5 août 2021- Jeudi de la 18ème semaine du Temps Ordinaire
Nombres 20:1-13; Matthieu 16:13-23
H O M É L I E
Il y a plusieurs points communs entre les deux lectures que nous venons d'entendre. Toutes les deux révèlent la propension humaine à vouloir la libération et le salut mais sans en payer le prix. Les Hébreux avaient été en servitude durant quelques siècles en Égypte, et ils en avaient fui d'une façon merveilleuse et miraculeuse, sous la conduite de Moïse et d'Aaron. Sous leur direction, ils n'avaient pas hésité à prendre la route du désert. Mais dès que les difficultés de la vie au désert se manifestent, dès que l'eau et la nourriture commencent à manquer ils ont la nostalgie de leur vie de servitude et se révoltent contre Moïse et Aaron. "Pourquoi nous avoir fait monter d’Égypte pour nous conduire en ce sinistre lieu?"
De même, dans l'Évangile, Pierre qui vient d'assister à l'enseignement de Jésus et à plusieurs guérisons opérées par celui-ci, proclame facilement en réponse à la question de Jésus sur son identité : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant." Mais dès que Jésus veut annoncer sa passion et sa mort, Pierre ne veut rien entendre: "Dieu t’en préserve, Seigneur! Non, cela ne t’arrivera point!" Pierre pense sans doute tout autant à sa propre sécurité qu'à celle de Jésus. Il est agréable de suivre un Messie thaumaturge. Il l'est moins de suivre un prophète mis à mort.
Dans l’Évangile que nous venons d’entendre, Jésus demande à ses disciples : «Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ». Au-delà de la distance dans le temps et l’espace, c’est à nous aussi, aujourd’hui, que Jésus pose cette question : « Pour vous, qui suis-je ? ».
La question « Qui est Jésus ? » est sans doute demeurée longtemps pour chacun de nous une question plutôt théorique… jusqu’au jour où, pour des raisons particulières à chacun de nous, nous avons été acculés à nous interroger sur le sens ultime de notre propre existence humaine.
Le Verbe de Dieu s'est fait l'un d'entre nous. Il mourut, mais le Père le ressuscita d’entre les morts. Cet homme en qui réside la plénitude de la divinité transcende désormais, dans son humanité comme dans sa divinité, l’espace et le temps. Il est présent à tous les temps, en tous lieux, en chacun de nous, et il nous révèle toutes les possibilités ultimes de notre existence humaine.
C’est pourquoi la réponse à la question « Qui est Jésus ? » devient la réponse à l’autre question : « Qu’est-ce qu’un être humain ? », ou plus directement : « Qui suis-je ? » ou « À quoi suis-je destiné dans les plans de Dieu ? ».
En révélant qui il est, Jésus révèle qui nous sommes, ou plutôt ce à quoi nous sommes appelés. La foi en nous-mêmes – la foi au prix que nous avons aux yeux de Dieu, quels que soient nos péchés -- est inséparable de notre foi en Jésus. Cette foi en nous-mêmes est évidemment tout autre chose qu’une simple « confiance en soi-même » qui naît souvent d’un manque de connaissance de soi-même.
Finalement, il ne faut pas oublier que Jésus se révèle plus pleinement à ses disciples dans l’Évangile, lorsqu’il leur annonce sa passion et sa mort. Il nous révèle ainsi les exigences de l’aventure humaine. Exigence de détachement, de mort progressive à tout ce qui nous tient attachés à ce qui est limité; exigence de suppression de toutes les barrières qui nous tiennent prisonniers, ne fût-ce que d’une façon de penser ou même d’une certaine image de Dieu.
Armand VEILLEUX