20 septembre 2020 – 25ème dimanche ordinaire « A »

Is 55,6-9; Ph 1,20c-24,27; Mt 20,1-16a

H O M É L I E

          Ce passage d'Évangile n'est pas un traité de justice sociale.  Selon tous les principes admis de nos jours dans le domaine des relations de travail, l’employeur de notre Évangile agit d’une façon plutôt étrange et même inacceptable.  Son attitude ne correspond certainement pas à nos critères de justice, et est même déconcertante.  Également déroutantes sont les dernières paroles de la parabole : « Les derniers seront premiers et les premiers seront derniers. »  Les premiers chrétiens semblent avoir été troublés par ces paroles de Jésus, chacun des Évangélistes les plaçant dans un contexte différent, et Matthieu les rapportant même deux fois.

 

          L'enseignement principal de ce texte est que Dieu est bon, généreux et miséricordieux; et que tout ce que nous recevons de lui est pur don gratuit.  Chaque fois que nous pensons mériter quelque chose ou avoir acquis certains droits, nous sommes dans l'erreur.

          Saint Paul, de toute façon, est un bon exemple du dernier devenu premier.  Le dernier des Apôtres, il devint bientôt le plus actif et le plus efficace de tous pour répandre la Bonne Nouvelle.

          Paul réalisa aussi l’enseignement et les paroles de Jésus d’une façon particulière, c’est-à-dire en prêchant aux païens.  Or, cela semble bien être la véritable signification de notre passage d’Évangile qui, évidemment ne concerne pas le juste salaire à payer à des travailleurs salariés, mais concerne les païens qui recevront la Bonne Nouvelle et entreront les premiers dans le Royaume alors que les Juifs, pour la plupart, refuseront cette Bonne Nouvelle.

          Notre seconde lecture de ce matin est tirée de la lettre de Paul aux Philippiens, une lettre d’une grande beauté et aussi d’une certaine fraîcheur.  Philippes avait été la première ville d’Europe à recevoir le message chrétien, durant le troisième voyage missionnaire de Paul.  C’était une toute petite communauté chrétienne, avec laquelle Paul conserva une très belle relation, semblable à celle de Jésus avec Marthe, Marie et Lazare.  Dans sa lettre, Paul parle sur un ton personnel et même intime.  Bien qu’il soit prisonnier, il est un homme heureux.  Sa joie transpire à travers sa lettre, qui a été appelée avec justesse la « lettre de la joie ».

          Cette lettre fut écrite en captivité.  Paul avait déjà comparu devant le tribunal mais n’avait pas encore reçu sa sentence.  Cette sentence pouvait aussi bien être sa libération que son exécution.  Il est généralement admis qu’il s’agissait de la captivité de Paul à Éphèse, et non pas de sa dernière captivité, à Rome.  Paul n’était donc pas un homme âgé.  Il était dans la force de l’âge, vers la fin de la quarantaine ou au début de la cinquantaine.  Un homme qui, au fil des années, à travers la souffrance et les luttes, avait acquis une bonne dose de connaissance de lui-même et était capable de reconnaître les différents désirs – parfois contradictoires – de son cœur.

          Il était alors débordant de joie à la pensée de l’amour du Christ pour lui.  Il désirait donc mourir et être avec le Christ pour toujours.  Mais il savait aussi que le Christ était sa vie, même ici-bas.  Il désirait aussi continuer à le prêcher, et demeurer auprès de ses amis, spécialement les Philippiens.  Il ne savait pas s’il devait préférer mourir pour être avec le Christ ou vivre pour l’annoncer.  Il savait que, d’une façon ou de l’autre, le Christ serait exalté en lui.

          Paul est un homme heureux parce qu’il est libre -- libre de la peur, libre des ambitions personnelles, libre de tout ce qui n’est pas le Christ.  Si nous voulons que nos vies personnelles aussi bien que la vie de nos communautés ou de nos familles soient remplies de cette même joie, et qu'elles manifestent la présence du Christ, nous devons demander la grâce de cette grande liberté intérieure, comme celle de Paul, qui nous rende tout aussi disposés à disparaître pour être unis à Lui, qu'à continuer à œuvrer pour le rendre présent dans notre monde d'aujourd'hui.

          Rien n'est mérite et rien n'est tragédie.  Tout est grâce.

Armand Veilleux