1 juillet 2022 : Vendredi de la 13ème semaine (année paire)
Amos 8, 4-6. 9-12; Matthieu 9, 9-13
Homélie
Dans sa réponse aux Pharisiens qui se scandalisent de ce qu’il mange avec des publicains et des pécheurs, Jésus cite explicitement et littéralement une parole que le prophète Osée avait mise dans la bouche de Dieu : « C’est l’amour que je veux et non les sacrifices, la connaissance de Dieu, plutôt que les holocaustes. » (Osée 6,6). Ce qui nous vaut d’avoir comme première lecture non pas le texte d’Osée où se trouve cette parole, mais un texte tout semblable du prophète Amos, où Dieu manifeste que tous les sacrifices qu’on peut lui offrir ne l’intéressent aucunement, si l’on ne manifeste pas de l’attention et de l’amour pour ses enfants.
Réduire l’Alliance avec Dieu à un contrat bilatéral au caractère moralisant avait été l’une des tentations les plus fortes du peuple d’Israël. La relation avec Dieu était facilement réduite à une série de gestes rituels par lesquels on achetait la bonne grâce de Dieu, et la religion n’avait guère à faire avec la pratique de la justice et encore moins avec l’amour et la miséricorde. Malgré que les prophètes et en particulier Osée et Amos s’étaient élevés contre cette attitude, c’était exactement celle des Pharisiens qui regardaient Jésus manger avec Matthieu et avec les autres publicains.
La communauté chrétienne a toujours été sujette à la même tentation. Peut-être est-ce une tentation particulière de ceux qui se veulent et se disent « religieux ». Nous considérons facilement qu’une fois que nous avons été fidèles à toutes les cérémonies et les observances qui nous sont prescrites par la loi de l’Église ou nos Règles propres, nous avons acquis un certain droit au salut. Une fois de plus Jésus vient nous rappeler que toutes ces pratiques n’ont d’autre but que d’exprimer notre amour de Dieu – un amour qui ne peut exister s’il n’est incarné dans l’amour du prochain ; et que si cet amour n’existe pas, toutes nos observances et nos rites sont vains et vides de sens. Le Seigneur n’en veut pas.
La découverte de l’amour gratuit de Dieu est toujours l’appel à une conversion. La description de l’appel et de la conversion de Matthieu, dans le bref récit que nous venons de lire, est d’une simplicité grandiose. Matthieu est assis. C’est, en effet, un homme bien installé. Il a un métier qui lui apporte richesse, bien-être matériel et pouvoir, même si cela le fait considérer comme un pécheur par les Pharisiens. Jésus ne lui fait pas un grand discours, ni de longues démonstrations. Il lui dit simplement, en passant : « Suis-moi ». Et la chose extraordinaire, est que cet homme « assis » et bien installé « se lève » et le suit, certainement sans savoir ni où il va, ni où cela le mènera.
Un peu après, « comme Jésus était à table à la maison », beaucoup de publicains et de pécheurs viennent prendre place à table avec lui et ses disciples Dans l’Évangile de Matthieu, (p.e. 9,28 ; 13, 1.36 ; 17,25) cette expression « à la maison » signifie en général la maison de Jésus et de ses disciples. (Dans un récit parallèle de Luc, où le publicain s’appelle Lévi, c’est celui-ci qui donne un festin ; mais il n’est pas certain que ce Lévi et Matthieu soient la même personne). De plus, il n’est nullement dit ni même impliqué que tous ces publicains et ces pécheurs se soient convertis, comme Matthieu, et soient devenus disciples de Jésus. Non ; ils sont simplement là, et Jésus n’a aucun problème de partager un repas avec eux. Jésus manifeste ainsi, qu’il fait tomber toutes les barrières que les hommes ont établies entre eux. Et pour bien souligner le fait que toutes ces barrières sont le fait des hommes et non de Dieu, il renvoie les Pharisiens à l’école : « Allez apprendre ce que veut dire cette parole (d’Osée) ‘C’est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices’ ».
Nous avons toujours besoin de réentendre cette leçon de Jésus, aussi bien individuellement que collectivement. Car nous avons toujours la tentation d’établir un cordon de sécurité autour de nous pour nous séparer de tous ceux que nous considérons inférieurs ou « moins bons », à cause de leurs idées, de leur religion, de leur culture ou simplement de leur profession.
Prenons soin de ne pas nous dissocier de ceux que Jésus est venu appeler.
Armand Veilleux