C AVENT LUC 03,10-18 (17) Chimay : 15.12.2024
Frères et sœurs, la liturgie de ce troisième dimanche de l’Avent nous invite à la joie. Nous pouvons penser que cette invitation détonne tout comme ce message que nous trouvons dans la première lecture. Le prophète Sophonie (So 3,14-18) profite d’un petit bout de paix retrouvée pour inviter son peuple à faire la fête. Cette accalmie est le signe d’une transformation plus profonde que Dieu accomplira un jour, où on n’aura plus à craindre la guerre : l’humanité sera conviée à danser de joie avec son Seigneur. C’est l’amour qui aura le dernier mot sur la terre. « Ne crains pas ! Ne laisse pas tes mains défaillir ! Le Seigneur ton Dieu est en toi » (So 3,16-17). Ce sera le triomphe définitif du Sauveur au milieu des hommes.
Ces paroles du prophète s’adressent aussi à chacun de nous aujourd’hui : ce dimanche nous invite à la joie car le Seigneur est au milieu de nous ; encore faut-il être ouvert à sa présence. Nous ne devons pas nous laisser aller à la tristesse ni au découragement. Le Seigneur est toujours là au cœur de nos vies. C’est en lui que nous trouvons la vraie joie. Cette joie n’est pas une joie éphémère. Nous sommes invités à entrer dans la joie de Dieu, dans la joie du Fils de Dieu qui a choisi de naître parmi nous. La joie qui va nous habiter sera le fruit de la confiance que nous mettons dans le Seigneur qui nous rejoint.
C’est aussi cet appel à la joie que nous retrouvons dans la lettre de saint Paul aux Philippiens (Ph 4,4-7). Il écrit de sa prison ; on attendrait de sa part un message d’inquiétude et d’angoisse. Pourtant il rayonne de joie et il invite ses correspondants à la partager : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis, soyez dans la joie » (Ph 4,4). Un chrétien devrait frapper tous les regards par sa joie inaltérable ; c’est là son meilleur témoignage dans un monde perpétuellement inquiet. La joie chrétienne a sa source dans la certitude que le Christ est proche de celui qui souffre, proche des affligés, proche de nous en ce dimanche et tous les jours. Malgré les multiples raisons d’inquiétude, il ne cesse de nous rejoindre pour nous apporter la joie et la sérénité.
Cette joie ancrée dans la venue du Christ doit aussi se transformer en actions. C’est bien ce que saint Luc souligne dans l’évangile : « Et nous, que devons-nous faire ? » (Lc 3,10). C’est la question qui est répétée trois fois dans l’Évangile de ce jour. Toutes les catégories de personnes s’adressent à Jean Baptiste : la foule, les percepteurs d’impôts, les soldats. Jean Baptiste montre aux uns et aux autres que la vraie conversion passe par des actes. Ces actes concernent la vie sociale et professionnelle : partager avec celui qui n’a rien, bien accomplir son devoir d’état, ne pas profiter de la situation, être honnête. Les réponses de Jean Baptiste sont bien adaptées aux interlocuteurs, car il est vrai que chacun doit ajuster sa réponse à sa situation, à l’époque vécue, aux enjeux du moment.
Ce qu’il faut bien voir, c’est que Jean Baptiste s’adresse à tous : aucune catégorie n’est exclue de ce parcours de conversion pour obtenir le salut. Cela vaut même pour les publicains qui étaient considérés comme des pécheurs irrécupérables. Dieu ne refuse à personne la possibilité de se sauver. Il est un Père qui aime chacun de ses enfants et qui veut le salut de tous.
« Que devons-nous faire » ? Cette question est aussi la nôtre ; et les réponses de Jean Baptiste sont aussi pour chacun de nous : nous devons réentendre ses appels à nous convertir, à changer de direction et à emprunter la route de la justice, de la solidarité et de la sobriété. Ce sont des valeurs indispensables d’une existence pleinement humaine et authentiquement chrétienne. La conversion se traduit toujours par des actes. Paul qui était un persécuteur de chrétiens est devenu un apôtre du Christ. Saint Augustin et saint François d’Assise qui étaient des bons vivants sont devenus des disciples convaincus du Christ. Charles de Foucauld de même, et combien d’autres ?
