Fête du Sacré Coeur, 19 juin 2020

Osée 11,1...9; Ephésiens 3, 8...19; Jean 19, 31-37

H O M É L I E

Le coeur est conçu dans toutes les cultures comme le lieu où réside les sentiments, l'affectivité, l'amour. C'est pourquoi, à partir déjà du Moyen-Âge, des mystiques tels que Gertrude d’Hefta, Catherine de Sienne, Mathilde, Marguerite Alacoque, Jean-Eudes, développent une dévotion au Coeur Sacré de Jésus, qui n'est pas une dévotion à un organe physique, mais à l'amour divin vécu par Dieu fait homme.  Si cette dévotion a pu connaître à certaines époques des expressions plutôt romantiques et sentimentales, comme en fait foi une vaste collections d'images pieuses au goût plutôt douteux, elle n'est, essentiellement, dans son intuition première, que la contemplation de l'amour de Dieu pour nous, incarné en Jésus de Nazareth. Et le récit de l’Évangile que nous venons de lire nous montre jusqu’où est allé cet amour.

 

La mort sur la croix était un supplice très cruel.  Le condamné mourait par asphyxie lorsqu'il ne pouvait plus se soulever sur ses pieds pour relâcher légèrement la pression qu'exerçait sur ses bras et son thorax le poids de son corps.  La respiration devenait de plus en plus difficile et douloureuse et le condamné cessait lentement de respirer. Cette agonie pouvait durer quelques jours.  C'est pourquoi, si pour une raison ou une autre – par exemple, la proximité du sabbat – on voulait accélérer la mort du supplicié, on lui rompait les jambes. 

Mais Jésus n'est pas mort de cette façon.  Il n'a pas cessé lentement de respirer.  Il a au contraire remis son souffle -- son esprit -- à son Père, librement, dans un grand cri.  Et c'est pourquoi il ne fut pas nécessaire de lui briser les jambes.  On lui transperça cependant le côté d'un coup de lance et de son coeur coula de l'eau et du sang.

C'est nous tous, les humains, qui avons ouvert le coeur de Jésus, après sa mort, avec la lance du centurion romain.  Nous avons alors été aspergés par l'eau et baptisés dans le sang sortis de ce coeur ouvert par la lance.

Quelques jours après la Résurrection Jésus nous invita tous, également, en la personne de Thomas, à pénétrer en son coeur en mettant notre main dans son côté ouvert.  Ce que nous avons découvert alors dans ce coeur ouvert, c'est l'amour – un amour assez fort pour donner sa vie pour ceux qu'il aime; un amour, nous dit Paul, "qui dépasse tout entendement".  Alors, pour utiliser une autre expression de Paul, nous pouvons (par cette plaie béante du côté de Jésus) "entrer dans la plénitude de Dieu".

Au même moment où nous pénétrons dans son coeur, si nous nous y établissons, si nous nous y enracinons et si nous y établissons notre demeure, comme il nous demande de faire, le Christ lui-même, à son tour "fait sa résidence" en nos coeurs.

Nous nous sentons peut-être indignes de cette relation amoureuse.  Lisons alors le beau texte d'Osée que nous avions comme première lecture.  C'est l'une des plus belles expressions dans toute la Bible de la tendresse de Dieu.  Or cette tendresse s'exprime précisément à l'égard du peuple infidèle, comparé à une épouse choisie et adoptée par son époux dès sa naissance.

La déchirure du côté de Jésus et la blessure de son coeur ont opéré dans nos propres coeurs une ouverture où a pu pénétrer le Souffle remis par Lui à son Père sur la croix, si bien que, comme le dit encore Paul, l'amour de Dieu a été répandu en nos propres coeurs par l'Esprit, le Souffle de Jésus qui nous a été donné, et qui nous permet de dire, comme lui et avec lui :  Abba, pater.

Que l'Eucharistie de ce matin soit notre action de grâce pour un tel don.