2 novembre 2021 – Commémoration de tous les Fidèles défunts
Sg 3, 1-6.9; 1 Co 15, 51-57; Mt 25,31-46
Homélie
Notre évangile est tiré du chapitre 25 de Matthieu. C’est le chapitre qui précède immédiatement la mise en marche du processus tragique qui conduira Jésus à sa mort. Dans la première partie de ce chapitre, Jésus s’était adressé à ses disciples, leur rappelant leurs responsabilités et les invitant à la vigilance, par exemple dans la parabole des dix vierges qui attendent l’arrivée de l’époux et, dans la parabole des talents.
Dans le passage de ce même chapitre que nous lisons aujourd’hui, Jésus parle de la façon dont, à la fin des temps, il confrontera en jugement, non pas ses fidèles – non pas ceux qui l’ont connu et ont entendu son message -- mais bien les nations païennes. Le récit commence ainsi : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire... il siégera su son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui. » Pour n’importe quel Juif qui écoutait Jésus, -- et aussi pour n’importe quel Juif pour qui écrit Matthieu -- l’expression « toutes les nations » ne pouvait signifier qu’une seule chose : l’ensemble des nations païennes, tout le monde non juif, tous ceux qui n’ont pas entendu parler de Jésus et n’ont pas été atteints par son message.
Eh bien, Jésus distingue donc deux groupes parmi les païens qui ne l’ont pas connu ici-bas et qui n’ont pas eu l’occasion de connaître sa Révélation dans la Bible. Parmi eux, les uns hériteront le royaume des cieux et les autres iront au châtiment éternel. Et la chose impressionnante est que la différence entre les deux groupes ne sera pas fondée sur leur attitude à l’égard de Dieu, mais sur leur attitude à l’égard du prochain. On ne leur demandera pas s’ils ont appartenu à une religion ou s’ils ont suivi un maître spirituel. On leur demandera ce qu’ils ont fait à l’égard de leurs frères et de leurs sœurs. Aux uns Jésus dira (et n’oublions pas qu’il parle à des païens !) : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. J’avais faim et vous m’avez donné à manger… j’étais un étranger et vous m’avez accueilli… »
Et sans doute encore plus surpris seront ceux à qui il dira : « J'avais faim, et vous ne m'avez pas donné à manger, au contraire, vous m’avez enlevé mon lopin de terre pour en extraire du pétrole; j'avais soif, et vous ne m'avez pas donné à boire, au contraire vous avez asséché ma source pour irriguer des plantations industrielles; j'étais un étranger, et vous ne m'avez pas accueilli, au contraire vous m’avez refusé un permis de séjour et vous m’avez reconduit à la frontière, comme vous dites poliment; j'étais nu et vous ne m'avez pas habillé; j'étais malade et en prison, et non seulement vous ne m'avez pas visité, mais vous m’avez tenu en isolement complet. » Et devant leur surprise (« quand est-ce que nous t'avons vu avoir faim et soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service? ») il leur répondra: « Amen, je vous le dis, chaque fois que vous ne l'avez pas fait à l'un de ces petits, à moi non plus vous ne l'avez pas fait. »
Les situations que Jésus énumère sont des situations bien connues, dont sont remplis nos journaux et nos bulletins de nouvelles. Et ne nous sécurisons pas trop du fait que nous sommes des disciples de Jésus et non des païens ; car si nous nous conduisons comme ceux que Jésus appelle les « chèvres » par oppositions, aux « brebis », si nous ignorons les besoins des affamés, des étrangers, des prisonniers, des malades, etc., nous serons doublement coupables puisque nous aurons lu durant toute notre vie l’Évangile où Jésus s’identifie sans cesse à ces « petits ».
L’Évangile utilise plusieurs titres pour désigner Jésus. Dans ce récit évangélique, le titre utilisé par Jésus pour parler de lui-même est celui de Fils de l’Homme. Et cela est plein de sens, car les « Nations », qui n’ont pas eu la Révélation des autres titres du Messie, rencontreront au jour du Jugement le Fils de l’Homme tout court, l’être humain dans la plénitude de sa réalisation et de sa dignité. Et elles seront jugées sur la façon dont, durant toute leur vie elles auront traité l’être humain. Ainsi en sera-t-il de nous. À la fin, nous serons jugés sur l’amour.
Demandons-nous, en cette fin de l’année liturgique, quelle est, dans notre vie de tous les jours, notre attitude à l’égard de nos sœurs et de nos frères humains. Avons-nous une attitude de « service » -- car c’est cela que les chèvres de cet Évangile reconnaissent ne pas avoir fait : « Quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim, etc. sans nous mettre à ton service ? ».
Sommes-nous des brebis ou des chèvres ?
Armand VEILLEUX