20 juin 2020 – Fête du Cœur Immaculé de Marie
2 Ch 24, 17-25 ; Luc 2, 41-51
H O M É L I E
Après la fête du Sacré-Cœur de Jésus, le calendrier liturgique nous fait célébrer aujourd’hui celle du cœur Immaculé de Marie. Et l’Évangile retenu pour cette fête est le récit de la montée de Jésus au Temple, à l’âge de douze ans, qui se termine par l’affirmation que Marie conservait toutes ces choses en son cœur.
Ce récit est tiré du deuxième chapitre de Luc. Comme nous le savons, ces deux premiers chapitres de Luc ne sont pas, comme on le dit parfois, un Évangile de l’enfance de Jésus, mais une sorte d’introduction grandiose à son Évangile dans laquelle, dans des récits hautement symboliques, Luc annonce tous les grands thèmes de son Évangile. Il établit d’abord un parallèle étroit entre Jean-Baptiste et Jésus, soulignant en même temps leur différence. À la fin du récit de la naissance de Jean-Baptiste, Luc conclut que « l’enfant... grandissait et son esprit se fortifiait... jusqu’au jour de sa manifestation à Israël ». De Jésus il dit qu’il « progressait en sagesse et en taille, et en faveur auprès de Dieu et auprès des hommes ». Le rôle de Jean-Baptiste était limité à Israël ; celui de Jésus s’étend à toute l’humanité. C’est d’ailleurs ce que dit Jésus à Marie dans l’Évangile d’aujourd’hui: « Ne saviez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père » (ce qui est une traduction littérale préférable à celle adoptée par notre lectionnaire : « Ne saviez-vous pas que je dois être chez mon Père ? »).
Jean-Baptiste, destiné à être le dernier des prophètes d’Israël, grandit au désert. Jésus, au contraire, après avoir affirmé que sa mission s’étend au-delà de sa famille naturelle et qu’elle s’étend aux dimensions de la grande famille constituée par tous les enfants de Dieu, son Père, retourne à Nazareth où il demeure soumis à Marie et à Joseph. Cette soumission et l’harmonie au sein de la famille de Nazareth sont en proportion de son ouverture à la mission universelle de Jésus. C’est pourquoi cet Évangile est lu aussi lors de la fête de la Sainte Famille
Chaque fois qu’un groupe humain – que ce soit un couple, une communauté ou une nation – se referme égoïstement sur lui-même, les conflits internes deviennent ingérables et conduisent soit à l’éclatement du groupe soit à l’exportation des conflits dans des querelles ou des guerres avec les autres groupes ou nations. À l’opposé, chaque fois qu’un groupe humain est ouvert à la communion avec les autres groupes et à l’engagement avec eux dans un projet commun, il arrive facilement à gérer ses conflits internes.
C’est l’exemple que nous donne l’Évangile d’aujourd’hui. L’ « escapade » de Jésus crée un conflit au sein de la Sainte Famille. Marie gronde Jésus : « pourquoi nous as-tu fait cela ? ». Mais l’ouverture de Jésus aux affaires de son Père céleste, au-delà du petit cercle familial est assumée par Marie qui médite dans son coeur ces choses même si elle n’arrive pas encore à les comprendre. Non seulement l’harmonie au sein de la famille de Nazareth est maintenue, mais elle est approfondie. Tout en étant devenu autonome, Jésus demeure soumis. Il grandit à la fois en autonomie et en soumission.
Marie conserve toutes ces choses dans son cœur, même sans les comprendre pleinement tout comme elle avait gardé en son cœur la prophétie du vieillard Siméon qui lui avait prédit qu’un glaive transpercerait son cœur. Elle est le modèle de tous les contemplatifs.
Armand Veilleux