Homélies de Dom Armand Veilleux

30 décembre 2022 - Fête de la Sainte Famille « A »

Si 3,2-6.12-14 ; Col 3,12-21 ; Mt 2,13-15.19-23

 Homélie

           Tout au long de l’Ancien Testament, mais surtout chez les prophètes – Osée en particulier – l’amour conjugal est présenté comme l’image par excellence des relations entre Dieu et son peuple et comme le modèle de toute communion entre personnes humaines.  Dans le Nouveau Testament, ce même amour conjugal devient l’image de la relation entre le Christ et son Église et le modèle de toute forme de communion au sein de l’Église. D’ailleurs en créant l’homme et la femme à son image, Dieu en avait fait des êtres de communion, et lorsque leur union trouve un fruit dans la venue au monde d’un enfant, ils reproduisent sur terre le mystère de la Trinité, où l’Esprit jaillit de l’amour unissant le Père et le fils.

29 décembre 2022 – 5ème jour dans l’Octave de Noël

1 Jn 2, 3-11; Lk 2, 22-35

H o m é l i e

          Après avoir eu hier un Évangile tiré de Matthieu et, avant hier, un tiré de Jean, celui d’aujourd’hui est tiré de l’Évangile selon saint Luc, et plus précisément de la fin du deuxième chapitre.  Nous savons qu’en ses deux premiers chapitres l’Évangéliste Luc annonce tous les thèmes majeurs de son Évangile. À la fin du chapitre deux, il raconte deux événements de l’enfance de Jésus : la présentation au Temple, et son voyage à Jérusalem avec ses parents, à l’âge de douze ans.

25 décembre 2022 – Messe du Jour

Is 52,7-10 ; He 1,1-16 ; Jean 1, 1-18

H o m é l i e

Jésus de Nazareth est un migrant, fils de migrant.

L’un des titres qu’on lui donnait dans la littérature chrétienne des premiers siècles est précisément celui d’Étranger. Il est l’Étranger par excellence. Il est même étranger chez lui, car, comme le dit le Prologue de l’Évangile de Jean, Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reconnu.

Et, si l’on y porte quelque peu attention, on est surpris du nombre de migrations mentionnées dans les premiers chapitres de l’Évangile de Luc.

À peine enceinte de Jésus, Marie quitte sa Galilée et traverse en toute hâte les montagnes de Judée pour aller visiter sa cousine Élisabeth, enceinte de six mois, puis elle retourne en Galilée. Quelque mois plus tard, déjà enceinte elle-même de plusieurs mois, elle doit traverser de nouveau ces mêmes montagnes pour se rendre à Bethlehem en Judée, afin de répondre aux caprices de l’Empereur romain qui voulait faire un recensement de son royaume et qui voulait que tout le monde aille se faire inscrire dans la ville de ses ancêtres.

À peine né Jésus doit fuit en Égypte avec ses parents pour éviter de se faire tuer par le vieux roi paranoïaque, Hérode. Lorsque Joseph revient en Judée avec sa famille, après la mort d’Hérode, il doit s’enfuir en Galilée car Archélaos, le fils d’Hérode, est plus dangereux que son père. Chacune de ces migrations est donc causée par le caprice ou la méchanceté d’un puissant qui écrase les faibles.  Il en a été ainsi depuis des millénaires et les migrations d’aujourd’hui sont elles aussi causées par les guerres que se font les puissants sur le dos des faibles et des petits.

Déjà, dans l’Ancien Testament, la migration est au coeur de l’histoire d’Israël. Cette histoire commence au moment où Abraham reçoit l’ordre de quitter son pays, sa terre, les siens et d’aller dans une terre nouvelle et inconnue. C’est lorsqu’il sera installé dans cette terre, qu’il recevra la visite de Dieu sous la forme de trois « étrangers », de trois migrants de passage, qu’il reçoit dans sa tente. Puis le Peuple choisi connaîtra l'exil en Égypte et sera migrant durant quarante ans dans le désert avant d’entrer dans la Terre Promise.