La liturgie de ce dimanche nous aide à découvrir que cette conversion est source de joie. Ceux qui s’approchent du Seigneur ressentent de la joie. Nous vivons dans un monde qui est accablé par toutes sortes de problèmes : les maladies, la précarité, la violence, la malhonnêteté, l’indifférence, l’inimitié, la jalousie, la trahison. Beaucoup craignent pour l’avenir. Et pourtant le chrétien est une personne joyeuse. Sa joie n’est pas quelque chose de superficiel et d’éphémère. Elle est profonde et durable. C’est un don du Seigneur qui remplit sa vie. Elle vient de la certitude que le Seigneur est proche. Il est proche par sa tendresse, par sa miséricorde, par son pardon et son amour – un amour à partager.
Dans l’évangile nous voyons que le peuple était en attente. Les savants qui étudiaient la Torah, les veuves qui déposaient les deux piécettes de leur vie dans le tronc du Temple, les femmes qui pétrissaient le pain, les prêtres qui offraient les sacrifices, les conducteurs de chars, les charpentiers, les malades, les enfants, Syméon et Anne... Tous attendaient la consolation d’Israël. Jean avait annoncé un feu qui brûlerait, une pelle qui nettoierait, une hache qui couperait ce qui ne portait pas de fruit (Mt 3,10), et puis surgit Jésus. On ne se l’imaginait pas comme ça. La voix qui criait dans le désert faisait un peu sursauter ; en l’entendant, certains voyaient leurs péchés écarlates et tremblaient devant le jugement de Dieu. Mais lorsque le Juste lui-même naquit dans une étable et descendit comme un pécheur dans le Jourdain, la surprise commença. Depuis, nous n’avons été avec Jésus que de surprise en surprise. On nous avait promis la justice... et c’était un enfant radieux et pur qui naissait. Il était le jugement de Dieu... mais la miséricorde déferlait sur la terre : il pardonnait, guérissait, sauvait du péril. Il était le feu... et auprès de lui, chacun se réchauffait, était réjoui de sa lumière. Il était celui que Jean annonçait, c’était bien lui, et pourtant, il ne faisait rien comme on l’avait prévu. Le peuple tout entier était dans l’attente. Mais le Messie annoncé n’était pas si facile à reconnaître dans ce Jésus si étonnant, si joyeux, si rayonnant.
Dans quelques jours, nous fêterons la naissance du Christ sauveur. Le même Christ continue à vouloir venir en nous. Il frappe à notre porte (Ap 3,20) et il attend notre réponse. Il compte sur nous pour que, à la suite de Jean Baptiste, nous soyons ses précurseurs dans ce monde où la violence ne cesse de gangrener les relations sociales et familiales. « Préparer le chemin du Seigneur » (Mc 1,3), c’est donner un témoignage de paix, de dialogue, d’écoute, de patience et de réconciliation. Cela suppose une véritable conversion de nous-mêmes, un ajustement à ce Dieu qui est Amour. « Accomplissez des actes qui montrent que vous avez changé de vie » (Mt 3,8), proclamait Jean Baptiste.
Par l’Eucharistie, le Seigneur nous donne la nourriture qu’il nous faut pour notre conversion. Nous venons nous nourrir et nous imprégner de cet amour et de cette joie qu’il veut nous communiquer. Puis, à la fin de la messe, nous sommes envoyés pour aimer tous nos frères dans le quotidien et le concret de leur vie. Dans ce monde qui meurt de froid, nous avons sans cesse à répandre le feu de l’amour qui est en Dieu. Que la joie de Dieu qui s’offre à nous devienne réalité pour le monde quand il découvre qu’en Jésus, Dieu sauve !