3e dimanche du Temps ordinaire

année C

Scourmont, 23 janvier 2022

Ne 8, 2-4a.5-6.8-10 ; Ps 18 (19), 8, 9, 10, 15

1 Co 12, 12-30 ; Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21

 

« Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle. »

1. Jésus

« L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle. » Jésus reprend ainsi à son compte les paroles du prophète Isaïe. Remarquons les trois éléments de ces paroles d’Isaïe.

Tout d’abord, « le Seigneur m’a consacré par l’onction ». Le point de départ de la mission de Jésus se trouve dans la décision du Père de sauver l’humanité. Aux temps de Noé, Dieu avait essayé d’exterminer l’humanité tombée dans le péché, mais il s’était comme repenti : « Jamais plus je ne maudirai le sol à cause de l’homme […] jamais plus je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait » (Gn 8, 21). Alors, pour sauver son œuvre, Dieu avait décidé d’envoyer son Fils. Il en avait fait le Messie, le sauveur de l’humanité.

Devenu homme, – et c’est le second élément – Jésus est consacré pour cette mission, en recevant l’Esprit : lors de son baptême dans le Jourdain, « l’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel : “Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie” » (Lc 3, 22). Envoyé par le Père, Jésus est désormais prêt pour sa mission sur terre, il est le messie, celui qui a reçu l’onction pour sauver les hommes.

Sa mission consistera – c’est le troisième élément – à évangéliser, à annoncer la Bonne Nouvelle, à proclamer une année favorable pour tous : l’évangélisation des pauvres, la libération des captifs, la vue pour les aveugles, la liberté pour les opprimés. Jésus s’adressera, jusqu’en notre temps, à ceux qui ont besoin d’être sauvés, car ils ne manquent toujours pas dans notre monde.

Notons enfin que Jésus n’arrive pas comme si tout commençait avec lui. Ce processus de salut avait été mis en route des siècles auparavant, par l’Alliance que Dieu avait conclue avec un peuple qu’il avait choisi, en particulier par des hommes qui s’étaient manifestés comme des prophètes, comme des porte-parole de Dieu. Isaïe était de ceux-là. Jésus ne manque pas de se mettre dans son sillage au début de son ministère en Galilée, car il est l’accomplissement de tout ce qu’on a dit du Messie : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »

2. L’Église

La vie de Jésus fut très courte, et lui-même savait qu’il ne pourrait pas achever ce qu’il avait commencé. Alors il se choisit un groupe d’apôtres, de missionnaires : ils auraient pour tâche de continuer sur terre sa mission. Et nous savons qu’ils sont à l’origine de l’Église, de cette Église qui est la nôtre.

Je vais sans doute vous étonner, mais il m’arrive de penser que nous vivons aujourd’hui, dans l’Église, une période privilégiée. Rien ne semble positif : les croyants sont de moins en moins nombreux, les églises se vident, des communautés monastiques disparaissent, et puis, les fautes et les manquements de certains chrétiens sont étalés au grand jour et font scandale. On pourrait se lamenter, et il y aurait de quoi. Quelle image l’Église donne-t-elle au monde ?

Mais ce temps n’est-il pas, au contraire, un temps exceptionnel, un temps pour que la grâce manifeste qu’elle est toujours à l’œuvre ? L’Église se réduit à tous points de vue ; elle devient presque insignifiante dans le concert des nations, elles-mêmes confrontées aux géants du Web. Elle n’est pas une puissance parmi les peuples, elle ne se veut pas un modèle en tout, mais se reconnaît comme une Église de pécheurs. Mais est-ce que ce ne sont pas là des conditions idéales pour que se manifeste, à qui veut bien le reconnaître, la grâce du salut ? Non pas un salut matériel, pas un salut triomphant, mais un salut dans la souffrance et dans la croix. Nous devons toujours nous le rappeler : la victoire de Jésus a été acquise par sa Passion et sa mort sur la Croix. L’Église, qui est comme le sacrement de la présence du Christ en ce monde, pourrait-elle suivre un autre chemin que la voie pascale ? Lorsqu’elle est oubliée, méprisée, humiliée, ne peut-elle pas espérer que ces épreuves, qui peuvent paraître mortelles, vont la conduire, au contraire, dans le Royaume, là où vit le Seigneur ressuscité ? Annoncer l’Évangile aux pauvres ne les conduit pas à la gloire humaine, mais leur permet de trouver la vraie vie dans le mystère pascal.

3. Nous

Et nous ? Comment chacun de nous va-t-il se situer par rapport à cette mission du Christ continuée dans son Église ? Nous sommes invités à nous insérer dans cette mission de l’Église, car nous sommes configurés au Christ par les sacrements. Par le baptême, la confirmation, nous avons reçu l’Esprit saint qui nous fait enfants de Dieu, fils du Père et frères du Christ. Par l’Eucharistie, nous devenons un seul Corps avec lui, et nous sommes appelés à travailler pour que toute l’humanité soit transformée en famille de Dieu, comme l’est déjà l’Église, la communauté des baptisés.

Chacun de nous peut entendre aujourd’hui la parole adressée autrefois au prophète Isaïe et reprise par Jésus à Nazareth : par ton baptême, l’Esprit du Seigneur t’habite et il veut t’associer à son grand dessein de sauver l’humanité. À tous tes frères en humanité, tu peux annoncer pour maintenant une année favorable : la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ; ceux qui sont captifs de leurs péchés sont libérés de ces entraves ; les aveugles voient de nouveau le chemin pour les conduire à Dieu ; ceux qui ont leur vie brisée trouvent un temps de répit.

Oui, le règne de Dieu est bien là, dans la vie et la joie, mais plus encore dans la souffrance et la mort. Notre mission, c’est de le révéler, jusqu’à pouvoir dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » Puissions-nous dans cette Eucharistie trouver la force, l’énergie, le courage pour devenir, nous aussi, de vrais disciples, des apôtres et des missionnaires du Seigneur Jésus, envoyé par son Père pour sauver l’humanité.