19 mars 2020 – Fête de saint Joseph
2Sam 7, 4...16; Rom. 4, 13...22; Mat 1, 16-24
H O M É L I E
L’une des conséquences du développement de la psychologie à notre époque est que nous sommes devenus très attentifs à tous nos états intérieurs, les scrutant et les analysant parfois à l’extrême. Plusieurs grands écrivains modernes, en particulier les poètes et les romanciers s’adonnent longuement à décrire leurs propres états intérieurs ou ceux des personnages de leurs créations. Or la Bible dans son ensemble, aussi bien l’Ancien que le Nouveau Testament, ne s’attarde guère à décrire les états intérieurs des grands personnages de l’Histoire du Salut. Au contraire l’Écriture Sainte décrit essentiellement des événements -- des événements salvifiques.
C’est sans doute pourquoi, chaque fois que, dans l’Écriture Sainte, on veut décrire la perception que quelqu’un a de sa mission personnelle, ou une décision relative à cette mission, ou un tiraillement intérieur préalable à l’acceptation de cette mission, tout cela est toujours décrit comme un événement, une action, une intervention.
La perception que Marie eut de sa mission au moment où elle atteint sa maturité physique et spirituelle, et l’acceptation totale qu’elle en fit, sont décrites avec les images de l’apparition d’un ange. La prise de conscience de leur mission personnelle qu’eurent plusieurs prophètes, à un moment précis de leur vie, est souvent décrite avec l’image d’un songe (qui est tout autre chose qu’un simple rêve). C’est ainsi qu’est décrite dans l’Évangile que nous venons de lire, la prise de conscience que fait Joseph de sa mission face à Marie et à l’enfant qu’elle porte.
Les prises de conscience que font les femmes et les hommes de la Bible de leur mission dans le plan de Dieu sont presque toujours vécues comme la réception non seulement d’une mission, mais d’une promesse. En fait, les trois lectures que nous venons d'entendre nous présentent une longue chaîne de témoins reliés entre eux par la même promesse qui se retransmet de génération en génération. L'Epître aux Romains nous renvoie à la promesse faite à Abraham d'une descendance nombreuse. Abraham et Joseph ont ceci en commun que la paternité leur est donnée alors qu'ils s'y attendaient le moins: à Abraham la paternité selon la chair alors que lui et sa femme sont avancés en âge; à Joseph la paternité selon l'esprit alors qu'il n'a pas encore pris pour épouse sa fiancée, Marie. Pour l'un et pour l'autre, c'est une surprise. L'un et l'autre acceptent dans la foi le message qui leur est donné. L'un et l'autre, chacun à sa façon, est notre père dans la foi.
Le chaînon entre Abraham et Joseph est David, à qui est promis non pas simplement une descendance nombreuse, comme à Abraham, mais un descendant qui lui succédera sur son trône. Lorsque Jésus naît, il est au sens le plus profond, le "fils de la promesse", puisqu'il accomplit les promesses faites à Abraham, à David et à Joseph. Tous trois sont nos pères dans la foi, car chacun de nous est aussi un fils ou une fille de la promesse, dans la mesure où le Christ est engendré en nous et que nous sommes engendrés dans le Christ.
Je disais, au début, que la Bible ne s’attarde jamais à décrire les états intérieurs des grands témoins de l’Histoire du Salut. De même elle ne décrit pas les expériences mystiques qu’ils ont pu avoir. Lorsqu’elle décrit leur prière, y compris lorsque les Évangiles décrivent la prière de Jésus, il s’agit toujours de paroles exprimant l’acceptation de leur mission. La parole de Marie est très simple : Fiat. La parole de Jésus l’est tout autant : « Que ta volonté soit faite ». Celle de Joseph est en quelque sorte encore plus simple. Elle est tout simplement action. Joseph ne répond rien à l’ange, mais, comme dit l’Évangile dans cette phrase d’une beauté et d’une simplicité incroyable : « Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’Ange du Seigneur lui avait prescrit ».
La qualité de notre vie spirituelle et de notre prière réside dans ce que nous faisons.
Armand VEILLEUX