13 novembre 2022 – 33ème dimanche « C »
Ml 3,19-20a; 2 Th 3,7-12; Luc 21,5-19
H O M É L I E
Il y a près de deux mille ans que furent écrites les paroles que nous venons d’entendre, et bien des fois au cours de ces deux mille ans, des événements tragiques ont paru annoncer la fin du monde. Il y eut d’abord la prise de Jérusalem et la destruction du Temple, qui semblent bien être ce qu’annonce en premier lieu notre Évangile. Puis, en Occident, il y eut les vagues successives d’invasions « barbares », qui marquaient la fin d’une société, puis la peste noire qui fit mourir les deux-tiers de la population de l’Europe ; et, plus près de nous, les deux Guerres Mondiales, et depuis lors le danger constant d’un cataclysme nucléaire.
Sur la scène internationale, les événements semblent donner une actualité nouvelle aux paroles prophétiques de Jésus : La date du 11 septembre 2001, après plus de 20 ans, continue de marquer les imaginations par l’horreur de tant de victimes innocentes mortes au même moment. Des esprits échauffés (ou froidement calculateurs) entretiennent de part et d’autres le spectre d’une guerre entre civilisations et entre cultures. La bande de Gaza est toujours l’objet de violence destructrice, et l’Ukraine subit le même sort depuis déjà quelques années. Ailleurs, à des nations entières on continue de nier le droit d’exister ; d’autres nations continuent d’être soumises à des sanctions qui privent des générations entières de tout espoir d’avenir ; des génocides larvés continuent d’être perpétrés sur plusieurs continents. Les actes terroristes se multiplient un peu partout.
La nature elle-même semble s’en mêler. Les séismes naturels se multiplient, toujours plus violents et dévastateurs, dus au changement climatique provoqué par l’activité prédatrice de l’homme sur la planète terre.
Quelle attitude doit avoir le croyant devant toutes ces situations ? Il y a tout d’abord la recommandation de ne pas craindre, qui revient sans cesse dans l’Évangile. Et, dans l’Évangile d’aujourd’hui, il y a l’appel à la persévérance : « C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie ».
Un texte du rabbin Abraham Jeshua Heschel pourrait servir de commentaire à notre texte évangélique. Ce texte a été écrit en Allemagne, vers la fin des années ’30, quand presque tout le monde, y compris de grands philosophes, des théologiens et des évêques se laissaient séduire par la mystique Nazi et suivaient Hitler – un peu comme on se laisse facilement séduire de nos jours par des « guerres sacrés » s’affrontant l’une l’autre. Abraham Jeshua Heschel fut l’un de ceux qui, avec Dietrich Bonhoeffer, comprirent très tôt ce qui se passait. Dans une conférence donnée en 1938 à un groupe de Quakers en Allemagne il disait :
« Il n’y a jamais eu autant de culpabilité, de détresse, d’angoisse et de terreur. À aucun moment la terre n’a été si baignée de sang. Des concitoyens sont devenus des esprits mauvais, monstrueux et bizarres. Honteux et désemparés nous nous demandons : ‘Qui est responsable’ ? » Et une partie de sa réponse était : « Nous n’avons pas lutté pour la justice et pour le bien ; comme résultat, nous devons lutter contre l’injustice et le mal. Nous n’avons pas sacrifié sur l’autel de la paix et nous devons donc offrir des sacrifices sur l’autel de la guerre ». Et il ajoutait : « L’histoire est une pyramide d’efforts et d’erreurs ; et à certains moments, c’est la Montagne Sainte sur laquelle Dieu juge les nations. Peu ont le privilège de discerner le jugement de Dieu sur l’histoire. Mais si un homme a rencontré le mal, il doit savoir que cela lui a été montré pour qu’il puisse découvrir sa propre culpabilité et se repentir ; car ce qui lui a été montré est aussi en lui »
Nous avons là un appel à la conversion personnelle. C’est aussi l’appel de l’Évangile d’aujourd’hui. Le but de la prophétie de Jésus n’était pas de faire peur aux gens, mais au contraire de les inviter plus sérieusement à une conversion du cœur.
Peu sont appelés à travailler directement à la solution des problèmes internationaux que j’ai mentionnés au début. Mais nous sommes tous reliés les uns aux autres et interdépendants. Chaque fois que j’entretiens dans mon cœur ou dans ma vie quelque ressentiment, quelque sentiment négatif ou même de la haine envers les personnes avec qui je vis ou que je rencontre, je contribue à augmenter la somme de mal dans le monde. Et chaque fois que j’introduis dans ma vie de l’amour, de la compréhension, de la compassion, envers mes frères et envers toutes les personnes que je rencontre, je contribue à hâter la victoire totale du Christ sur toutes les forces du mal.
Armand Veilleux