19 juin 2021 – samedi de la 11ème semaine ordinaire

2Co 12, 1-10 ; Matthieu 6, 24-34

Homélie

        Jésus nous compare aux oiseaux du ciel et aux fleurs des champs.  Nous avons certainement beaucoup en commun avec eux.  Nous appartenons au même monde biologique ou animal.  Mais il y a quelque chose que les oiseaux et les fleurs n’ont pas et que nous avons : c’est notre capacité d’exprimer nos besoins en paroles.  Lorsqu’un besoin est exprimé en paroles, ce n’est plus simplement un besoin. C’est devenu un désir, une demande, une requête – quelque chose qui établit une présence, une relation et, finalement de l’amour.  Lorsque, en tant qu’être humain, j’exprime à quelqu’un un désir, je ne demande pas simplement quelque chose ; je demande quelque chose à quelqu’un. Je demande à quelqu’un de répondre à mon besoin.  Je lui demande de m’aimer suffisamment pour me montrer son affection en satisfaisant mon besoin.

 

        Jésus compare aussi Dieu à un Père qui sait tout ce dont nous avons besoin.  Nous ne devons donc avoir aucun souci de la façon dont nos besoins seront satisfaits.  L’essence du message de Jésus dans ce texte est que nous ne devons pas être préoccupés, ni nous faire de soucis.  Évidemment, Jésus n’est pas opposé à ce que nous exprimions nos besoins à notre Père.  Au contraire, il nous invite expressément à le faire.  Mais il répète sans cesse : « Ne vous faites pas de soucis. » 

       

        Une fois de plus, Jésus parle ici du détachement, qui doit être la caractéristique de tout Chrétien.  Ses paroles rappellent celles des béatitudes, et spécialement celles du bonheur promis au pauvre.  Quelqu’un doit être vraiment libre pour entrer dans le royaume ; c’est pourquoi, d’ailleurs, il est plus facile, dit-il, pour un chameau de passer par le trou d’une aiguille que pour un riche d’entrer dans le royaume.

        Nous ne pouvons pas chercher le royaume – nous ne pouvons pas vivre dans une union constante et consciente avec Dieu, si nous sommes trop préoccupés par nos besoins – et pas simplement nos besoins matériels.  Une souffrance intense ou la faim ne peuvent être cachées, évidemment. Mais nous pouvons porter des blessures morales ou psychiques qui peuvent empoisonner notre vie – et celle des autres – durant des années, avant que nous en soyons conscients. Si nous ne les reconnaissons pas pour ce qu’elles sont, elles peuvent limiter sérieusement notre capacité de relation avec nos frères et nos soeurs, et aussi avec Dieu.  Exprimer ces besoins à Dieu est la meilleure façon d’être réconciliés avec eux.

        Et c’est parce que la relation entre la personne qui a un besoin et celle à qui elle exprime le désir qu’elle y réponde est une relation d’amour, Jésus nous explique qu’il y a un total antagonisme entre Dieu, qu’il appelle Abba et l’argent à qui il donne le nom de Mammon. L’amour est jaloux, et l’on ne peut maintenir ces deux amants ou servir ces deux maîtres.

        Le prophète Ézéchiel exprime aussi cela d’une façon vivide lorsqu’il reproche au peuple d’Israël de chercher sa sécurité dans des alliances humaines plutôt qu’en Dieu.  « Mon peuple a commis deux péchés, dit e Seigneur.  Ils m’ont abandonné, moi la fontaine d’eaux vives, et ils se sont creusé des citernes – des citernes crevassées qui ne retiennent pas l’eau ».

        Si nous parcourons le jardin de notre coeur et de notre vie, nous découvrirons probablement un bon nombre de ces citernes crevassées que nous avons creusées au long des années pour nous protéger contre tout besoin éventuel.  Si nous laissons ces citernes se dessécher complètement, nous serons alors riches de la tendresse de Dieu qui ne nous fera jamais défaut. 

        Pour le moment, approchons-nous avec un coeur de pauvre, de la table où il nous offre le Pain de la Vie Éternelle.

Armand VEILLEUX