B PÂQUES 05 JEAN 15, 01-08
Chimay : 28.04.2024
Frères et sœurs, les textes de la Parole de Dieu de ce 5e dimanche du temps pascal nous invitent à fortifier notre union avec le Seigneur Jésus Christ, mort et ressuscité pour nous, union dont la qualité et la profondeur apparaîtront au travers des fruits que nous porterons, que ce soit par nos paroles ou par nos gestes.
Dans les Actes des Apôtres (9,26-31), Barnabé raconte aux disciples le récit de la conversion de Paul sur le chemin de Damas, où il fut emprisonné peu après, mais il est parvenu à s’échapper en se faisant descendre dans un panier hors de la ville. À Jérusalem, Paul se joint aux disciples, car il est devenu un témoin du Christ. Toutefois, cet ancien persécuteur doit faire authentifier sa mission au sein de la communauté chrétienne. Pour cela, la reconnaissance par les Apôtres de la sincérité de sa conversion est décisive. L’expérience unitive qu’il a faite du Seigneur sur le chemin de Damas l’a conduit à une lecture renouvelée de l’Écriture. Il a découvert en elle le plan de salut de Dieu. Désormais, il n’a pas d’autre désir que de prêcher le Christ et ce, malgré les menaces de mort qui pèsent sur lui de la part des juifs de langue grecque. Chez lui, le fruit de son union avec le Christ depuis sa conversion, c’est l’annonce incessante de la Bonne Nouvelle de l’Amour de Dieu proposé à chacun : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » (1 Co 9,16).
Saint Jean, quant à lui, dans sa lutte contre l’hérésie païenne, nous expose que l’amour ne se démontre pas par de belles paroles ou par des illuminations spéciales comme le prétendent les hérétiques mais par les œuvres de charité : « Nous devons aimer non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité. En agissant ainsi, nous reconnaîtrons que nous appartenons à la vérité, et devant Dieu nous aurons le cœur en paix » (1 Jn 3,18-24). C’est là le propre du christianisme : porter un fruit de charité.
Le secret pour aimer nos frères comme le Christ nous le demande est de prier. « Tout ce que nous demandons à Dieu, il nous l’accorde » (1 Jn 3,22). L’intimité avec le Christ nous rend capables d’aimer vraiment, « par des actes et en vérité » (1 Jn 3,18). Cela rappelle la réponse du Christ à la Samaritaine d’adorer Dieu en esprit et en vérité.
Tout chrétien, tout disciple de Jésus, ne peut séparer foi et charité. Les deux vont de pair, s’entraînant et se nourrissant l’une l’autre. Jésus, lui-même, illustre cela pour nous dans l’évangile à travers la parabole de la vigne et des sarments. Seuls les sarments unis à la vigne véritable qu’est le Christ peuvent porter un fruit de charité : « Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit » (Jn 15,1).
Ainsi le disciple ne vit que dans le Christ. Le Vigneron, le Père, source de toute Parole qui sort de la bouche du Fils, émonde au moyen de celle-ci. C’est ainsi que les disciples, en tant que sarments, ont été émondés par la Parole du Fils et que ce dernier peut leur dire : « Déjà vous êtes purs grâce à la parole que je vous ai fait entendre » (Jn 15,3). Mais il dépend d’eux de rester attachés à lui. C’est à eux qu’il revient de « demeurer en » la vigne, c’est-à-dire d’adhérer fermement et fidèlement à la personne du Christ.
Et cette communion se révèle comme l’unique condition pour porter un vrai fruit, un fruit produit tout à la fois par la vigne et le sarment, par le Christ et le disciple. Porter du fruit implique de « demeurer en lui » (Jn 15,7), c’est-à-dire de vivre de sa vie en se nourrissant de sa Parole et en recevant les sacrements.
Une tentation forte durant le parcours d’une vie est la fatigue de s’être adonné pendant un certain temps à faire le bien autour de soi, fatigue pouvant traduire une certaine désillusion face à un résultat peu conséquent à nos yeux en comparaison du combat mené. On se décourage et on finit peu à peu par se replier sur soi.
En réalité, seul Jésus peut nous donner la persévérance sur le chemin du don de nous-mêmes. Il nous faut ici apprendre à compter sur Celui qui est le roc de nos vies et à nous appuyer sur lui. Jésus, lui-même, nous met en garde : « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5). Solidement attaché au Christ, comme le sarment à la vigne, ne faisant plus qu’un avec lui, nous serons alors pénétrés tout entier de sa vie, animés de ses pensées, nourris de sa grâce. Nous ne pourrons donc désirer que ce qu’il désire.
Mais si Jésus nous invite, comme ses disciples, à demeurer en lui, ce n’est pas simplement pour nous préserver de l’infidélité ou pour nous rappeler que c’est là l’unique condition pour porter du fruit. C’est aussi pour nous faire comprendre que c’est grâce à nous qu’il peut se rendre concrètement présent aux hommes et aux femmes de notre temps. Le sens de l’existence du disciple n’est-il pas de permettre au Christ, en qui il demeure, de se faire « tout à tous » (1 Co 9,22) ? N’est-ce pas une belle manière de porter du fruit que de permettre cette rencontre entre le Seigneur et les personnes vers lesquelles il nous envoie ?
Mère Térésa de Calcutta, elle qui était au service des plus pauvres parmi les pauvres, n’hésitait pas à dire : « Le service le plus grand que l’on puisse rendre à quelqu’un est de le conduire à connaître Jésus afin qu’il l’écoute et le suive, parce que seul Jésus peut répondre à la soif de bonheur du cœur humain pour lequel il a été créé ». Saint Vincent de Paul, don Bosco, Frédéric Ozanam, le Père Damien de Veuster ne parlaient pas autrement. « Nul n’est une île » a écrit le Père Thomas Merton, et il est vrai que les humains ne peuvent vivre isolés de leurs frères et sœurs en humanité. Quand bien même certains choisissent la vie érémitique, le souci des autres est toujours présent dans leur prière. La condition de notre fécondité spirituelle est d’être branché sur Dieu.