B 15 MARC 06,07-13 (12) 

Frères et sœurs, les textes de la Parole de Dieu de ce dimanche nous présentent des hommes qui ont été appelés et envoyés par le Seigneur. Il est hors de question d’être ses missionnaires sans être appelés par lui. Le message qu’ils doivent proclamer ne vient pas d’eux mais du Seigneur. Un prophète c’est d’abord quelqu’un qui a pour mission de parler de la part de Dieu.

Nous avons tout d’abord le témoignage d’Amos (Am 7,12-15) ; il vivait au viiie siècle avant Jésus Christ. C’était un simple agriculteur qui n’avait aucun lien avec les fils de prophète. Lui-même n’était pas fait pour ce métier. Rien ne disposait Amos à devenir prophète. Mais un jour, il a été saisi par le Seigneur alors qu’il était derrière son troupeau. Il a été appelé et envoyé par le Seigneur pour dénoncer les magouilles des hommes politiques de son temps. Si Dieu dit : « Va, parle à mon peuple », peut-on taire sa parole, même si elle dérange ? Malgré les menaces, Amos ne se laisse pas intimider. Dans un langage vigoureux et rugissant, il s’efforce de secouer le monde de son temps. Il prend le parti des pauvres et des laissés pour compte.

Les injustices dans le monde sont toujours bien présentes. Mais Dieu continue à susciter des prophètes pour crier que le pouvoir de l’argent ça suffit. Ce qui est premier, c’est le respect de la dignité de la personne, le respect des familles, le droit au logement et à la nourriture. Comme au temps d’Amos, des prophètes sont là pour dénoncer les causes de la misère et de la faim. À travers eux, c’est le Seigneur qui nous appelle à la construction d’un monde plus juste et plus fraternel. Il ne peut supporter de voir ses enfants souffrir des injustices et de l’intolérance.

Saint Paul a, lui aussi, été « saisi » par le Seigneur pour annoncer l’Évangile. Et aujourd’hui, dans l’épître aux Éphésiens (1,3-14) il rend grâce pour le chemin parcouru. Le projet de Dieu est en train de se réaliser. Des communautés chrétiennes sont nées et se sont développées malgré les persécutions. Saint Paul s’est dépensé sans compter pour la mission mais il reconnaît que Dieu l’a précédé. Sans l’action de l’Esprit Saint, rien n’aurait été possible. C’est pour cette merveille que saint Paul rend grâce. Et nous-mêmes, nous nous unissons à cette prière d’action de grâce. Le Seigneur est toujours là, au cœur de nos vies, toujours présent et agissant.

L’évangile commence aussi par un envoi en mission. Cet appel nous rejoint en période de vacances. Beaucoup partent pour rechercher l’évasion et le repos. C’est vrai que les vacances sont loin d’être un départ en mission. Et pourtant, nous sommes appelés à être des disciples et des messagers de Jésus, toujours et partout. Il n’y a pas de vacances pour un cœur qui aime. Alors, en vacances ou non, Dieu nous envoie pour être les témoins et les messagers de son amour.

« Jésus appelle les Douze et pour la première fois, il les envoie deux par deux » (Mc 6,7). Pourquoi deux par deux ? C’est une manière de rappeler que les commandements de la charité sont deux : l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Celui qui n’a pas la charité n’est pas qualifié pour entreprendre un ministère de prédication. Comprenons bien : Jésus nous envoie porter au monde un message d’amour. Nous devons en donner le témoignage par notre amour fraternel. C’est là le premier moyen d’apostolat ; et c’est le plus efficace : « On vous reconnaîtra pour mes amis si vous vous aimez les uns les autres » (Jn 13,35). La mission a besoin du témoignage de foyers unis, de voisinage solidaire et compréhensif et de chrétiens vivant en frères entre eux.

« Il leur donne pouvoir sur les esprits mauvais… » (Mc 6,7). La mission que Jésus nous confie n’est pas facile. Le tentateur est toujours à l’œuvre ; il ne prend jamais de vacances. Le mal existe autour de nous et en nous. Cela ne doit pas nous décourager : le Seigneur nous demande de rester vigilants. Le meilleur moyen c’est de rester sans cesse relié à lui comme le sarment à la vigne. C’est à ce prix que notre mission portera du fruit. Une fois de plus, le Seigneur se sert de notre faiblesse pour réaliser de grandes choses.

La suite de l’évangile va dans le même sens : Jésus demande à ses envoyés de ne rien emporter pour la route si ce n’est un bâton, de n’avoir ni pain, ni sac, ni pièce de monnaie. La mission qui nous est confiée n’est pas notre affaire personnelle mais la sienne. Nous ne devons rien emporter de nous ni compter sur nous. « Ne revêtez pas deux tuniques… » (Mc 6,9). Il ne s’agit pas de la tunique de rechange mais de celle que l’on voudrait mettre par-dessus l’autre dans un souci d’adaptation au monde. La première tunique serait celle de revêtir le Christ ; la seconde, une certaine forme de camouflage. Nous ne sommes pas envoyés pour dire ce qui plaît au monde mais pour annoncer le message de l’Évangile. L’important c’est de nous rappeler que nous sommes baptisés en Christ et plongés dans son amour. De ce fait, nous « avons revêtu le Christ » (Ga 3,27).

Nous sommes tous appelés et envoyés comme messagers de l’Évangile. Mais si nous voulons être crédibles, il importe que notre vie soit en cohérence avec nos paroles. La véritable conversion doit commencer par nous-mêmes.

Dans la vie, les appels peuvent être de toutes sortes. Il y a des appels au calme, des appels à obéir ou des appels à l’ordre. Dans la Bible, l’appel de Dieu est d’un autre ordre. Dieu appelle comme on crie, comme on prie, comme on chuchote à quelqu’un qu’il peut oser voir plus grand et plus loin. Il interpelle la personne et la rejoint, là où elle est, derrière le troupeau qui est le sien. Aucun calcul ne préside à l’interpellation. Dieu appelle la personne par son nom, singulièrement, car il y a urgence : le monde en a besoin.

Celui qui entend l’appel se met en mouvement et c’est le début d’un voyage qui mène inlassablement vers les autres. Toujours. Mais pourquoi faire ? Au service de quel projet l’appel est-il lancé ? Ici, aucune ambiguïté n’est possible. Le prophète n’est pas laissé dans le doute ou le flou. Il sait ce qui l’attend. Le prophète, l’amoureux, le chercheur de paix vont participer à une tâche difficile. Il s’agit de faire se rejoindre la terre et le ciel, la justice et la paix, l’amour et la vérité, l’humain et le divin.

L’appelé est un jointeur, quelqu’un qui va tout faire pour connecter, rapprocher, unir des réalités jugées difficiles à rassembler. À l’image de Dieu, lui-même criera, murmurera, rencontrera ses contemporains pour les convaincre de travailler à jointer. Il conversera avec le monde sans plan de rechange, sans stratégie, sans réserve, ni préjugés.

Alors, demandons au Seigneur de nous ramener à l’essentiel : qu’il nous libère de tout ce qui nous encombre ; que la force de sa Parole et le souffle de son Esprit nous rendent disponibles pour être les témoins et les messagers de son message d’amour et de réconciliation.