14 mai 2020 – Fête de saint Matthias
Actes 1:15-26; Jean 15:9-17
H O M É L I E
De saint Matthias nous ne connaissons pas grand chose d'autre que ce qui nous est raconté dans le bref récit des Actes décrivant son élection. Et l'élément essentiel de ce récit est constitué par le discours de Pierre, qui nous révèle plusieurs détails importants sur l'Église primitive, et sur le sens de l'Évangélisation. Nous y voyons que cette Évangélisation consiste essentiellement à être "témoins de la résurrection". Or, il n'y a pas eu, comme nous le savons, de "témoins" du moment précis de la sortie de Jésus du tombeau. Être "témoins de la résurrection" pour Pierre c'est avoir fait partie de la communauté de ceux qui ont suivi Jésus "tout le temps que le Seigneur Jésus a vécu au milieu de nous, en commençant au baptême de Jean jusqu’au jour où il nous fut enlevé".
C'est là la communauté chrétienne primitive, la communauté "apostolique", et, en toute rigueur de termes, la première communauté "monastique", c'est-à-dire celle réunie autour de Jésus à partir du moment où, se faisant baptiser par Jean, il assumait tout le mouvement ascétique représenté par celui-ci. Les Apôtres ne sont pas simplement des auditeurs qui ont entendu certaines paroles et qui les rapportent, qui ont vu certaines choses et qui les racontent. Ce sont des personnes qui ont vécu avec Jésus, qui sont demeurées avec lui. La résurrection dont ils veulent être les témoins n'est pas un événement ponctuel survenu le matin de Pâques. C'est le fait que Jésus est toujours le même, le Vivant, depuis le début de sa vie terrestre jusqu'à son Ascension, après comme avant sa passion et sa mort. Ils peuvent en témoigner, car ils ont vécu tous ces événements avec lui.
Vivre quelque chose avec quelqu'un implique un élément de durée, de stabilité, qui est, comme nous le savons, un élément si important de la vie monastique selon la Règle de saint Benoît. Jésus revient sur cet élément, avec une insistance toute particulière, dans ses entretiens avec ses disciples, lors de la dernière Cène, dont nous venons de lire un beau passage. Le verbe "demeurer" y revient comme une sorte de refrain. "Demeurez en mon amour", leur dit-il, "comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour". Il leur dit ces choses pour que sa joie demeure en eux, et qu'elle soit pleine. Enfin, il les établit pour qu'ils portent du fruit et que leur fruit demeure.
Nous savons comment saint Benoît, dans son chapitre sur la réception des frères, prévoit que, durant l'année de discernement, on lise trois fois en entier au candidat le texte de la Règle, afin qu'il puisse s'assurer que c'est vraiment ce qu'il veut vivre, et s'il peut le vivre. À chaque fois, le candidat est invité à promettre sa stabilité dans la communauté. Est-ce vraiment là qu'il veut faire sa demeure?
Si nous sommes tous réunis ici pour cette Eucharistie, c'est que nous sommes tous des témoins de la Résurrection. Depuis notre baptême – donc depuis notre enfance, pour la plupart d'entre nous – nous vivons avec le Vivant qui demeure en nous et au milieu de Nous. Nous demeurons en sa Parole, qui nous est adressée tous les jours et cette Parole demeure en nous. Jésus, avec qui nous partageons la Vie, nous appelle ses amis. La communauté des Croyants que nous constituons fait que nous sommes tous les uns pour les autres, dans le sens le plus profond et le plus beau du mot, des amis.
Bien chers amis, remercions saint Matthias et les autres Apôtres d'avoir été de fidèles témoins de la résurrection, et faisons de même. Alors la joie de Jésus demeurera en nous et elle sera pleine.
Armand Veilleux