Homélies de Dom Armand Veilleux

25 décembre – Messe de l’aurore

Is 62, 1-5 ; Ac 13, 16-17.22-25 : Mt 1, 1-25

H O M É L I E

 

          Au moment de la naissance de Jésus, les Juifs vivaient dans un territoire occupé.  Leur pays était occupé par l’Empire Romain.  À moins de vouloir être arrêté et battu, personne n’aurait osé lancer des pierres à l’armée d’occupation.  De plus, tous devaient suivre la loi de l’occupant, même s’il s’agissait d’une loi stupide qui exigeait de tous les habitants des territoires occupés d’aller se faire enregistrer dans leur village natal.  Et, bien sûr, lorsque cette loi avait été promulguée, personne n’avait prévu qu’une femme enceinte pourrait avoir à faire ce trajet. Pour la plupart des gens, qui avaient déjà dû plus d’une fois se déplacer de région en région pour trouver un travail en période d’inflation ou de récession, ou qui s’étaient vu confisquer leur maison par de nouveaux occupants, le voyage était assez long.  Et, bien sûr, le voyage se faisait à pieds, puisque les budgets pour les transports publics avaient été coupés, étant donné que des sommes énormes étaient exigées pour développer un système de défense, car l’Empire Romain avait toujours peur d’une invasion massive de l’infame empire des Perses.

          C’est ainsi que Marie et Joseph se trouvaient dans une situation assez semblable à celle dans laquelle se trouvent les petits et les pauvres de tous les temps :  le système pouvait se passer d’eux et, au besoin, en disposer.  Lorsque, durant leur voyage, le temps où Marie devait enfanter arriva – sans doute plus tôt que prévu -- le couple ne put se permettre aucun des quelques programmes d’hébergement prévus par le système.  Ils se réfugièrent dans une étable.  Et là vint au jour une vie nouvelle, avec tout l’espoir que toute vie nouvelle apporte, et beaucoup plus.

          Des bergers paissaient leurs troupeaux dans la montagne, près de là.  C’étaient des gens simples :  cette catégorie de personnes qui peuvent d’autant plus facilement préserver leur dignité qu’ils sont ignorés des puissants.  Durant leur veille de la nuit, ils reçurent un message extraordinaire.  L’ange du Seigneur leur dit qu’un sauveur leur était né ; que le salut était arrivé pour Israël et pour toute l’humanité.  Et comme c’étaient des personnes pratiques qui voulaient tout vérifier par elles-mêmes, un signe leur fut donné : « Voici le signe, dit l’ange :  dans une mangeoire vous trouverez un enfant enveloppé de langes ».  Un enfant est né et c’est là le signe que le salut est arrivé.  Le message reçu par les bergers et qui nous est transmis aujourd’hui, c’est que partout où il y a la vie, spécialement une vie nouvelle, il y a le salut.  Il peut s’agir de vie physique – la vie d’un nouvel être humain ;  il peut s’agir de vie spirituelle – la vie d’un coeur converti.  Ce peut aussi être la vie nouvelle que nous recevons à chacune de nos re-naissances, soit psychologiques, soit spirituelles.  Toutes ces naissances sont des signes que le salut est arrivé.

          Ces signes de vie nouvelle, on les trouve aussi dans les nations ou dans la société des nations.  Au cours des dernières années certaines nations longtemps victimes de la guerre ou de l’oppression semblaient avoir retrouvé leur indépendance et une vie nouvelle.  Mais toute vie nouvelle est fragile et vulnérable.  En cette fin de millénaire, une recrudescence de violence fait que la vie des nations comme celle des individus est de nouveau massivement bafouée et menacée.

          Nous devons préserver et développer la vie.  Rien ne la tue plus sûrement que  le cynisme et le désespoir.  En tant qu’individus comme en tant que communautés et nations, mettons-nous attentivement à l’écoute des temps pour discerner toutes les manifestations de vie nouvelle que nous pouvons trouver autour de nous comme dans le monde en général et reconnaissons-y un signe que le Salut est présent.  Engageons-nous à défendre et à nourrir cette vie nouvelle sous toutes ses formes.

25 décembre 2022 – Messe de Minuit

Is 9, 1-6;  Tt 2, 11-14; Lc 2, 1-14

H o m é l i e

Chers frères et sœurs,

          Le problème des « sans papiers » n’est pas nouveau.  Il existait déjà au temps de la naissance de Jésus.  Les Juifs, sous l’occupation romaine, étaient des réfugiés dans leur propre pays – comme il y en a des millions de nos jours. C’est ainsi que, pour répondre au caprice de l’occupant, Marie et Joseph, comme tant d’autres, durent prendre la route pour aller se faire mettre en règle.

