31 mai 2020 - Pentecôte

Actes 2,1-11; 1 Cor 12,3...13; Jean 20,19-23

 

H O M É L I E

          Lorsque Jésus se manifeste à ses disciples le soir de Pâques, il leur annonce la Paix. Et pourtant, cette région où Jésus et ses disciples ont vécu est déchirée depuis très longtemps par la guerre. Plus d’un demi-siècle de négociations menées par des diplomates chevronnés n’ont en aucune façon rapproché les parties en conflit, malgré la signature de soi-disant accords de paix ponctuels. Et la volonté exprimée de nouveau récemment par Israël d’annexer les territoires palestiniens pourrait bien déclencher de nouveaux accrochages meurtriers.

 

          Lorsque le pape François s’est rendu en pèlerin sur cette terre sacrée, il y a quelques années, il n’a pas joué au diplomate. Il n’a pas offert les services de la diplomatie vaticane ni ceux d’une quelconque diplomatie parallèle. Il a tout simplement invité le président d’Israël, et celui de l’autorité nationale palestinienne, à venir prier avec lui pour invoquer de Dieu le don de la paix. Et ils ont accepté l’invitation. Le patriarche de l’Église orthodoxe de Constantinople, Bartholomée 1er, a aussi pris part à ce moment de prière. Le pape François a aussi invité non seulement tous les Catholiques mais tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté, de par le monde à faire de même.

          Au cours de cette Eucharistie nous demanderons donc au Seigneur d’apporter la paix non seulement aux peuples de Palestine et d’Israël, mais aussi à tous les autres peuples actuellement déchirés par les guerres et à tous les pays affectés par diverses formes de tension sociale ou par la pauvreté.

          Le bref récit de l’Évangile de Jean que nous venons de lire nous présente deux scènes entre lesquelles il y a un contraste évident. Dans la première, nous voyons les Disciples enfermés dans une maison, le soir, tiraillés par la peur. Et puis, soudain, la seconde scène : Jésus qui leur annonce la paix, qui leur montre ses plaies comme signe authentique de sa réelle présence. Les disciples sont alors remplis de joie et Jésus leur communique l’Esprit qui les rend apte à la Mission. La crainte, l’obscurité, le repli sur soi se transforment alors avec la présence de Jésus en paix, joie et envoi missionnaire.

          Jésus accomplit ainsi la promesse qu’il avait faite. Il avait promis à ses Disciples qu’il ne les laisserait pas seuls, et qu’il reviendrait. Il leur avait également dit que l’Esprit-Saint les aiderait à comprendre tout ce qu’il leur avait dit. C’est ce qu’il fait. Il est revenu et il leur communique l’Esprit-Saint qui fait toutes choses nouvelles. Jésus souffle sur ses Disciples, comme Dieu avait créé le premier homme en lui insufflant sa propre vie. Ils sont désormais des personnes nouvelles de la création restaurée par le don que Jésus a fait de sa vie. Ce récit est vraiment celui d’une nouvelle création. C’est « le premier jour de la semaine ».

          Ce récit est symbolique : Les « Disciples » dont il y est question sont tous ceux qui ont mis leur foi en Jésus. Aucun nom n’est mentionné, ni aucun nombre. Il n’y a pas de limite. Ce ne sont pas simplement les douze, ni les soixante-douze, ni les quelque centaines de disciples dont parle les Actes des Apôtres. Ce sont tous ceux qui, à ce moment-là comme à travers les âges, ont cru en Jésus. Et nous sommes du nombre.

          La violence, les guerres, l’injustice, la corruption dans tant de secteurs de la société, ou encore des événements comme la pandémie actuelle, nous remplissent de crainte et nous poussent à nous replier sur nous-mêmes et fermer les portes sur nous pour ne pas être affectés par tout ce qui se passe au dehors du petit univers que nous nous sommes construit et que nous voulons préserver. Il nous semble que les problèmes qui affectent la société nous dépassent totalement, et nous nous réfugions dans notre propre vie intérieure, nous fermons les portes de notre cœur et oublions le grand projet de Jésus sur nous et sur l’humanité. C’est alors qu’il fait irruption en nous et dans nos vies et nous fait comprendre que non seulement il ne nous a pas abandonnés mais qu’il n’a pas abandonné ce monde qui nous entoure. Il est toujours présent non seulement en nous, mais dans la vie de notre communauté, de l’Église et de la société. Il agit à travers la vie de milliers de personnes, de groupes, de communautés, d’associations qui se sont engagés pour lutter contre toutes les formes de mal et toutes les conséquences du péché. Et il continue de réaliser à travers eux la promesse qu’il a faite : tout ce que vous aurez délié, libéré sur la terre sera délié aussi dans le ciel.

          L'Esprit, lorsqu'il pénètre en nous, nous permet non seulement de comprendre mais aussi de nous faire comprendre. Les Apôtres étaient de simples pêcheurs galiléens, sans instruction. Lorsqu'ils sont remplis de l'Esprit, le jour de la Pentecôte, ils continuent de parler leur patois de Galilée; mais les Juifs venus à Jérusalem de tous les coins de la diaspora juive les entendent chacun dans sa langue locale. L'Esprit de Dieu n'annule pas les différences qui nous constituent chacun dans notre être et notre beauté propre, mais permet plutôt à chacun de transcender ses différences et de rejoindre l'autre à travers et au-delà de ces différences. Les Apôtres demeurent Galiléens et parlent dans le dialecte de Galilée. Les Parthes, Mèdes, Élamites... les Phrygiens, les Égyptiens, les Libyens, les Romains, demeurent tous ce qu'ils sont, avec chacun leur langue propre, et c'est dans cette langue propre qu'ils entendent et comprennent le message des Apôtres.

          En cette solennité de la Pentecôte, efforçons-nous de percevoir les signes de la présence et de l’action de l’Esprit en nous-mêmes, dans nos vies, dans nos communautés et nos familles. Prions pour que notre société soit déliée de ses chaînes et s’ouvre à la salutation que Jésus prononce chaque fois qu’il se manifeste : « La paix soit avec vous ». Les hommes sont incapables d’établir la paix. Leurs armes ne font que causer mort et blessures. Jésus peut nous donner la paix car les blessures qu’il porte et qu’il montre sont non pas des blessures qu’il a causées, mais bien celles qu’il a accepté de subir par amour.

Armand VEILLEUX