Il y a cependant une migration d’un autre genre, et beaucoup plus importante.  Cette migration est l’objet de la solennité d’aujourd’hui. C’est celle dont parle saint Jean lorsqu’il dit que le Verbe était en Dieu et que le Verbe était Dieu et qu’il s’est fait chair.  C’est aussi celle dont parle saint Paul lorsqu’il nous dit que le Verbe habitait la plénitude de la divinité, mais qu’il s’est dépouillé des attributs de sa divinité et qu’il s’est fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix ; puis que le Père l’a exalté.

Après sa mort Jésus est retourné vers son Père, mais a promis à ses disciples de revenir.  Et selon son grand discours, qui nous est rapporté dans le très beau chapitre 25 de Matthieu, le jugement qui sera porté alors sur chacun de nous sera : « J’étais... un étranger et vous m’avez recueilli » ou bien « J’étais... un étranger et vous ne m’avez pas recueilli »...

Noël, ce n’est pas simplement l’anniversaire de naissance du petit Jésus.  C’est la fête de l’humanité de Dieu.  C’est la fête du Fils de Dieu qui s’est fait migrant pour venir jusqu’à nous. L’incarnation, ce n’est pas simplement l’incarnation de Dieu dans un homme, c’est le fait que toute l’humanité a été assumée par Dieu. Et Jésus, qui s’est identifié particulièrement à tous les petits et les faibles, et qui a connu lui-même dans sa chair les difficultés de la migration, vient à nous à travers tous les migrants qui viennent à nous encore de nos jours.

          Si le chapitre 25 de Matthieu (« vous m’avez recueilli... vous ne m’avez pas recueilli... ») a de quoi nous faire trembler, écoutons les paroles de l’Évangéliste Jean, le mystique au regard perçant, qui nous dit encore, dans le prologue de son Évangile : « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu... mais à ceux qui l’on reçu, il a donné de devenir enfants de Dieu. »

          En réalité, il n’y a pas de salut sans migration.   Nous ne pouvons être sauvés sans sortir de nous-mêmes pour aller vers l’autre, avec amour et miséricorde, pour permettre à Dieu de venir chez-nous et de faire chez-nous sa demeure. Car, finalement, ce n’est pas seulement le Fils de Dieu qui se fait migrant, c’est aussi son Père : « Si quelqu’un m’aime, dit Jésus, il observera mes commandements. Mon père l’aimera et nous viendrons chez-lui et nous ferons chez-lui notre demeure. »

          Oui, Dieu se fera migrant pour venir chez-nous, mais à condition que, fidèles à son commandement, nous nous ouvrions à tous ses enfants qui viennent à nous.

Armand Veilleux

 

28 décembre 2022 – Fête des Saints Innocents

1 Jean 1, 5 - 2, 2 ; Matthieu 2, 13-18 

H o m é l i e

          L`Évangile de Matthieu, d’où est tiré le récit évangélique de la messe d’aujourd’hui, commence par les mots : « Livre des origines de Jésus-Christ, fils de David ».  Dans le texte original grec le mot traduit par « origines » dans nos bibles en langue française est « genesis » (« Biblios genesis Jesou Christou ») .  Matthieu veut souligner par là le fait que la naissance de Jésus est une nouvelle genèse, un nouveau commencement, pour toute l’humanité.

25 décembre – Messe de l’aurore

Is 62, 1-5 ; Ac 13, 16-17.22-25 : Mt 1, 1-25

H O M É L I E

 

          Au moment de la naissance de Jésus, les Juifs vivaient dans un territoire occupé.  Leur pays était occupé par l’Empire Romain.  À moins de vouloir être arrêté et battu, personne n’aurait osé lancer des pierres à l’armée d’occupation.  De plus, tous devaient suivre la loi de l’occupant, même s’il s’agissait d’une loi stupide qui exigeait de tous les habitants des territoires occupés d’aller se faire enregistrer dans leur village natal.  Et, bien sûr, lorsque cette loi avait été promulguée, personne n’avait prévu qu’une femme enceinte pourrait avoir à faire ce trajet. Pour la plupart des gens, qui avaient déjà dû plus d’une fois se déplacer de région en région pour trouver un travail en période d’inflation ou de récession, ou qui s’étaient vu confisquer leur maison par de nouveaux occupants, le voyage était assez long.  Et, bien sûr, le voyage se faisait à pieds, puisque les budgets pour les transports publics avaient été coupés, étant donné que des sommes énormes étaient exigées pour développer un système de défense, car l’Empire Romain avait toujours peur d’une invasion massive de l’infame empire des Perses.