20 décembre 2022 – mardi de la 4ème sem de l’Avent
Isaïe 7,10-14; Luc 1,26-38

H O M É L I E

           Nous avons aujourd’hui le même évangile que le jour de l’Annonciation du Seigneur, exactement neuf mois avant la fête de la Nativité, le jour où nous célébrons le moment de la conception de Jésus dans le sein de Marie, -- le premier moment de l’existence humaine de Dieu. Cet instant, qui divise toute l’histoire humaine en deux grandes périodes – celle d’avant le Christ et celle d’après la naissance du Christ – fait, dans l’Évangile, l’objet de diverses annonces, ou « annonciations ».

21 décembre 2022 – mercredi de la 4ème semaine de l’Avent

Cant 2, 8-14 ; Luc 1, 39-45

H O M É L I E

           Dans les deux premiers chapitres de son Évangile, Luc présente tous les grands thèmes de cet Évangile, et met déjà en présence tous les personnages importants, à commencer par Jésus et Jean-Baptiste, qu’il fait se rencontrer ici déjà dans le sein de leur mère.

           Nous savons comment tout cet Évangile de Luc, après ces deux Chapitres préliminaires, sera construit autour du thème de la montée de Jésus vers Jérusalem. Ce voyage, en plus d'être un mouvement géographique, est aussi un thème théologique.  Jésus y enseigne à ces disciples ce que sera son propre pèlerinage humain: un chemin vers la gloire en passant par la souffrance.  À quelqu'un qui exprimait le désir de le suivre, il dit: «Les renards ont des trous et les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l'Homme n'a pas où reposer sa tête."  Selon Luc, Jésus a commencé sa vie dans l'insécurité, loin de la maison de ses parents, dans une crèche.  Tout cela est un symbole de son rejet par les chefs du peuple d'Israël, qui n'avaient pas de place pour lui dans leur tradition.  La trajectoire de la vie de Jésus, dans l'Évangile de Luc commence sans une place pour lui dans l'auberge et elle se termine sans une place pour lui dans le coeur de son peuple.  La réponse de Jésus à celui qui veut le suivre exprime que la vulnérabilité et l'insécurité sont une condition pour devenir "disciple" : une ouverture totale à tout ce que l'obéissance à Jésus-Christ peut signifier.

        Luc anticipe tout cet enseignement dans ses deux premiers chapitres.  La première expression en est Marie, qui est le modèle de tout disciple qui écoute la parole de Dieu et la met en pratique.  Le récit de Luc décrit la façon inattendue avec laquelle, en continuité avec l'Ancien Testament, Dieu choisit une jeune vierge juive d'un tout petit village de Galilée.  Or la Galilée se trouvait dans une province du Nord, et était méprisée par les Juifs plus cultivés de la Judée.  L'une des raisons de ce mépris était que la région était habitée de nombreux Gentils, si bien qu'on pouvait douter de la pureté rituelle même des Juifs qui y habitaient.

        Non seulement Dieu visite cette jeune fille.  C'est en elle et par elle qu'il visite le reste de l'humanité.  Dans l'Ancien Testament, au Second Livre de Samuel (2S 6, 2-11), on trouve une description haute en couleurs du transfert de l'Arche d'Alliance à Jérusalem.  L'Arche, qui est le symbole de la présence de Dieu, repose dans la maison d'Obed-Edom et est une source de grande bénédiction pour cette maison.  David danse devant l'Arche.  Luc reprend tous ces éléments dans le récit de son Évangile que nous venons de lire, dans sa description de la visite de Marie à sa cousine Élizabeth.  Comme l'Arche, Marie entreprend un voyage qui la mène de Galilée en Judée à travers les montagnes de Samarie.  La même manifestation de joie a lieu, y compris la danse sacrée accomplie par Jean-Baptiste dans le sein de sa mère, correspondant à celle de David devant l'Arche.  Et l'exclamation d'Élisabeth saluant Marie reproduit presque verbalement celle de David lorsqu'il se tient devant l'Arche.

        Marie est la véritable Arche d'Alliance, communiquant la présence de Dieu à tous ceux qu'elle visite.  Mais tout cela est fait dans une extrême simplicité, et avec une admirable touche d'humanité. Demandons-lui de nous obtenir la grâce de recevoir avec joie Jésus dans nos coeurs, et, pourquoi pas, de savoir manifester cette joie avec la même exubérance que David devant l’Arche.

 

19 décembre 2022 ; lundi de la 4ème semaine de l’Avent

Jg 13, 2…35 ; Lc 1, 5-25

Homélie

          Dans les deux premiers chapitres de son Évangile, Luc raconte, en des récits tout à fait parallèles, les évènements relatifs à Jean-Baptiste et ceux relatifs à Jésus. La circoncision de Jean-Baptiste avec le chant de Zacharie est parallèle à celle de Jésus, avec le chant de Siméon ; Jean grandit et se retire au désert, tout comme Jésus grandit et se retirera lui-aussi au désert pour quarante jours ; etc.

