A AVENT 01 MATTHIEU 24,37-44 (23)
Chimay : 30.11.2025
Frères et sœurs, en ce jour, premier dimanche de l’Avent, où s’ouvre une nouvelle année liturgique, les communautés chrétiennes sont invitées à se tourner vers la venue du Christ. Cet avènement, annoncé et attendu, est en même temps incertain. À trois reprises, dans l’évangile d’aujourd’hui, il est dit que personne n’en sait le jour ni l’heure (Mt 24,39.42.44). Un exemple souligne qu’il sera une surprise. Un tri se fait entre deux hommes qui sont aux champs, deux femmes en train de moudre : « l’un est pris, l’autre laissé » (Lc 24,40-41). Que comprendre ? D’abord simplement que le comportement concret qui s’impose au fil des jours est de veiller, de se tenir prêt (Lc 24,42.44).
Les trois lectures bibliques de ce dimanche nous rappellent le but ultime de la vie des croyants. Jésus est bien le Messie attendu de l’Ancien Testament, celui qui vient en accomplir les promesses. Au nom de cette foi, le prophète Isaïe nous annonce qu’un jour viendra où toutes les nations se tourneront vers Jérusalem (Is 2,2). L’espérance de paix qui habite tous les peuples les conduira un jour à la rencontre du Dieu de la paix. Nous nous y préparons en marchant chaque jour « à la lumière du Seigneur » (Is 2,5).
C’est aussi ce message que saint Paul adresse aux chrétiens de Rome et à chacun de nous (Rm 13,11-14). Il nous invite tous à une intensification de la vie chrétienne. À son époque, on attendait le retour imminent du Seigneur dans la gloire. Les années ont passé et rien ne venait ; pas de manifestation glorieuse du Christ ressuscité. Alors l’apôtre recommande à tous une vigilance active pour se préparer à rencontrer le Seigneur. Car « le salut est plus près de nous qu’à l’époque où nous sommes devenus croyants. La nuit sera bientôt finie. Le jour est tout proche » (Rm 13,11). En attendant, nous sommes invités à nous revêtir du Christ Jésus et à nous tenir prêts en permanence (Rm 13,14a), car le jour de Dieu approche.
Le fait de revêtir le Christ signifie ici que l’on s’est revêtu de la nouvelle nature ; les croyants sont invités à « revêtir le nouveau moi, créé pour ressembler à Dieu dans la vraie justice et la sainteté » (Ép 4,24). Nous revêtons le Christ lorsque nos anciennes habitudes sont clouées à la croix et que nous portons la grâce et le pardon de Jésus comme un vêtement glorieux à la vue du monde entier.
En écoutant l’Évangile, nous avons peut-être pensé à toutes les arches de Noé de nos magasins. Depuis les peluches jusqu’aux jouets électroniques, c’est un véritable déluge de gentillesse, de douceur et de rêve qui se prépare. Mais l’Évangile nous parle d’un autre déluge, celui qui est resté dans les mémoires comme la catastrophe. La Bible nous raconte comment Noé avait assisté à la montée inexorable des eaux. Il avait pris ses dispositions. Mais les gens qui ne s’étaient douté de rien ont tous été engloutis.
Tout cela nous renvoie à ce qui se passe dans nos villes inondées de lumière en pleine nuit, envahies par la verdure des sapins et par la musique commerciale ; beaucoup ne se doutent de rien : c’est le temps des fêtes. Mais un jour, c’est l’accident, la catastrophe, la violence terroriste : « Veillez donc, nous dit Jésus ; tenez-vous prêts vous aussi » (Mt 24,44). Nous savons tous que nous ne devons pas nous endormir au volant de notre voiture, sinon c’est la catastrophe. Ne prenons pas le risque de nous endormir au volant de la conduite de notre vie.
