Fête de Jean-Baptiste
Frères et Sœurs,
En ce temps-là, la Palestine passe par une période d’incertitude tant politique que religieuse..
D’une part,
par l’humiliation qu’inflige l’occupant romain et
d’autre part,
par la prolifération des sectes avec ce que celles-ci ont d’exclusif.
Dans cet imbroglio politico-religieux,
la question du messie à venir
se pose avec plus d’acuité encore.
C’est alors que surgit un homme…étonnant
tant par ce qu’il dit que par son comportement :
Jean, fils de Zacharie et d’Elisabeth.
Les circonstances de sa naissance étonnent au point que,
comme le rapporte s. Luc :
« LA CRAINTE SAISIT LES GENS DU VOISINAGE
ET DANS TOUTE LA MONTAGNE DE JUDÉE ON RACONTAIT
CES ÉVÉNEMENTS.
TOUS CEUX QUI LES APPRENAIENT EN ÉTAIENT FRAPPÉS
ET DISAIENT :
« QUE SERA DONC CET ENFANT ? »
Nous le savons : Jean le Baptiste sera un homme qui cherche Dieu !
mais plus intensément encore :
UN HOMME QUE DIEU ATTIRE À LUI.
Dieu le cherchait déjà dès le sein maternel ;
ensuite,
« AYANT GRANDI ET SON ESPRIT FORTIFIÉ
–nous dit l’Ecriture-
IL ALLA AU DÉSERT JUSQU’AU JOUR
OÙ IL DEVAIT ÊTRE MANIFESTÉ À ISRAËL. »
Au désert !
C’est là, dans ce lieu aride
où il n’est guère possible de se bercer d’illusion
que Jean va séjourner pour fortifier sa vocation.
Rentrant en lui-même pour vivre avec lui-même,
il peut vraisemblablement se poser la question :
« QUE SUIS-JE ? »
« UN ROSEAU AGITÉ PAR LE VENT ? »
Au désert, il va pouvoir vérifier en lui,
la bonne mesure du don de l’Esprit.
C’est alors
qu’il perçoit, en vérité, ses limites,
qu’il fait l’expérience de sa pauvreté…:que suis-je ?
Mais c’est aussi au désert
qu’il pourra jauger la profondeur de
SA CAPACITÉ D’ESPÉRANCE.
C’est toute L’ESPÉRANCE D’ISRAËL DANS LE MESSIE À VENIR
qu’il fait sienne.
Le désert !
c’est le passage obligé pour l’homme de Dieu.
C’est là…au désert
que va se déployer tous azimuts SA VIE SPIRITUELLE.
Vie spirituelle telle
que les moines ont vu depuis longtemps en Jean Baptiste,
leur modèle,
ou si vous voulez l’archétype du moine..
Normalement le milieu vital du moine
c’est la solitude qui s’apparente au désert,
mais aussi et peut-être plus encore,
Jean Baptiste est le modèle du moine qui cherche Dieu.
Oui ! là est la spiritualité du moine…
mais pas du moine seulement.
Ne dit-on pas qu’en tout être humain
il y a un moine qui sommeille …
Et LA SPIRITUALITÉ DU MOINE et donc NOTRE VIE SPIRITUELLE À TOUS
à quelque chose à voir avec la spiritualité de Jean Baptiste.
A y regarder de près, la spiritualité de Jean fonde notre vie spirituelle.
Or, ce qui fait foncièrement la spiritualité de Jean comme celle du moine,
c’est LA MÉDITATION DE LA PAROLE DE DIEU…
au sens précis ou au sens large de l’expression…
toute lecture spirituelle qui porte un nom bien précis :
LA LECTIO DIVINA
ce qui veut dire :
LA LECTURE DIVINE.
cette lecture comporte un enchaînement qui est un
enrichissement de la parole de Dieu.
Il s’agit d’abord d’une lecture !
Pour Jean, au désert, point n’est besoin de rouleau ou de parchemin pour aide-mémoire.
