Homélie pour le 13e dimanche temps ordinaire
année A
Scourmont, 28 juin 2020
2 R 4, 8-11.14-16a ; Ps 88 (89), 2-3, 16-17, 18-19 ;
Rm 6, 3-4.8-11 ; Mt 10, 37-42
Le baptême unit au Christ et rend frères
1. Le baptême a fait de nous des êtres nouveaux
« Par le baptême nous avons été unis au Christ Jésus ; c’est à sa mort que nous avons été unis par le baptême. […] nous avons été mis au tombeau avec lui […] pour que nous menions une vie nouvelle […] comme le Christ qui […] est ressuscité d’entre les morts. » Voilà la base de notre foi ; voilà la clé de notre existence chrétienne ; voilà le fondement de notre agir chrétien. Il ne sert à rien de parler de la vie chrétienne, de ce qu’un chrétien doit faire ou ne pas faire, sans se référer d’abord à son baptême. Le chrétien qui agit n’est pas un homme quelconque ; c’est un homme uni au Christ, à tel point que le même saint Paul a pu dire : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20). Le baptême a fait de nous des êtres nouveaux, unis à Dieu par la grâce. Et cette grâce baptismale, de mort et vie dans le Christ, est renouvelée à chaque fois que nous recevons un sacrement, en particulier l’Eucharistie.
Il ne s’agit pas de se dire meilleurs que ceux qui n’ont pas reçu le baptême ; mais nous devons nous reconnaître différents parce que Dieu a voulu établir une relation particulière avec nous : nous sommes substantiellement unis à Dieu dans le mystère pascal du Christ, par son Esprit. Prenons le temps de regarder notre être profond, pour découvrir, pour voir, pour contempler, ou tout au moins pour croire, que Dieu a établi sa demeure en nous. Nous sommes déjà « morts au péché, mais vivants pour Dieu en Jésus Christ. »
2. Les exigences de l’Évangile : aimer les autres
Alors, nous pourrons comprendre et accepter les exigences de l’Évangile telles que nous les avons entendues : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. » Aimer un être humain plus que Jésus n’a pas de sens, puisque Jésus fait partie de notre être même. Cela ne nous empêche pas d’aimer les autres, au contraire. L’amour que nous leur portons n’est plus seulement notre pauvre amour humain, notre seul amour humain, mais notre amour humain enrichi par l’amour de Jésus, transformé par lui ; c’est comme avec un amour divin que nous aimons les autres. Aimer nos proches, c’est leur manifester Dieu amour qui habite en nous. Aimer les autres, c’est leur manifester que Dieu les aime par nous. Aimer Dieu avant tout, c’est assurer les autres que nous les aimerons comme il faut, avec l’amour même de Dieu qui nous habite.
3. Les exigences de l’Évangile : prendre sa croix
« Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera. » Prendre sa croix : ce langage n’est plus d’actualité, il ne passe plus aujourd’hui. Quel prédicateur va se lancer dans un discours sur « Prendre sa croix » ? On va lui répondre : mais, la croix, nous l’avons déjà : la pandémie, la maladie, les échecs, les humiliations… Nous n’avons pas besoin de la prendre, cette croix : elle est déjà sur notre dos, et nous cherchons plutôt à nous en débarrasser par tous les moyens. L’homme que Dieu aime, n’est-ce pas un homme libre, vigoureux, en bonne santé, dégagé de toute entrave, qui s’élance, rapide et joyeux, sûr de la victoire, à la suite de Jésus ? Notre Messie, lui, a porté sa croix péniblement et il est mort au bout du parcours. Le suivre, c’est emprunter le même chemin, pour, en fin de course, perdre sa vie comme lui, avec lui, pour la retrouver comme lui, avec lui : « Qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera. » D’autres personnes autour de nous vivent autrement, ont d’autres idées sur la vie. Que nous importe ? « Toi, du moins, suis-moi » (Cf. Jn 21, 22). Laissons-nous baptiser, plonger dans la mort, pour sortir du tombeau le troisième jour, vivants comme le Christ, avec le Christ.
Nous pourrions dire que c’est trop difficile de suivre le Christ sur ce chemin. Et c’est vrai que c’est impossible aux seules forces humaines. Mais Jésus ne nous a jamais demandé de le faire seuls. Il nous a promis, il nous a déjà donné son Esprit. Laissons l’Esprit agir en nous, même s’il nous entraîne dans des situations dangereuses où nous risquons même de perdre la vie, cette vie terrestre. Mais qu’importe de perdre sa vie si l’on suit Jésus, puisqu’il nous promet de nous la redonner, ou plutôt de nous donner une nouvelle vie. « Puisque l’Esprit nous fait vivre, laissons-nous conduire par l’Esprit. Ne cherchons pas la vaine gloire » (Ga 5, 25-26). En d’autres mots, si, en suivant Jésus, nous marchons vers la mort, nous sommes sur la bonne voie. Soyons dans la joie : le moment de la rencontre définitive approche.
4. Les exigences de l’Évangile : servir son prochain
Certains pourraient penser que toutes ces réflexions sont bien égoïstes, comme si elles étaient tournées seulement vers notre salut personnel. Elles le seraient effectivement si on s’en tenait là, mais l’évangile continue. « Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé. Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ; qui accueille un homme juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste. » Si, par le baptême, nous sommes unis au Christ, les autres baptisés le sont aussi, et il nous faut dès lors reconnaître le Christ en eux. C’est un exercice qui demande parfois de la perspicacité, car le Christ est parfois bien caché (Élisée n’a pas décelé tout de suite la souffrance de la femme sunamite qui l’accueillait) ; il y faut aussi de la persévérance, car il ne se montre pas souvent au premier abord, et, même après s’être montré, il peut être caché à nouveau ; il y faut enfin une bonne dose de force spirituelle pour surmonter toutes nos répulsions devant des apparences trompeuses. Découvrir ainsi le Christ dans les autres est tout un art, parfois un défi, souvent un combat.
5. Conclusion
Voilà où nous mène notre baptême : à la vie fraternelle, en découvrant en chacun des autres le même Christ qui vit en nous. Nous sommes frères parce que nous vivons du même Christ qui, par son Esprit, engendre chacun de nous à une vie nouvelle. Dans la mesure où nous sommes morts au péché, nous sommes vivants pour Dieu en Jésus Christ. En résumé, en vivant avec intensité l’union au Christ qui nous constitue chrétiens, nous devons nous mettre en marche à sa suite, là où il veut nous conduire, et reconnaître comme des frères tous ceux qui ont pris le même chemin que nous. Comme dit le psaume, « L’amour du Seigneur, sans fin je le chante ; ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge. Je le dis : C’est un amour bâti pour toujours ; ta fidélité est plus stable que les cieux. »