STATUT

de la VISITE RÉGULIÈRE

 Mise à jour après le Chapitre Général de 2022

Nature de la visite

  1. Les monastères de l'Ordre, tout en demeurant autonomes sont unis entre eux par le lien de la charité et par une commune tradition de doctrine et de droit. Leurs supérieur(e)s sont uni(e)s par le lien de la sollicitude pour le bien de chaque communauté, et cette sollicitude pastorale s'exerce particulièrement à travers l'institution de la filiation et la visite régulière.[1] Celle-ci est faite en chaque communauté au moins tous les deux ans.[2]
  2. La visite régulière est un moment de communion dans la même grâce cistercienne, une expression de la responsabilité de chaque communauté envers toutes les autres communautés de l'Ordre dans la recherche d'une fidélité vivante à la conversatio cistercienne. Son propos est de stimuler les frères/sœurs, afin qu'ils mènent la vie cistercienne avec une vigilance spirituelle renouvelée, ainsi que de renforcer, compléter et, le cas échéant, corriger l'action pastorale de l'abbé/abbesse locale.[3]
  3. Les frères/sœurs accueilleront le Visiteur dans la foi et la joie.[4] Ils s'efforceront de voir dans la visite régulière un appel à la conversion personnelle et communautaire. Ils accepteront avec respect et humilité les suggestions, directives ou corrections du Visiteur.
  4. Le/la supérieur/e de la communauté visitée recevra avec confiance le Visiteur qui vient l'assister dans sa charge pastorale, sachant que le succès de la visite dépendra en partie de sa coopération dans la recherche du bien de la communauté et de chaque frère.
  5. Le Visiteur manifestera un grand respect pour la communauté visitée et pour son/sa supérieur/e, confiant en l'Esprit qui opère en chacun. Il aidera la communauté à s'examiner sur la qualité de sa vie monastique et à percevoir les appels de Dieu. Il observera fidèlement les prescriptions du droit, l'esprit de la Charte de Charité et les normes du présent Statut approuvé par le Chapitre Général.
  6. Une compréhension mutuelle entre le Visiteur, la communauté et le/la supérieur/e est un élément décisif pour que la visite porte des fruits permanents. C'est pourquoi tous/toutes accompagneront la visite de leur prière et seront attentifs à être fidèles à l'Évangile et à la Règle de Saint Benoît, les Constitutions de l'Ordre et les normes du Chapitre Général, ainsi qu'à la grâce propre de chaque communauté.

La personne du Visiteur

7.          Les monastères de l'Ordre sont visités par le Père Immédiat ; cependant l’Abbé Général peut aussi les visiter. Le Père Immédiat délègue une autre personne au moins une fois tous les six ans.[5] Avant de déléguer un Visiteur, tant l’Abbé Général que le Père Immédiat, consulte l’abbé/l’abbesse du monastère à visiter.[6]

8.

  1. a) Dans les monastères de moniales, la personne déléguée peut être le supérieur ou la supérieure d'un monastère autonome. Elle peut être aussi un ancien abbé (ou prieur titulaire) ou une ancienne abbesse (ou prieure titulaire), un conseiller ou une conseillère de l'Abbé Général.
  2. b) Dans les monastères de moines, le Visiteur délégué peut être le supérieur d'un monastère autonome. Il peut être aussi un ancien abbé (ou prieur titulaire), ou un conseiller de l'Abbé Général. 

Dans tous les cas de délégation, le/la supérieur(e) local(e) doit être consulté(e). De plus, le/la supérieur(e) du monastère visité doit consulter sa communauté dans tous les cas où la personne déléguée est autre que le supérieur d'un monastère autonome de moines.

L'accompagnateur/trice du Visiteur [7]

9

  1. a) Le Visiteur peut se faire accompagner d'une autre personne après avoir consulté le supérieur ou la supérieure local(e) tant sur le principe que sur le choix de la personne. Le supérieur ou la supérieure local(e) consulte, à son tour, sa communauté.
  1. b) Dans les monastères, tant de moniales que de moines, la personne accompagnant le visiteur peut être le supérieur ou la supérieure d'un monastère autonome. Elle peut être aussi un ancien supérieur ou une ancienne supérieure d'un monastère autonome ou encore un conseiller ou une conseillère de l'Abbé Général. 
  2. c) En toutes circonstances cependant, il n'y a qu'un Visiteur officiel que toute la communauté doit rencontrer. La personne qui accompagne ne Visiteur l'assistera de ses conseils et accomplira les tâches que celui-ci lui confiera. Le Visiteur informera la communauté de la manière dont lui-même et son assistant ou assistante procéderont durant la visite.

Situations particulières

10.

