Is 49,3.5-6 ; 1 Co 1,1-3¸ Jn 1,29-34

Les évangiles des dimanches ordinaires de l’année liturgique sont tirés chaque année d’un évangéliste différent : Matthieu pour l’année « A », Marc pour l’année « B » et Luc pour l’année « C ». Cependant, en ce deuxième dimanche, celui qui suit la fête du Baptême du Seigneur, nous lisons chaque année une partie du témoignage de Jean-Baptiste sur Jésus selon l’Évangile de Jean. Jean, en effet, ne raconte pas le baptême de Jésus par Jean-Baptiste, qui signale le début du ministère public de Jésus dans les autres évangiles, mais il s’attarde sur le témoignage de Jean.

Il s’agit d’un témoignage qui ne s’adresse à personne en particulier et qui vaut donc pour tous les hommes et toutes les femmes de tous les temps : « Jean rendit ce témoignage... ». Auparavant Jean avait déjà dit à ceux qui l’interrogeaient sur le sens de son baptême : « Il y en a un parmi ceux qui me suivent (c’est-à-dire parmi mes disciples) qui est plus grand que moi... ». Alors le jour où il vient, il le reconnaît et il dit : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ». Le titre d’agneau de Dieu réfère évidemment à l’agneau mangé chaque année lors de la célébration pascale, et, au-delà de ce mémorial, à l’agneau dont le sang avait marqué le linteau des portes des Juifs en Égypte, durant la nuit de la Fuite, et avait sauvé leurs premiers-né. L’expression se référait aussi à l’agneau qu’on chassait chaque année au désert, symboliquement chargé par le prêtre de tous les péchés du peuple.

 

Mais que signifie Jean-Baptiste, par l’expression « le péché du monde » ? Il ne dit pas « les péchés du monde », mais bien « le péché du monde ». De quel péché s’agit-il ? Traduire en inversant les mots, par exemple en disant : « qui enlève du monde le péché » serait un contresens. « tèn hamartían tou kósmou » signifie vraiment « le péché du monde » et en quelque sorte, « le péché du monde par excellence ». Et tout d’abord, de quel monde s’agit-il ? Évidemment du monde dont vient tout juste de parler le Prologue de l’Évangile de Jean : « Il était dans le monde et le monde fut fait par lui, et le monde ne l’a pas reconnu »

 

Le « péché du monde » ce n’est pas telle ou telle transgression, ni même l’ensemble des transgressions. C’est plutôt le monde des hommes dans son ensemble dans la mesure où il ne reçoit pas le message du Christ et ne se laisse pas transformer par lui. Le « péché du monde » c’est le fait que notre monde, celui où nous vivons, n’est pas structuré selon l’Évangile. Le péché du monde c’est que les pauvres et les petits sont écrasés, que tant d’hommes et de femmes souffrent de la faim, que tant de personnes sont chassées de leurs maisons et de leurs pays par la guerre, que les riches deviennent plus riches et que les pauvres deviennent plus pauvres, que tant de malades meurent par manque de médicaments alors que des sommes astronomiques sont dépensées à développer des engins de mort. Le péché du monde, c’est l’existence des guerres, de l’avortement, de la peine de mort. C’est la violation de tous les droits des personnes et des peuples. Le péché du monde c’est aussi le silence et l’inaction coupables devant toutes ces injustices et ces crimes.

 

C’est de ce péché-là qu’est venu délivrer le monde l’Agneau de Dieu reconnu par Jean. Et pourtant après deux mille ans le monde est toujours dans son péché. Nous sommes tous dans ce monde mais il nous est possible, à chacun et chacune d’entre nous de ne pas être de ce monde. Comment ? En recevant le Fils de Dieu, en acceptant son message, en nous laissant transformer par lui : « À tous ceux qui l’ont accueilli, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfant de Dieu ».

 

Jean le Baptiste a su reconnaître celui qui venait libérer le monde de son péché parce que son coeur était pur. Il a vu l’Esprit-Saint descendre sur la tête de Jésus, et peu de temps après il a eu sa propre tête coupée. Demandons à Dieu d’avoir la lucidité de reconnaître à la fois le péché du monde (en nous et autour de nous) et de reconnaître Celui qui en délivre, même lorsque cette lucidité peut être dangereuse et lourde de conséquences.