13 juin 2021 -- 11ème  dimanche « B »

Ez 17, 22-24 ; 2 Cor 5, 6-10 ; Mc 4, 26-34

Homélie

Les deux paraboles que nous venons d'entendre, celle du cultivateur patient et celle du grain de moutarde, font partie d'un groupe de quatre paraboles, les deux autres étant celle du semeur (Mc 4, 3 8) et celle du levain (Mt 13, 33).  Ces quatre paraboles traitent d'une même réalité : l'échec rencontré par Jésus dans sa prédication, ou du moins la lenteur avec laquelle les résultats de sa prédication se manifestaient.

 

Dans l'histoire du vigneron patient, le Royaume de Dieu est comparé à la lenteur de la croissance de la semence jusqu'à la récolte, et simultanément à l'inactivité prolongée du vigneron avant le travail fiévreux de la moisson.  Dieu est le vigneron qui sera actif au moment de la récolte, mais qui semble ne pas agir tout au long du ministère de Jésus.  Il laisse Jésus isolé, sans succès, rejeté de plus en plus par les siens.  Les Juifs mettent Jésus au défi, s'il revendique la messianité, de fournir les signes qui annonceront le royaume.  Sa réponse fut qu'il n'y a pas de signes spectaculaires.  Dieu permet à la graine de croître lentement, mais il n'y a rien à perdre à attendre : il y a une continuité absolue entre les douleurs de la croissance du royaume de Dieu et sa manifestation en plénitude.

La parabole du grain de moutarde encourage donc la confiance en Dieu en soulignant le contraste entre les humbles débuts du Royaume et les dimensions de son avenir eschatologique. Jésus a certainement voulu, par cette parabole, apporter une réponse aux personnes qui opposaient la faiblesse de ses moyens à la gloire du Royaume attendu.

À travers ces paraboles, Jésus nous appelle une fois de plus à la patience : patience envers nous-mêmes, envers nos frères, envers la croissance de son royaume et envers notre propre croissance.  Et il nous rappelle que les accidents et les échecs, les blessures et les guérisons sont des éléments normaux de ce processus, et lui donnent sa beauté.  Ils font partie de notre beauté créée, de notre beauté en tant que créature.  Ceci, pour nous, est très difficile à accepter. Accepter que nous ne sommes pas parfaits, que rien autour de nous n'est parfait : que notre vie entière doit être un long pèlerinage de notre fragilité à une situation de croissance parfaite qui est réservée au temps de la récolte.

L'harmonie parfaite n'est pas une dimension de la création, et donc pas une dimension de l'existence humaine, pas même de l'existence humaine rachetée.  La description grandiose du livre de la Genèse ne nous montre pas un monde sortant des mains de Dieu parfaitement centré, en parfaite harmonie : Au contraire, il semble qu'à la parole de Dieu, chacun des éléments : l'eau, la terre, le soleil et la lune, les animaux et les êtres humains ont éclaté. Et alors a commencé le long processus vers l'harmonie totale, la perfection atteinte, un processus qui mène à la félicité eschatologique, mais qui passe par des grincements et des accidents, des échecs et une attente silencieuse. C'est précisément en cela que réside la beauté de notre monde créé.

Dans l'Évangile de ce jour, Jésus fonde notre espérance sur l'assurance du jour de la moisson, mais il nous invite aussi à supporter avec patience la période d'attente.  Dans cette Eucharistie, demandons-lui et remercions-le pour ces deux choses : l'espérance et la patience.

Armand Veilleux