  1. a) Un abbé, nouveau dans sa fonction, est encouragé à se faire accompagner par une personne plus expérimentée.
  2. b) Lorsqu'une communauté et son supérieur ou sa supérieure expriment le désir d'un Visiteur délégué ou d'un accompagnateur, ce désir sera pris en sérieuse considération et respecté dans la mesure du possible.
  3. c) Dans les monastères de moines et de moniales le Visiteur peut aussi se faire accompagner par un expert en quelque domaine particulier, après avoir consulté la communauté, tel que décrit en 9.a).

11

  1. a) Dans les monastères de moines où le Père Immédiat est d'une culture différente, il pourra déléguer de temps à autre un Visiteur de la même culture que la communauté, dans la mesure du possible. De même, lorsque le Père Immédiat est de la même culture que sa maison-fille, il pourra déléguer de temps à autre un Visiteur d'une autre culture.
  1. b) Lorsque le Père Immédiat n'est pas de la même langue que la communauté visitée, il pourra déléguer de temps à autre quelqu'un de la langue de celle-ci. Lorsqu'un interprète est nécessaire, le choix de celui-ci doit être approuvé par le chapitre conventuel de la communauté visitée, et cet interprète est tenu au même secret que le Visiteur lui-même.

Préparation de la Visite

  1. Tous se prépareront à la Visite dans la prière, demandant la lumière de l'Esprit Saint pour la communauté elle-même et pour le Visiteur, ainsi que la grâce d'un véritable discernement et celle du bon zèle.[8] On célébrera la messe du Saint Esprit le jour de l'ouverture de la Visite.
  2. Le supérieur local ou la supérieure locale animera la communauté dans cet effort de préparation et pourra donner quelques conférences sur l'importance de la Visite. Il/elle encouragera chacun à être ouvert et honnête avec le Visiteur et laissera une complète liberté à la communauté.
  3. Il est souhaitable que la communauté examine au préalable quels sont ses besoins à ce moment précis de son histoire. Cet examen pourra se faire par des dialogues communautaires, des réunions du conseil ou par d'autres manières aptes à stimuler la collaboration de tous. On pourra ainsi identifier quelques points importants à traiter durant la Visite. Si la communauté rédige un texte pour aider le Visiteur, celui-ci ne se limitera pas aux points contenus dans un tel document. Par ailleurs, si le Visiteur propose une méthode particulière de préparation, on s'efforcera de s'y conformer.
  4. De son côté le Visiteur, surtout s'il n'est pas le Père Immédiat, s'informera dans la mesure du possible de ce qui concerne la communauté à visiter. Il communiquera franchement avec le/la supérieur/e, qui l'informera en particulier de la préparation faite par la communauté. Si la Visite doit revêtir un caractère spécial parce que la communauté se trouve à un moment critique de son histoire, le Visiteur demandera à Dieu la grâce de discernement ainsi que le courage nécessaire pour prendre les mesures qui pourraient s'imposer.

Durant la Visite

  1. Les points suivants constituent quelques-uns des aspects les plus importants de la vie communautaire. Selon les circonstances, le Visiteur veillera particulièrement sur quelques-uns d'entre eux :
  1. a) le climat de charité, d'obéissance et d'unité dans la communauté (C. 13-16),
  2. b) l'esprit et l'exécution de la liturgie (C. 17-19),
  3. c) l'équilibre entre prière, lectio et travail (C. 20-23, 26),
  4. d) le silence et la séparation du monde ainsi que l'observance de la clôture (C. 24,29),
  5. e) la fidélité à vivre l'ascèse monastique dans la pauvreté et la simplicité (C. 25,27, 28),
  6. f) l'accueil des hôtes et l'apostolat (C. 30-31),
  7. g) l’existence et l’application d’un protocole concernant toutes les formes d’abus ; cf. C30bis (cf. Chap. Gén. 2022/2, votre 123)
  8. h) le service des divers officiers (C. 35),
  9. i) le fonctionnement des conseils (C. 36),
  10. j) la situation financière et l'administration temporelle (C. 43.3; 74.3),
  11. k) Le discernement des vocations et la qualité de la formation initiale et continue (Chap. Gén. 2022/2, vote 102 ; cf. C. 45ss et le n. 66 de la Ratio Instituionis).
  12. l) le lien avec les frères/sœurs absent(e)s et les fondations,
  13. m) l'état des santés dans la communauté,
  14. n) le ministère de l'aumônier, dans les monastères de moniales (C. 76),
  15. o) le lien avec l'Ordre et l'Église locale (C. 31-32, 77ss).
  1. Durant la Visite tous les membres profès de la communauté ont le droit et le devoir de rencontrer le Visiteur personnellement. Ils partageront avec lui leur vision de la communauté : ses points forts, ses défis et ses problèmes. Ils répondront à ses questions en toute vérité et charité. Cependant ils ne considéreront ni nécessaire ni permis de mentionner les fautes secrètes de tel frère, sauf dans le cas où elles seraient susceptibles de devenir publiques ou de nuire gravement au monastère.[9] De même, il serait répréhensible de garder pour la Visite des matières qui pourraient et devraient avoir été corrigées avant l'arrivée du Visiteur. Si le Visiteur fait des dialogues communautaires pendant la Visite, tous devront y participer et contribuer autant que possible aux débats.

