus prend les devants. Il rejoint ses apôtres dans leur enfermement. Il surgit et présente ses plaies. Et son premier message est un souhait de paix, par trois fois dans notre texte. Après tout ce qu’ils ont vécu, Jésus veut apaiser les apôtres. Cette paix, c’est la joie retrouvée, c’est le pardon, c’est la réconciliation. Au moment de les envoyer en mission, le Christ veut les libérer de cette angoisse qui les obsède. Jésus répand alors son souffle de Pentecôte et envoie ses témoins en mission.

Soyez certains qu’il continue à nous rejoindre nous aussi dans nos peurs aussi. Le même Christ nous touche aujourd’hui pour nous donner sa paix, courage et réconfort, pour nous dire qu’il nous fait miséricorde. Même si nous sommes tombés très bas, il ne cherche qu’à nous relever. Là où « le péché a abondé, son amour miséricordieux a surabondé » (Rm 5,20).

Ce Jésus qui se manifeste aux apôtres, c’est bien celui qu’ils ont suivi pendant trois ans. Mais il est transfiguré par la résurrection. À cette vue, la crainte des apôtres s’efface. Saint Jean nous dit qu’ils sont remplis de joie. C’est aussi cette joie que nous sommes invités à vivre tout au long de ce temps pascal. Le Christ ressuscité est là. Il nous rejoint au cœur de nos vies, de nos joies et de nos épreuves. C’est auprès de lui que nous trouvons la vraie joie. Parce que nous savons que désormais, rien ne peut nous séparer de son amour (Rm 8,39).

Il nous reste le cas de l’apôtre Thomas, le retardataire. Ce n’est pas à lui qu’on fera croire ce qu’il n’a pas vu. Ce qu’il a vu, c’est Jésus crucifié et enfermé dans un tombeau. Il a du mal à croire dans le témoignage des disciples, tant qu’il ne constate pas Jésus en personne et les plaies par lui-même. Mais le Christ ressuscité ne manque pas d’humour. Pour répondre à sa demande, il invite Thomas à s’approcher et à toucher ses plaies. Thomas va-t-il relever le défi et toucher les plaies ? Nous ne le saurons pas. Mais ce dernier va plus loin que ses amis car il a été le premier à reconnaître en Jésus « Mon Seigneur et mon Dieu » (Jn 20,28). C’est la rencontre et la Parole de Jésus qui provoquent la profession de foi de l’incrédule. Nous aussi, comme ce disciple, nous aimerions avoir des preuves. Mais le Seigneur ne cesse de nous rappeler ces paroles : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29). Alors, quitte à être comme l’apôtre Thomas, soyons-le jusqu’au bout ; et que son aventure soit la nôtre. Ils sont d’ailleurs nombreux les témoignages de personnes dont la rencontre du Christ a bouleversé leur vie : Charles de Foucauld, André Frossard, Raymond Devost, Michel Delpech, Louis de Funès, Éric-Emmanuel Schmitt et tant d’anonymes qui livrent leurs messages par vidéos sur Internet ou autrement. Que l’on songe au nombre croissant de baptêmes d’adultes chaque année pour comprendre que le Christ se manifeste toujours.

Cette rencontre avec le Christ ressuscité a complètement bouleversé la vie des apôtres puis celle des premiers chrétiens. Avec lui présent au milieu d’eux, plus rien ne peut être comme avant. Saint Luc nous le rappelle dans les Actes des Apôtres : « La multitude de ceux qui avaient adhéré à la foi avait un seul cœur et une seule âme. C’est avec une grande force que les apôtres portaient témoignage de la résurrection de Jésus » (Ac 4,32-33). Ce qui rend leur témoignage crédible, c’est le partage. Ils mettaient tout en commun.

Et nous, enseignés par ce disciple-jumeau, Thomas, appelé Didyme : où en sommes-nous de notre foi ? Attendons-nous encore des preuves, ou bien faisons-nous assez confiance dans la parole de ceux qui l’ont vu, les premiers témoins du Ressuscité ? Avons-nous assez de foi dans ce qu’ils nous ont transmis pour confesser « Mon Seigneur et mon Dieu » (Jn 20,28) et, en croyant, grandir dans la vie ?

Vous le savez : les belles paroles ne suffisent pas. Nous aussi sommes tous invités à être solidaires, à partager. L’exemple des premiers chrétiens peut nous aider à être plus fraternels. Des chrétiens qui se dévouent au service des autres, nous en connaissons tous. Pendant le Carême, ils ont été nombreux à partager avec ceux qui ont faim. L’œuvre de l’abbé Pierre, de l’armée du Salut, et celle de Mère Térésa, ça continue. Pensons aussi à tous ces petits gestes de solidarité entre voisins pendant le confinement… Les exemples ne manquent pas. Cette solidarité est plus que jamais nécessaire, surtout en cette période où la crise économique frappe des pauvres de plus en plus nombreux. Témoigner du Christ ressuscité, c’est être porteur de son amour. Il faut que cela se voie dans nos communautés chrétiennes.

Avec cet Évangile de ce matin, nous sommes plus que jamais dans la miséricorde de Jésus. Rappelons-nous : quelques jours plus tôt, Judas l’avait trahi ; Pierre l’avait renié. Tous l’avaient abandonné. Et maintenant, ils se cachent, ils s’enferment. En effet, ils ont peur d’être recherchés par ceux qui ont condamné leur Maître. Or voilà que Jésus ressuscité les retrouve. Il aurait pu leur faire des reproches. C’est la paix qu’il leur apporte. Cette paix, c’est le pardon, c’est la réconciliation. Avec Jésus ressuscité, le mal ne peut avoir le dernier mot. C’est la miséricorde qui triomphe. Voilà une bonne nouvelle importante pour nous : même si nous nous sommes détournés du Seigneur, il est toujours là ; il ne cesse de nous rejoindre pour nous apporter sa paix, son réconfort.

En ce dimanche de la miséricorde, tel que voulu par le saint pape Jean-Paul ii, nous demandons au Seigneur de nous rendre plus disponibles à la force de la foi. Qu’il soit avec nous pour que nous soyons plus courageux dans le témoignage chrétien. Qu’il nous garde plus généreux dans la pratique de la charité fraternelle. « Toi qui es Lumière, toi qui es l’amour, mets en nos ténèbres ton Esprit d’amour » (Raymond Fau). Amen.