30 mai 2021 – Solennité de la Trinité "B"

Dt 4, 32...40;  Rm 8, 14-17; Mt 28, 16-20

H O M É L I E

          Le ministère public de Jésus commence avec son baptême dans les eaux du Jourdain.  Et, lors de sa dernière apparition à ses disciples, après sa Résurrection, il leur commande d'aller enseigner toutes les nations, d'en faire des disciples et de les baptiser "au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit".

 

          Le baptême de Jésus dans le Jourdain fut le moment de la première et claire manifestation – dans le Nouveau Testament, et donc dans toute la Révélation – du Dieu Père, Fils et Esprit.

          Lorsque Jésus descendit dans les eaux du fleuve, pour y être baptisé par Jean, comme le faisaient les foules qui descendaient de Jérusalem, l'Esprit descendit sur lui sous la forme d'une colombe, et il entendit la voix du Père disant :  "Tu es mon fils bien-aimé, en qui j'ai mis mes complaisances."

          Et dans l'Évangile d'aujourd'hui, au moment de quitter ses disciples, Jésus leur dit de baptiser les nations et de le faire "au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit".

          À travers tout son enseignement Jésus témoigne du fait que Dieu est son Père et que tout son être se trouve exprimé dans cette relation de Fils à Père.  Le Père se dit tout entier dans son Verbe ; et lorsque le Verbe incarné dit : "Abba, Père", il exprime dans ce simple mot tout son être de Fils.  Il n'est rien d'autre.  Jésus nous enseigne aussi tout au long de l'Évangile que son Père et Lui sont un, unis par l'Esprit d'amour qui leur est commun.  Et, finalement, il nous révèle que nous aussi nous sommes appelés à vivre la même relation.  Cet appel devient une réalité à travers le baptême que nous avons reçu.

          Il y a donc une relation essentielle entre le mystère de la Trinité, que nous célébrons aujourd'hui et le baptême.  Par le baptême nous devenons fils/filles du Père, dans le Fils, par l'Esprit d'amour qui nous est donné.  L'Esprit descend alors sur nous et la voix du Père nous dit à nous aussi : "Tu es mon fils/ma fille bien-aimé(e) en qui j'ai mis toutes ma complaisance".

          L'usage du baptême était un élément important de la culture religieuse au temps de Jésus, au Moyen Orient, et non seulement dans le Judaïsme.  Dans la ligne de l'Incarnation, Jésus a assumé cette coutume et l'a transformée dans le sacrement du baptême, tout comme il a assumé le rite de la cène pascale pour la transformer dans le sacrement de l'Eucharistie.

          Le baptême n'était cependant pas un rituel isolé.  La personne qui baptisait avait toujours un message, un enseignement à transmettre ; et celle qui recevait le baptême acceptait de vivre en conformité avec cet enseignement.  Elle acceptait donc aussi de faire une conversion.  Jésus a conservé cette dimension du baptême.  C'est pourquoi, lorsqu'il commande à ses disciples de baptiser les nations, il leur commande aussi de leur apprendre "à garder tous les commandements" qu'il leur a donnés.

          De plus, au temps de Jean-Baptiste et de Jésus, le baptême était aussi lié à une tradition de vie ascétique.  Il y avait normalement une communauté qui vivait avec le baptiste, c'est-à-dire avec la personne qui baptisait, pratiquant avec lui une vie ascétique.  Plusieurs parmi les premiers Chrétiens, lorsqu'ils reçurent le baptême, adoptèrent une forme de vie semblable, s'efforçant de mettre ainsi en pratique les appels de Jésus à diverses formes de renoncement radical.  Et c'est cette tradition de vie ascétique, graduellement assumée dans le Christianisme, qui, après quelques siècles de purification et d'intégration, donna naissance à ce qui fut par la suite appelé "vie monastique", et que nous nous efforçons de vivre ici à Scourmont.

          Comme toute forme de vie chrétienne, la vie monastique est essentiellement liée au baptême ; et pour cela elle est aussi essentiellement liée à la Trinité.  Elle est un effort de répondre à l'appel de Jésus au renoncement et à la conversion, afin que son Esprit puisse reposer sur nous et que nous entendions la voix du Père nous dire:  "Tu es mon fils/ma fille bien-aimé(e) en qui n'ai mis ma complaisance".

          Si nous gardons bien cette parole d'amour qui nous a été donnée, alors la promesse de Jésus à ses disciples se réalisera en nous : « Et moi, je suis avec vous tous les jours ».

          Pénétrons donc toujours plus à fond dans ce baptême qu'est notre vie chrétienne et notre vie monastique, afin de faire toujours plus intensément et de façon toujours plus constante l'expérience de la présence en nous du Père, du Fils et de l'Esprit.  Notre vie deviendra alors une prière continuelle, car, comme le dit Paul dans la seconde lecture (tirée de la lettre aux Romains), l'Esprit de Dieu s'unira à notre esprit pour dire "Abba", ce mot affectueux en qui s'exprime toute la nature du Fils.  C'est là la prière dont parle Paul dans ce même chapitre 8 aux Romains:  "Nous ne savons pas prier; mais l'Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables."

Armand Veilleux