D’ailleurs, parler D’AIDE-MÉMOIRE
ce mot n’existait pas au temps de Jean Baptiste.
nous avons besoin, nous, D’AIDE MÉMOIRE
comme je le fais pour le moment car la mémoire,
si nous nous comparons aux anciens…
la mémoire, nous l’avons largement perdue.
C’est pour cela que les évangiles ont pu être écrit avec une fidélité hors pair des dizaines d’années parfois après les faits.
En ce temps-là on avait de la mémoire.
Et si les livres du Nouveau testament ont été écrit
non pour parer à la mémoire car la mémoire ne faisait qu’un avec leur façon d’être.
si les livres de la Bible ont été écrit
c’était pour les envoyer dans les diverses Eglises
qui foisonnaient à l’époque.
Bref, Jean Baptiste avait de la mémoire.
C’est pourquoi, au désert, il pouvait se passer de document écrit… il les avait en mémoire.
Jean Baptiste faisait sa lecture par cœur…
Il lisait …par le cœur.
Celui qui venait préparer les chemins du Seigneur
se nourrissait de la Bible et tout particulièrement des prophètes venus avant lui.
Jean se nourrissait de la Bible
car il savait que
« L’HOMME NE VIT PAS SEULEMENT DE PAIN MAIS
DE TOUTE PAROLE QUI SORT DE LA BOUCHE DE DIEU. »
C’est au désert qu’il prend tout son temps
pour méditer cette parole de Dieu.
MEDITER !
Un verbe qui exprime bien ce qu’est la méditation
c’est le verbe ruminer !
Ce verbe est bien passé dans le comportement humain.,
bien qu’il soit exercé avec compétence par certains de nos ruminants ;
les vaches ruminent l’herbe afin qu’elle soit bien digérée.
Oui ! ruminer, mâcher, ressasser la lecture spirituelle….
cela demande du temps pour bien assimiler ce que nous lisons.
Quelqu’un , bien intentionné, a dit que
« les moines sont des ruminants. »
Ça ne me dérange pas d’être comparé aux ruminants ;
ils sont tellement calmes, doux, sereins.
Ils nous donnent des leçons de placidité dans un monde hyper agité.
Après la lecture et la méditation de celle-ci
LE TROISIÈME TEMPS de l’activité spirituelle
c’est, bien entendu, la prière.
Jean Baptiste est UN GRAND PRIANT….
qui ne sait si sa prière pour son peuple aboutira.
Il sait une chose :
c’est la TRANSFORMATION
qui S’OPÈRE EN LUI PAR SA PRIÈRE.
Cette transformation du priant est le premier fruit de la prière.
D’ailleurs, le peuple au bord du Jourdain reconnaîtra
le baptiste comme l’homme de Dieu.
Comme par un pressentiment
« LES VOISINS À LA NAISSANCE DE JEAN SE DEMANDAIENT :
« QUE SERA CET ENFANT ? »
Grâce aux moments nombreux et fructueux de son oraison
non seulement il prie mais ce priant fait des émules.
Ceux qui le suivent sont enflammés
à s’aventurer sur ce chemin qu’est la prière.
Une prière qui en s’ouvrant à Dieu façonne l’homme intérieur.
C’est ainsi que dans l’évangile de Luc,
les disciples de Jésus lui demandent :
« SEIGNEUR, APPRENDS-NOUS À PRIER,
COMME JEAN BAPTISTE L’A APPRIS À SES DISCIPLES. »
Après la lecture suivie de la méditation qui s’épanouit en oraison (autrement dit : en prière)
vient alors tout normalement l’accomplissement de cette activité spirituelle que l’on appelle : LA CONTEMPLATION.
. Toute vie humaine harmonieusement comprise
s’accomplit dans la contemplation.
La contemplation c’est la joie de vivre en réalisant
combien et comment Dieu fait pour nous des merveilles.