Par ailleurs, le Visiteur a le droit de visiter les lieux où vivent et travaillent les frères/sœurs.

  1. Même si la Visite est faite par le Père Immédiat, le supérieur garde son pouvoir ordinaire dans le monastère.[10] Cependant, avec confiance il mettra à la disposition du Visiteur toute l'information nécessaire sur la communauté et sur son administration. Il n'essaiera aucunement de savoir qui a fait des remarques négatives au Visiteur. Il conservera une attitude bienveillante envers ceux qu'il supposerait avoir dit, peut-être, quelque chose de négatif au Visiteur.[11]
  2. Le Visiteur, dans un esprit de foi en l'œuvre de l'Esprit en chaque moine et en chaque communauté, agira avec beaucoup de tact et charité. Il suggérera à la communauté des moyens opportuns pour stimuler sa croissance dans la fidélité à sa vocation cistercienne et l'aidera à résoudre ses difficultés. Se rappelant le sain pluralisme permis par les Constitutions, il n'essaiera pas d'imposer dans la maison visitée les décisions prises dans sa propre communauté. Une grande objectivité et un grand discernement lui seront nécessaires pour juger si les valeurs cisterciennes sont sauvegardées ou en danger, comme aussi pour se faire une idée objective de la réalité communautaire à partir des divers points de vue qui lui seront exposés. Si quelque chose est à corriger, il le fera avec prudence et bienveillance.[12]
  3. Le Visiteur a la responsabilité d'aider le/la supérieur/e local/e dans l'exercice de sa fonction pastorale. Il pourra le faire par des conseils au supérieur/à la supérieure lui/elle-même ainsi que par des remarques adressées à la communauté. S'il arrive à la conclusion que l'action pastorale du supérieur/de la supérieure est erronée ou déficiente en quelque point, il a le droit et le devoir de la corriger, tout en étant attentif à ne pas porter atteinte à l'autorité du supérieur/de la supérieure.

21 Si, après avoir entendu les frères/sœurs et avoir examiné l'ensemble de la situation communautaire aussi attentivement que possible, il arrive à la conclusion que le bien de la communauté conseille ou même exige un changement de supérieur/e, il en informera celui-ci/celle-ci avec courage et bonté.[13] Cependant, il consultera d'abord le Père Immédiat, s'il n'est pas lui-même Père Immédiat de la maison visitée.

22. Le Visiteur n'agira en rien avec précipitation. Il dialoguera avec le supérieur/la supérieure et, autant que possible, avec la communauté (ou, au moins, le conseil) avant de prendre des décisions importantes. Ceci requiert qu'il réserve suffisamment de temps pour effectuer la Visite.[14] Dans des cas exceptionnels, le Visiteur, après consultation du supérieur/de la supérieure, pourra décharger un responsable d'emploi ou un officier en charge (par ex. le cellérier/la cellérière, le prieur/la prieure ou le maître/la maîtresse des novices), mais il n'a pas le pouvoir de nommer un successeur. S'il n'est pas le Père Immédiat, le Visiteur informera ce dernier de sa décision.[15]

Clôture de la Visite

  1. A la fin de sa Visite, le Visiteur laissera à la communauté visitée un document appelé traditionnellement "Carte de Visite". Il le rédigera avec grand soin, montrant qu'il a écouté ce qu'on lui a dit durant la Visite et qu'il s'est efforcé de bien comprendre la situation de la communauté. Il y résumera la vision que la Communauté lui a transmise d'elle-même. Il y ajoutera sa propre perception de la réalité communautaire, ses conseils, ses encouragements et, si nécessaire, des appels à la conversion, en indiquant les aspects où une croissance est encore possible et désirable. Plutôt que de donner une longue liste de petits points d'observances, il se concentrera sur quelques aspects essentiels. Il pourra laisser une liste additionnelle de remarques de caractère moins important.
  2. Il pourra être utile que le Visiteur présente à la communauté ou au moins au conseil les points importants de la Carte, pour y réfléchir et en discuter dans des dialogues communautaires avant de rédiger le texte final. Il discutera au moins avec le supérieur local/la supérieure locale à la fois du contenu de la Carte de Visite et des remarques qu'il compte faire avant ou après qu'elle aura été lue.[16] La Visite régulière se clôt par la lecture de la "Carte de Visite". Dans des cas exceptionnels, le Visiteur pourra laisser la Visite ouverte pour une durée limitée et précise, après avoir consulté la communauté locale et le supérieur/la supérieure ainsi que le Père Immédiat.