          C’est ainsi que Marie et Joseph se trouvaient dans une situation assez semblable à celle dans laquelle se trouvent les petits et les pauvres de tous les temps :  le système pouvait se passer d’eux et, au besoin, en disposer.  Lorsque, durant leur voyage, le temps où Marie devait enfanter arriva – sans doute plus tôt que prévu -- le couple ne put se permettre aucun des quelques programmes d’hébergement prévus par le système.  Ils se réfugièrent dans une étable.  Et là vint au jour une vie nouvelle, avec tout l’espoir que toute vie nouvelle apporte, et beaucoup plus.

          Des bergers paissaient leurs troupeaux dans la montagne, près de là.  C’étaient des gens simples :  cette catégorie de personnes qui peuvent d’autant plus facilement préserver leur dignité qu’ils sont ignorés des puissants.  Durant leur veille de la nuit, ils reçurent un message extraordinaire.  L’ange du Seigneur leur dit qu’un sauveur leur était né ; que le salut était arrivé pour Israël et pour toute l’humanité.  Et comme c’étaient des personnes pratiques qui voulaient tout vérifier par elles-mêmes, un signe leur fut donné : « Voici le signe, dit l’ange :  dans une mangeoire vous trouverez un enfant enveloppé de langes ».  Un enfant est né et c’est là le signe que le salut est arrivé.  Le message reçu par les bergers et qui nous est transmis aujourd’hui, c’est que partout où il y a la vie, spécialement une vie nouvelle, il y a le salut.  Il peut s’agir de vie physique – la vie d’un nouvel être humain ;  il peut s’agir de vie spirituelle – la vie d’un coeur converti.  Ce peut aussi être la vie nouvelle que nous recevons à chacune de nos re-naissances, soit psychologiques, soit spirituelles.  Toutes ces naissances sont des signes que le salut est arrivé.

          Ces signes de vie nouvelle, on les trouve aussi dans les nations ou dans la société des nations.  Au cours des dernières années certaines nations longtemps victimes de la guerre ou de l’oppression semblaient avoir retrouvé leur indépendance et une vie nouvelle.  Mais toute vie nouvelle est fragile et vulnérable.  En cette fin de millénaire, une recrudescence de violence fait que la vie des nations comme celle des individus est de nouveau massivement bafouée et menacée.

          Nous devons préserver et développer la vie.  Rien ne la tue plus sûrement que  le cynisme et le désespoir.  En tant qu’individus comme en tant que communautés et nations, mettons-nous attentivement à l’écoute des temps pour discerner toutes les manifestations de vie nouvelle que nous pouvons trouver autour de nous comme dans le monde en général et reconnaissons-y un signe que le Salut est présent.  Engageons-nous à défendre et à nourrir cette vie nouvelle sous toutes ses formes.

27 décembre 2022 – Fête de saint Jean

1 Jean 1, 1-4 ; Jean 20,2-8

H o m é l i e

          C’est à la joie que nous invite saint Jean dans sa première lettre, dont nous avons lu le début comme première lecture. 

25 décembre 2022 – Messe de Minuit

Is 9, 1-6;  Tt 2, 11-14; Lc 2, 1-14

H o m é l i e

Chers frères et sœurs,

          Le problème des « sans papiers » n’est pas nouveau.  Il existait déjà au temps de la naissance de Jésus.  Les Juifs, sous l’occupation romaine, étaient des réfugiés dans leur propre pays – comme il y en a des millions de nos jours. C’est ainsi que, pour répondre au caprice de l’occupant, Marie et Joseph, comme tant d’autres, durent prendre la route pour aller se faire mettre en règle.