La vierge Marie le chante dans son magnificat :
« LE SEIGNEUR FAIT POUR MOI DES MERVEILLES. »
Et tout être humain est en quelque sorte programmé pour chanter aussi son propre magnificat.
Ces différents paliers de l’activité spirituelle de la vie monastique,
Jean Baptiste en suivant le Christ en fut un excellent initiateur
Ces paliers qui s’enchaînent trouvent tout normalement leur parfait accomplissement dans LA MISSION.
Quand Dieu se révèle à quelqu’un
c’est toujours pour lui confier une mission.
Le Dieu de Jésus-Christ – il n’y en a pas d’autre –
est le Dieu qui met l’homme debout et qui lui dit : « va ! »
C’est la manière divine de procéder.
Déjà depuis Abraham…
« VÀ DANS LE PAYS QUE JE TE MONTRERAI.. »
Depuis Abraham et les patriarches en passant par les prophètes pour aboutir au Christ « L’ENVOYÉ DU PÈRE. »
Et qui lui-même sera continué par LA MISSION qu’il confiera aux apôtres et à l’Eglise.
« COMME LE PÈRE M’A ENVOYÉ,
MOI AUSSI JE VOUS ENVOIE. » dira Jésus aux disciples.
La mission de Jean ?
Elle sera de préparer la route du Seigneur.
Il sera son précurseur.
Il le sera tellement que son ministère sera l’amorce de la mission même de Jésus.
Jean aura été, par excellence, le serviteur de son Maître.
A lui revient en premier ces paroles de Jésus :
« C’EST BIEN ! SERVITEUR BON ET FIDÈLE…
ENTRE DANS LA JOIE DE TON MAÎTRE. »
Mais là, les rôles vont s’inverser;
c’est« LE MAÎTRE QUI SE MET AU SERVICE DU SERVITEUR. »
A vrai dire, il n’y aura plus ni Maître ni serviteur.
car aux dires de Jésus :
« JE NE VOUS APPELLE PLUS SERVITEUR…JE VOUS APPELLE : « MES AMIS. »
Cette amitié Jean la rend bien à Jésus,
Là encore le Baptiste est notre référence :
Quel respect pour la dignité et la mission du Tout-Autre qu’est Jésus.
« C’EST LUI QUI DOIT GRANDIR - dira Jean-
ET MOI JE DOIS DIMINUER CAR JE NE SUIS PAS LE CHRIST,
JE NE SUIS MÊME PAS DIGNE EN ME COURBANT DE DÉLIER LA LANIÈRE DE SES SANDALES… »
Jean Baptiste dira lui-même en parlant de lui :
« L’AMI DE L’ÉPOUX SE TIENT PRÈS DE L’ÉPOUX
ET IL L’ÉCOUTE.
-J EAN BAPTISTE, UN HOMME À L’ÉCOUTE DE DIEU-
ET LA VOIX DE L’ÉPOUX LE COMBLE DE JOIE.
TELLE EST MA JOIE- dira Jean- ELLE EST PARFAITE. »
FRÈRES ET SŒURS,
nous aussi nous nous sommes mis à L’ÉCOUTE DE DIEU dans la liturgie de sa Parole.
Par cette Eucharistie qui nous rassemble ce matin,
puissions-nous, comme Jean Baptiste,
nous DÉCENTRER de nous-mêmes
et CENTRER NOTRE VIE sur le Christ.
C’est le secret de l’ami de l’époux.
Jean, l’archétype de la vie monastique est l’ami de l’époux.
Lui le dernier des prophètes de l’ancienne alliance…
n’es- il pas le premier moine dans
« l’alliance nouvelle et éternelle en Jésus-Christ ? »
A n’en pas douter, le témoignage de Jean à l’égard de Jésus a vraisemblablement inspiré l’auteur de notre règle bénédictine qui nous enjoint au Ch. 4
« A NE RIEN PRÉFERER À L’AMOUR DU CHRIST. »