Après la Visite

  1. La communauté locale et son supérieur/sa supérieure feront tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre en pratique les recommandations du Visiteur dans un esprit de foi et de communion avec l'ensemble de l'Ordre. On lira quelques fois chaque année la Carte de Visite selon les indications du Visiteur. À cette occasion la communauté réfléchira sur sa réponse à la grâce reçue durant la Visite, évaluant sa mise en pratique de la Carte de Visite et des autres recommandations du Visiteur. Le supérieur/la supérieure a une responsabilité spécifique à cet égard. C'est à lui/elle, en effet, qu'appartient, aidé de son Conseil, de promouvoir, au sein de sa communauté, cette réflexion et cette évaluation.
  1. Le Visiteur enverra dans les deux mois, à l’Abbé Général, une copie de la Carte de Visite accompagnée d’un rapport donnant un complément d’informations. Un Visiteur délégué enverra également ces documents au Père Immédiat. Dans le rapport il pourra inviter ce dernier à porter une attention particulière sur la mise en œuvre de telle ou telle recommandation faite au cours de la Visite.[17] Ces rapports seront substantiellement en accord avec la Carte lue à la Communauté. Cependant, si le Visiteur sent qu'il n'est pas possible de dire tout dans la Carte, il s'en expliquera à l'Abbé Général et suggérera que les autres matières soient abordées à la prochaine Visite.[18]
  1. L'Abbé Général pourra répondre au rapport sur la Visite, soit en personne, soit par son Conseil, après avoir évalué les questions qui y sont posées. Il pourra suggérer des moyens adéquats pour aider la communauté à continuer son cheminement dans la vocation cistercienne.
  1. Le supérieur local/La supérieure locale a également la faculté, après consultation de son Conseil ou même de toute la communauté, d'envoyer une évaluation de la Visite régulière à l'Abbé Général et au Père Immédiat. Cette évaluation pourra aussi, si le supérieur/la supérieure le désire, être communiquée à la Conférence régionale.
  1. Un/e supérieur/e ou sa communauté peuvent toujours recourir contre une Visite. Le recours est présenté au Chapitre Général ou, entre les Chapitres, à l'Abbé Général agissant comme vicaire du Chapitre. Le recours au Saint-Siège est toujours possible.
  1. Le Visiteur et la communauté visitée se rappelleront qu'une Visite comporte un droit et un devoir à la confidentialité concernant les personnes qui ont pris part à la Visite. Le Visiteur ne révélera pas les noms de ceux qui lui ont fait des remarques et se considérera par ailleurs tenu à une grande discrétion sur tout ce qui concerne la communauté visitée.

Conclusion

31. Expression des liens de charité entre les maisons de l'Ordre, la Visite régulière ainsi préparée et vécue constitue un événement spirituel privilégié offert à chaque communauté pour assurer sa croissance dans la fidélité à la grâce cistercienne.

 

[1] Carta Caritatis, nn. 3-4; C. 71.

[2] ST 75.2.B.

[3] C.75.2.

[4] Carta Caritatis, n.5.

[5] C 75.1.

[6] Cf. Chap Gén. . 2022/2, vote 24.

[7] ST 75.1.A.

[8] Cf. RB 72.

[9] Cf. Can 628.3.

[10] Cf. Vincent HERMANS, Commentarium Cisterciense (Rome 1961), p. 159.

[11] - Cf. De Forma Visitationis; Can. 628.3.

[12] De Forma Visitationis, ST XXXIII in Instituta Generalis Capituli apud Cistercium.

[13] Chapitre Général de 1969, 22ème session, p. 87; 26ème session, p. 124.

[14] Cf. Chapitre Général, 1971, vote 28 et Canivez, 1738, n.126

[15] Cf. Canivez, Statuta Capitulorum Generalium, Louvain 1933 under 1189 n.2; 1201 n.6; Actes du Chapitre Général de 1948, p.23; Vincent HERMANS, Commentarium Cisterciense, Rome 1961 p.208).

[16] Cf. Chapitre Général  1950, p.12.

[17] ST. 75.2.C.

[18] Cf. Chap. Général de 1971, vote 30.