24 mars 2022 – jeudi de la 3e sem. de Carême
Homélie
Le Prologue de la Règle de saint Benoît reprend plusieurs des enseignements et même des expressions que nous trouvons déjà dans le beau texte de Jérémie que nous avons écouté comme première lecture. « Écoutez ma voix (dit le Seigneur, par la bouche de Jérémie), -- Écoutez ma voix : je serai votre Dieu, et vous serez mon peuple ». Il suffit donc de se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu pour appartenir à son Peuple. Le dialogue avec Dieu dans la prière n’est jamais une chose purement individuelle. Ce dialogue nous met en communion avec tous les autres « auditeurs de la parole ». C’est ce dialogue même qui nous constitue « Peuple » ou « Église ». Cette parole de l’Écriture fut l’intuition fondamentale du grand théologien allemand, Karl Rahner, qui, dans l’une de ses premières œuvres, qui était d’ailleurs une œuvre de philosophie, publiée dès 1941, au début de la Guerre, décrivait l’être humain comme étant essentiellement, de par sa nature même, un « auditeur du Verbe » (Hörer des Wortes), puisque c’est par la Parole même de Dieu que nous sommes créés.
Lorsque Dieu parle à l’homme c’est pour l’appeler à se mettre en route. Le texte de Jérémie que nous avons entendu continue : « …vous suivrez tous les chemins que je vous prescrits, afin que vous soyez heureux ».
Si nous revenons au Prologue de la Règle de saint Benoît, que je mentionnais au début, il commence ainsi « Écoute, ô mon fils, les préceptes du Maître – le Maître, c’est le Christ – et incline l’oreille de ton cœur, afin de retourner par la voie de l’obéissance à celui dont tu t’es détourné par la voie de la désobéissance ». Il s’agit donc là aussi de se mettre en route.
Un peu plus loin, dans le Prologue, Benoît fait une mise en scène. Il nous montre Dieu criant, au carrefour des routes : « Quel est celui qui désire la vie et veut des jours heureux ? » Et si tu réponds « Oui, c’est moi », continue Benoît, c’est pour toi que je vais écrire ma Règle. Donc, selon saint Benoît, le but de la vie monastique est d’avoir la Vie et d’être heureux. Et pour cela il faut suivre le chemin de la conversion. Et c’est pour cela que Benoît dit que toute la vie du moine est un carême, parce qu’elle doit être tout entière un chemin de conversion, c’est-à-dire du retour à Dieu par la voie de l’Obéissance, c’est-à-dire par celle de l’Écoute.
Car, comme le rappelle la fin du texte de Jérémie, si nous n’écoutons pas, la vérité aura disparu de notre bouche – non seulement nous ne pourrons pas dire la vérité, mais nous ne pourrons même pas vivre dans la vérité.
Nous avons là tout un programme de Carême.
Armand Veilleux