13 mars 2010 – Samedi de la 3ème semaine du Carême
Osée 6, 1-6 ; Luc 18, 9-14
Homélie
Au début de chaque célébration eucharistique, nous confessons nos péchés et demandons le pardon du Seigneur. Est-ce toujours plus qu’une simple formalité religieuse ? Sommes-nous sincèrement conscients d’être pécheurs ? Bien sûr nous savons que nous avons fait des péchés. Normalement, nous les avons déjà accusés en confession et ils ont été pardonnés. Nous savons d’ailleurs qu’ils nous ont été pardonnés par Dieu dès le moment où nous les avons regrettés. Mais être pécheur est autre chose que d’avoir simplement fait tel ou tel péché. Il se peut que nous soyons conscients d’être de bons chrétiens ou de pas si mauvais moines, plutôt que conscients d’être pécheurs…
Il est dangereux d’être un bon chrétien, et peut-être encore plus dangereux d’être un bon moine ! C’est à de bonnes personnes comme nous que le Christ a dit que les prostituées et les publicains les précéderaient dans le royaume des cieux.
L’Évangile d’aujourd’hui nous parle précisément d’un publicain et d’un pharisien. Qu’est-ce qu’était un publicain ? Les publicains étaient des Juifs qui acceptaient d’être fonctionnaires des autorités romaines à l’époque où la Judée était sous l’occupation romaine. Un peu comme les collaborateurs en France ou en Belgique durant la dernière Guerre mondiale. Ils étaient considérés comme des pécheurs publics parce qu’ils acceptaient une autorité autre que celle établie par Yahvé et étaient donc considérés comme des traitres à l’égard de leur peuple. De plus, ils étaient considérés comme des voleurs car en collectant les impôts ils exigeaient des sommes supérieures pour compléter le maigre salaire qu’ils recevaient des autorités romaines.
La parabole de Jésus dit donc qu’un pharisien – donc un religieux – et un publicain montent au Temple pour prier. Le pharisien prie vraiment ; et, selon notre façon de voir, sa prière pourrait être considérée comme humble : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes ; ils sont voleurs, injustes, adultères… » Il rend grâce. Il est donc conscient que c’est par grâce qu’il est ce qu’il est. Il prie un dieu là-haut dans le ciel. Quant au publicain, il ne prie pas ce Dieu là-haut dans le ciel. Il n’ose même pas lever les yeux vers le ciel. Il dit simplement : « Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis. »
Tous les deux ont prié. Le publicain redescendit dans sa maison redevenu un homme juste, mais pas le pharisien. Pourquoi ? Quelle était la différence entre les deux ? Les deux ont prié. Est-ce que la prière du second était meilleure que celle du premier ? Peut-être. Mais je crois que la vraie raison du résultat différent de leur prière est qu’ils ne priaient pas le même dieu. Nous avons toujours la tendance de nous faire un dieu à notre image, un dieu correspondant à notre propre dimension et surtout correspondant à nos besoins. Le dieu du pharisien était le dieu qui lui avait donné ses vertus, qui l’avait fait meilleur que le reste des hommes. Ce dieu n’existe pas. C’est une idole. Le pharisien ne croyait donc pas vraiment en Dieu mais, comme dit l’Évangéliste Luc, il croyait en sa propre justice.
Le publicain, dans son humilité et sa pauvreté, n’avait pas d’image de Dieu. Il ne s’était pas bâti un Dieu selon ses besoins. Il ne parlait pas à un Dieu là-haut. Il n’osait même pas lever les yeux. Il se regardait lui-même, et voyait qu’il était pécheur et avait donc besoin de guérison. « Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis ». Et il reçut une vie nouvelle parce qu’il y était ouvert. Il avait trouvé Dieu dans l’expérience même de son état de pécheur.
Saint Pierre nous dit dans sa Lettre que nous devons être prêts à rendre compte de notre espérance. Demandons-nous ce matin sur quoi est fondée notre espérance. Sur notre conviction d’être justes, comme les pharisiens, ou sur notre foi en la miséricorde de Dieu ? Notre foi est-elle celle du pharisien ou du publicain ? N`oublions pas que Luc écrit que Jésus raconta cette parabole « à l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes ».
Armand Veilleux