Jésus insiste : « Tenez-vous prêts, vous aussi ». Ne vous laissez pas distraire. Ne laissez pas passer votre chance. Nous avons une nouvelle arche de Noé : c’est la communauté des baptisés. Toutes les familles de la terre sont invitées « à marcher à la lumière du Seigneur » (Is 2,5). Nous nous y entraînons dans nos assemblées par nos chants, nos cantiques, nos prières. C’est là que s’exerce la vigilance demandée. C’est là que nous nous habillons pour le combat de la lumière. C’est qu’en nous voyant vivre, les gens puissent dire : « Ce sont des chrétiens ».
L’évangile fait appel à l’histoire de Noé telle que la commente la tradition juive. Cette dernière fait état de signes qui auraient pu alerter les contemporains de Noé et les amener à la conversion. Jésus ne condamne pas les contemporains de Noé à cause de leur mauvaise conduite. Manger, boire, se marier est tout à fait légitime. Leur erreur, c’est d’avoir réduit l’existence humaine à cela. C’est de croire que le don de Dieu se réduit à une vie entre nous alors que Dieu nous appelle à une vie avec lui. Jésus invite à la vigilance qu’il oppose à l’insouciance des contemporains de Noé et de ceux qui vaquent à leurs occupations sans se douter que la fin des temps, avec ses bouleversements, est proche. Impossible de ne pas penser à ce verset du psaume 48 : « L’homme comblé qui n’est pas clairvoyant ressemble au bétail qu’on abat » (Ps 48,21). Alors comment vivre en justesse la vigilance ? Peut-être en nous rappelant que l’attente est orientée vers la venue du Seigneur et ses promesses, vers la joie d’une humanité rassemblée dans la Jérusalem céleste, vers un jour qui ne connaîtra pas de fin. Sans oublier de nous revêtir pour le combat de la lumière (Rm 13,12) et d’user de notre liberté pour choisir ce qui a valeur d’éternité.
Veiller, c’est agir sur tout ce qui doit changer dans notre vie ; c’est rejeter toutes les formes d’égoïsme et d’indifférence ; c’est renoncer aux comportements qui nous détournent de Dieu et des autres. Mais le plus important, c’est de revêtir le Christ et nous laisser habiter par l’Amour et la Lumière qui sont en lui. Noël c’est Jésus qui est venu ; il continue à venir dans notre vie de tous les jours et il reviendra dans la gloire. Il est plus que jamais nécessaire de bien le mettre au centre de notre vie et de notre prière. En fait, il est bien là, mais c’est nous qui sommes souvent ailleurs. Nous sommes toujours dehors à nous agiter et à courir dans tous les sens. Saint Augustin a bien écrit : « Voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors et c’est là que je te cherchais … je marchais dans une voie ténébreuse et glissante, je te cherchais en dehors de moi et je ne trouvais pas le Dieu de mon cœur… j’étais sans confiance et je désespérais de découvrir la vérité ». Avec beaucoup d’humilité, il reconnaît qu’il n’est qu’au début d’un chemin. Il est déterminé à adhérer à ce qu’il a découvert.
En ce temps de l’Avent où nous nous préparons à la venue du Christ dans notre chair, une venue humble et cachée, et à son retour en gloire, interrogeons-nous : quelle réalité et quel impact cette perspective de la rencontre ultime avec le Seigneur a-t-elle sur notre vie concrète ? Sommes-nous de ceux qui abordent la vie chrétienne comme une vie de relation à Dieu ou uniquement comme une question de morale et de pratiques à respecter ?
Quoi qu’il en soit, nous sommes tous appelés à le rencontrer en ses visites intermédiaires, mystérieuses et cachées, susceptibles de nous donner un avant-goût de « ce que l’œil n’a pas vu, de ce que l’oreille n’a pas entendu, de ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme ; ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé » (1 Co 2,9). Sachant que toute vigilance authentique est assortie d’un combat spirituel exigeant qui ne va pas sans tension certes, mais qui, plus encore, porte une joie que rien ne peut nous enlever. Préparons les chemins du Seigneur : « Le Seigneur donnera ses bienfaits et notre terre donnera son fruit » (Ps 84,13).
