3 mai 2020 - Quatrième dimanche de Pâques "A"
Actes 2,14...41; 1Pierre 2,20-25; Jean 10,1-10
H O M É L I E
Nous ne sommes pas encore à la Pentecôte, mais la première lecture de la Messe d’aujourd’hui, tirée du Livre des Actes des Apôtres, nous décrit ce qui se passa le jour de la Pentecôte, tout de suite après la descente de l’Esprit Saint sur les Apôtres. Pierre prit la parole et s’adressa à la foule des Juifs présents, venant de la Judée et de la Galilée mais aussi de tous les pays de la diaspora. Il fut si convainquant qu’environ trois mille de ses auditeurs reçurent son message et furent baptisés le jour-même.
Cela veut dire que sa prédication contenait l’essentiel du message chrétien – tout ce qu’il faut croire et qu’il suffit de croire pour être vraiment chrétien. C’est beaucoup et c’est peu. Son message se résume à ce noyau essentiel de la foi chrétienne : « Un homme est apparu parmi nous, Jésus de Nazareth ; Dieu a fait connaître sa mission par tous les prodiges qu’Il lui a donné de réaliser ; ses contemporains l’ont mis à mort ; Dieu l’a ressuscité. Il a été élevé dans la gloire et a reçu de son Père l’Esprit, qu’il a répandu sur ses disciples comme il l’avait promis ».
C’est là le noyau de la prédication chrétienne. Tout le reste n’est que son explicitation. Les Apôtres et les premiers chrétiens élaborèrent par la suite cet enseignement en se rappelant – et en nous rappelant par leurs écrits – tout ce que Jésus avait fait et dit lorsqu’il était au milieu d’eux. Et, évidemment, chacun d’eux nous a raconté ces paroles et ces événements tel qu’il les avait vécus personnellement et selon l’effet qu’ils avaient eu sur lui.
Le récit de l’Évangile que nous lisons aujourd’hui est un bel exemple de la complémentarité entre les Évangélistes. Nous savons que l’Évangéliste Jean nous apporte souvent sur les événements et les paroles de Jésus des lumières autres que celles des autres Évangélistes. Matthieu et Luc racontent une parabole de Jésus sur la brebis perdue, à la recherche de laquelle le pasteur s’en va, même en laissant seules les quatre-vingt-dix-neuf autres brebis. Dans l’Évangile de Jean, cette parabole très simple et très courte se transforme en une longue allégorie où Jésus se présente comme le Bon Pasteur qui se préoccupe de son troupeau, contrairement aux pasteurs à gage ou aux voleurs.
Il ne faut pas lire cette parabole avec notre logique latine, car les images s`y entrechoquent d’une façon déconcertante. Jésus se présente à la fois comme le pasteur des brebis et comme la porte du bercail. Il ne faut pas non plus y chercher un enseignement moralisant sur ce que doit faire la bonne brebis. C’est du pasteur et de son attitude que nous parle Jésus.
Le bercail dont il parle n’est pas un lieu séparé du reste du monde, où l’on se protège de toutes les influences étrangères et dont on tient la porte bien fermée. Non, le bercail c’est l’assemblée de ceux qui ont cru en Jésus. Quant Jésus, le Pasteur vient, il ouvre la porte pour que les brebis sortent. Les fidèles de Jésus ne sont pas appelés à se refermer sur eux-mêmes, à se sécuriser dans une chaude intimité. Ils sont appelés à sortir, à suivre Jésus sur les chemins du monde.
Le pasteur, tel qu'il est décrit par Jésus, ne vient pas pour agir comme maître au sein de la bergerie. Au contraire, il ne semble même pas entrer dans la bergerie. S'il se fait ouvrir la porte par le portier (qui est sans doute le Père), c'est pour appeler les brebis à sortir. Le bercail dont parle Jésus, c'est le Peuple d'Israël, si porté tout au long de l'Ancien Testament, à se replier sur lui-même. Jésus vient appeler ses brebis, chacune par son nom, à quitter cet enfermement pour le suivre sur les routes de son ministère. Il a d'autres brebis, qui ne sont pas de ce bercail, c'est-à-dire qui proviennent des nations païennes. Elles aussi, il les appelle; et toutes formeront un seul troupeau. Ce troupeau n'est pas appelé à rentrer au bercail, mais à suivre Jésus dans sa mission universelle, à travers le désert de l'humanité.
Il est assez facile de comprendre comment Jésus est Pasteur. Comment est-il aussi la porte? Car Jésus dit bel et bien: "Je suis la porte". Il est la porte, parce que, dans le mur de la misère humaine, il a introduit des ouvertures. Il est venu chez les siens et les siens ne l'ont pas reconnu; ils lui ont opposé un mur. Dans ce mur ses plaies ont ouvert des voies de passage. Lorsque Thomas a introduit sa main dans les plaies des pieds et du côté de Jésus Ressuscité, il a reconnu la voix du Maître et s'est écrié: "Mon Seigneur et mon Dieu". Comme dit Pierre, dans la seconde lecture. "Le Christ a souffert pour vous... afin que vous suiviez ses traces... C'est par ses blessures que vous avez été guéris. Vous étiez errants comme des brebis; mais à présent vous êtes revenus vers le berger qui veille sur vous." C'est par les trous béants de ses plaies qu'il est la Porte.
Le Christ souffre toujours, encore aujourd'hui, dans ses sœurs et ses frères. Pour le reconnaître, ces jours-ci, il faut introduire nos mains dans les plaies béantes de nos frères et sœurs qui sont les victimes de toutes les guerres fratricides. Reconnaissons le Christ souffrant dans toutes ces victimes de nos guerres et ouvrons bien grands nos cœurs et nos bras pour les accueillir.
Armand Veilleux