9 novembre 2022 – Dédicace de la basilique du Lateran
Ez 47, 1-2.8-9.12 ; 1 Co 3, 9-11.16-17 ; Jn 2, 13-22
Homélie
En chaque communauté, où il y a une église consacrée, on célèbre chaque année la « dédicace » de cette église, c’est-à-dire l’anniversaire du jour où l’édifice a été consacré au culte de Dieu, et donc le jour où la communauté a commencé de s’y réunir plusieurs fois par jour pour y célébrer les Offices divins, et où les moniales ou les moines ont commencé d’y venir privément, à toute heure, pour y rencontrer Dieu dans une prière intime. Nous célébrons également chaque année la dédicace de l’Église du diocèse où se trouve notre monastère. Eh bien, aujourd’hui c’est la dédicace de la cathédrale de l’Église de Rome que nous célébrons.
La basilique Saint-Pierre est évidemment plus connue que celle du Latran. C’est là que vont en premier lieu tous les pèlerins et les touristes qui viennent à Rome. C’est là également qu’ont lieu la plupart des grandes célébrations liturgiques pontificales. Cependant, la cathédrale du Pape, en tant qu’évêque de Rome, c’est la basilique du Latran, et non pas celle de Saint-Pierre. Or, le pape est en tout premier lieu l’évêque du diocèse de Rome et c’est précisément en tant qu’évêque de Rome et donc de successeur de Pierre qu’il a la mission de confirmer ses frères dans la foi et de veiller à la communion entre toutes les Églises locales. C’est pourquoi nous exprimons aujourd’hui notre communion avec l’Église de Rome et toutes les Églises locales de la chrétienté en commémorant cette dédicace.
La cathédrale du Latran fut érigée en 320 par Constantin peu après sa conversion et la fin de l’ère des persécutions. Elle fut construite sur le plan des « basiliques », c’est-à-dire des maisons du peuple dans l’Empire romain. Toutes les grandes basiliques romaines ont conservé jusqu’à nos jours ce caractère d’un grand espace intérieur où le peuple se réunit pour célébrer le mystère chrétien, mais aussi et tout d’abord pour célébrer le mystère de sa communion dans le Christ.
Dans l’Évangile des marchands chassés du Temple, Jésus révèle déjà que le culte de la nouvelle Alliance est très différent de celui de l’ancienne Alliance. Le Temple de l’ancienne Alliance, qui était la « maison de Dieu » -- « maison de mon Père », dit Jésus -- n’est pas remplacé ni par un temple matériel nouveau, ni par plusieurs, mais par l’humanité du Christ. « Le temple dont il parlait – dit saint Jean – c’était son corps ». Depuis la mort de Jésus et sa résurrection, Il habite en chacun de ceux qui ont reçu son Esprit et qui sont donc devenus, chacun, le Temple de Dieu. « N’oubliez pas, nous dit saint Paul, que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous... Le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous ».
La vision d’Ézéchiel, à qui l’on fait voir l’eau qui coule du côté droit du Temple et qui apporte vie et fécondité ainsi que nourriture et guérison à tout ce qu’elle touche a toujours été appliquée au Christ dans la tradition chrétienne. C’est Lui qui est la source de notre communion et de notre unité.
Depuis plusieurs siècles le pape ne vit plus au Latran mais au Vatican. Dans l’exercice de son ministère de communion il doit se faire aider par plusieurs collaborateurs qui, avec le temps, son devenus une lourde machine administrative qu’on appelle la Curie romaine. Il peut arriver que certains d’entre nous ne soient pas toujours d’accord avec certaines positions prises par des organismes romains. Il peut même arriver qu’on voit en certaines décisions de ces « dicastères » des obstacles à la communion plutôt que des aides à la communion. Mais ce sont là des accidents de parcours de l’histoire. Ce qui est important, c’est qu’à travers l’Évêque de Rome nous sommes en communion avec toutes les autres communautés ecclésiales du monde et que nous formons tous un seul Temple, un seul Corps du Christ abreuvé du même fleuve de sang et d’eau provenant du côté droit du Christ ouvert par la lance du soldat sur la Croix. C’est ce mystère de communion que nous célébrons aujourd’hui en fêtant la dédicace de la cathédrale de l’évêque de Rome.
Armand VEILLEUX