C SAINTE FAMILLE LUC 02, 41-52 (15) Chimay : 29.12.2024
Frères et sœurs, dans le prolongement de Noël, nous célébrons aujourd’hui la fête de la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph. Il s’agit d’une famille humaine toute simple mais totalement conduite dans la foi. Jésus, le Fils éternel du Père, s’est incarné dans une famille humaine, celle de Marie et de Joseph. Ils sont unis par un amour intense, fondé sur celui qu’ils reçoivent de Dieu. C’est un exemple qui est proposé à toutes nos familles. Elles sont appelées à vivre d’un amour enraciné dans l’amour de Dieu. Bien vivre, c’est vivre en aimant. Et cela ne sera possible que si nous puisons à la source de Celui qui est l’amour. « Dieu est Amour » (1 Jn 4,8).
En ce dimanche, nous entendons des lectures qui nous parlent des relations internes à la famille. Le premier livre de Samuel (1 Sm 1,20-28) nous donne le témoignage d’Anne. Par ses prières insistantes, elle a reçu de Dieu un fils, Samuel. Et elle l’amène au temple pour le consacrer au Seigneur. Dans ce récit, Anne préfigure Marie, la mère de Jésus : elle ne reçoit que pour donner. C’est une manière de rappeler que les enfants n’appartiennent pas seulement aux parents. Ils sont à Dieu, Père de tous les humains. La première lettre de saint Jean insiste précisément sur ce point : nous sommes tous membres d’une famille humaine. Mais au jour de notre baptême, nous sommes entrés dans celle de Dieu. Cela nous confère une extraordinaire dignité. Le Père nous a procuré la grâce de « devenir enfant de Dieu » (Jn 1,12).
L’Évangile de ce dimanche nous montre que, pour Marie et Joseph, tout n’a pas été aussi simple qu’on aurait pu l’imaginer. Nous les voyons se rendre à Jérusalem avec Jésus pour la Pâque. Ils y restent huit jours, puis c’est le moment du retour à Nazareth. Le jeune Jésus reste à Jérusalem sans prévenir ses parents. Quant à eux, ils quittent la ville dans la confiance, sans vérifier qu’il est du voyage. Cette séparation durera trois jours. Ils sont très inquiets : L’enfant a pu être enlevé par des brigands ou être victime d’un accident. Quand ils le retrouvent, ils lui font part de leur angoisse. Et c’est là que nous entendons l’étonnement tout aussi sincère du Fils : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » (Lc 2,49).
À travers cette parole mystérieuse, nous découvrons que même des croyants fervents et profonds sont désarçonnés par le mystère de Dieu. Alors, nous ne devons pas être étonnés de comprendre si peu de choses. Marie elle-même ne comprend pas tout, tout de suite. Mais l’évangile nous dit qu’elle gardait dans son cœur tous ces événements (Lc 2,51). C’est ainsi que l’évangile de Luc nous montre un chemin à suivre : accepter de ne pas tout comprendre tout de suite, prendre le temps de la méditation.
Toutefois, en relisant plus attentivement cet évangile, nous découvrons une contradiction apparente : Jésus répond : « C’est chez mon Père que je dois être ». On aurait pu penser qu’il voulait rester au temple de Jérusalem. Or il revient avec ses parents à Nazareth. Il y a là un message important. Le véritable temple de Dieu, ce n’est pas celui qui est construit avec des pierres. C’est son peuple. C’est chacun de nous. Être chez son Père, c’est se mettre au service de tous les hommes. Ce ne sera pas forcément dans l’enceinte du temple ni dans les églises. Nous sommes tous envoyés pour rejoindre les hommes là où ils vivent. Tous sont appelés à faire partie de la Sainte Famille de Dieu qui est Père, Fils et Saint Esprit. Les plus petits, les isolés, les malades, ceux qui se sentent en dehors de tout, ont la première place dans son cœur de Père. C’est de cette bonne nouvelle, qu’à la suite de Jésus, nous sommes tous appelés à témoigner par notre accueil fraternel.
Nos familles de la terre ont pour mission de témoigner de cet idéal. Quand un homme et une femme se marient à l’église, c’est parce qu’ils reconnaissent que leur amour vient de Dieu. Ils veulent le faire grandir et le communiquer à leurs enfants. Ces derniers ont besoin de l’amour d’un papa et d’une maman pour s’épanouir et avancer dans la vie. Il nous faut réagir contre toutes les dérives du prétendu “mariage pour tous”, qui tendent à déstabiliser la famille naturelle voulue par Dieu. Le pape et nos évêques se sont prononcés sur ce sujet. C’est à un tel point qu’on en oublie des préoccupations prioritaires de beaucoup de nos concitoyens en raison de la crise économique et financière : fermeture d’entreprises, hausse du chômage, pandémie, précarité croissante des familles les plus fragiles…
Deux sanctuaires sont centre des lectures d’aujourd’hui. A mille ans de distance, deux fils premiers-nés y trouvent les racines de leur mission. Anne, l’exaucée, confie au Seigneur son petit garçon Samuel qui servira au sanctuaire de Silo « tous les jours de sa vie » (1 Sm 1,28). Jésus devait bien connaître cette histoire. À douze ans, le voilà enfin autorisé à monter à Jérusalem. On peut imaginer son impatience d’ado chantant sur la route à pleins poumons : « Quelle joie quand on m’a dit : “Nous irons la maison du Seigneur” » (Ps 121,1) ou encore : « De quel amour sont aimées tes demeures ! » (Ps 83,2). Voir enfin où habite son Père ! C’est au Temple, forcément, que le jeune Jésus choisit de rester le dernier soir, à l’insu de ses parents. Ceux-ci le cherchent pourtant ailleurs pendant trois jours, trois longs jours de calvaire. Jésus s’étonne : ne pouvait-il être autre part que là où Dieu réside ? « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? (Lc 1,49).
« Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? », demandera plus tard le Ressuscité à Marie Madeleine éplorée, cherchant elle aussi son bien-aimé disparu. « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père (Jn 20,15-17). Finalement, Jésus ne s’installera pas au sanctuaire comme l’a fait Samuel. Il rentrera, docile, à Nazareth, et grandira au village, entre Joseph et Marie. Il sait désormais que Dieu ne se laisse enfermer nulle part. Sa résidence permanente. C’est d’abord le cœur des hommes, notre vie. « Il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire » (Jn 1,14).
C’est en pensant à toutes nos limites et à toutes nos faiblesses que nous nous tournons aujourd’hui vers le Christ. Pour construire une vie qui résiste aux épreuves de la vie, nous avons besoin de nous appuyer sur du solide. Si nous le voulons bien, le Christ sera ce fondement sur lequel nous pourrons nous appuyer pour résister aux tempêtes de la vie. Il veut toujours être notre chemin, notre vérité et notre vie (Jn 14,6). Son grand projet c’est de nous conduire chez son Père et notre Père. « Voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes » (1 Jn 3,1). Alors oui, tournons-nous vers lui et demandons-lui qu’il nous aide à travers les difficultés, les doutes et les épreuves de cette vie à grandir dans la foi.