21 décembre 2022 – mercredi de la 4ème semaine de l’Avent

Cant 2, 8-14 ; Luc 1, 39-45

H O M É L I E

           Dans les deux premiers chapitres de son Évangile, Luc présente tous les grands thèmes de cet Évangile, et met déjà en présence tous les personnages importants, à commencer par Jésus et Jean-Baptiste, qu’il fait se rencontrer ici déjà dans le sein de leur mère.

           Nous savons comment tout cet Évangile de Luc, après ces deux Chapitres préliminaires, sera construit autour du thème de la montée de Jésus vers Jérusalem. Ce voyage, en plus d'être un mouvement géographique, est aussi un thème théologique.  Jésus y enseigne à ces disciples ce que sera son propre pèlerinage humain: un chemin vers la gloire en passant par la souffrance.  À quelqu'un qui exprimait le désir de le suivre, il dit: «Les renards ont des trous et les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l'Homme n'a pas où reposer sa tête."  Selon Luc, Jésus a commencé sa vie dans l'insécurité, loin de la maison de ses parents, dans une crèche.  Tout cela est un symbole de son rejet par les chefs du peuple d'Israël, qui n'avaient pas de place pour lui dans leur tradition.  La trajectoire de la vie de Jésus, dans l'Évangile de Luc commence sans une place pour lui dans l'auberge et elle se termine sans une place pour lui dans le coeur de son peuple.  La réponse de Jésus à celui qui veut le suivre exprime que la vulnérabilité et l'insécurité sont une condition pour devenir "disciple" : une ouverture totale à tout ce que l'obéissance à Jésus-Christ peut signifier.

        Luc anticipe tout cet enseignement dans ses deux premiers chapitres.  La première expression en est Marie, qui est le modèle de tout disciple qui écoute la parole de Dieu et la met en pratique.  Le récit de Luc décrit la façon inattendue avec laquelle, en continuité avec l'Ancien Testament, Dieu choisit une jeune vierge juive d'un tout petit village de Galilée.  Or la Galilée se trouvait dans une province du Nord, et était méprisée par les Juifs plus cultivés de la Judée.  L'une des raisons de ce mépris était que la région était habitée de nombreux Gentils, si bien qu'on pouvait douter de la pureté rituelle même des Juifs qui y habitaient.

        Non seulement Dieu visite cette jeune fille.  C'est en elle et par elle qu'il visite le reste de l'humanité.  Dans l'Ancien Testament, au Second Livre de Samuel (2S 6, 2-11), on trouve une description haute en couleurs du transfert de l'Arche d'Alliance à Jérusalem.  L'Arche, qui est le symbole de la présence de Dieu, repose dans la maison d'Obed-Edom et est une source de grande bénédiction pour cette maison.  David danse devant l'Arche.  Luc reprend tous ces éléments dans le récit de son Évangile que nous venons de lire, dans sa description de la visite de Marie à sa cousine Élizabeth.  Comme l'Arche, Marie entreprend un voyage qui la mène de Galilée en Judée à travers les montagnes de Samarie.  La même manifestation de joie a lieu, y compris la danse sacrée accomplie par Jean-Baptiste dans le sein de sa mère, correspondant à celle de David devant l'Arche.  Et l'exclamation d'Élisabeth saluant Marie reproduit presque verbalement celle de David lorsqu'il se tient devant l'Arche.

        Marie est la véritable Arche d'Alliance, communiquant la présence de Dieu à tous ceux qu'elle visite.  Mais tout cela est fait dans une extrême simplicité, et avec une admirable touche d'humanité. Demandons-lui de nous obtenir la grâce de recevoir avec joie Jésus dans nos coeurs, et, pourquoi pas, de savoir manifester cette joie avec la même exubérance que David devant l’Arche.

 

18 décembre 2022

4ème dimanche de l’Avent « A »

Is 7, 10-16 ; Rm 1, 1-7 ; Mt 1,18-24

H o m é l i e

          Si le peuple d’Israël a joué un rôle considérable dans l’histoire ancienne, ce ne fut certes pas à cause de son importance numérique ou militaire, mais à cause de sa position stratégique.  Israël était une sorte de zone tampon entre les grandes puissances de l’époque : entre l’Assyrie et l’Égypte durant un certain temps, puis entre la Perse et l’Empire gréco-romain.  Ces superpuissances, chacune à son tour, considéraient comme leur droit et leur devoir d’agir comme police internationale et d’imposer ou de déposer les chefs du peuple d’Israël.  Au moment de la naissance de Jésus, la Judée était sous l’autorité d’un roi qui était un pantin des Romains et la Galilée sous un gouverneur romain.