13 janvier 2023 – vendredi de la 1ère semaine ordinaire (années impaires)
H O M É L I E
Quand Jésus se trouve en Galilée, cette région qu'Isaïe appelait déjà la "Galilée des Nations" (Is. 7,23-9,1, cité en Matt 4,15), il est aux frontières de la terre d'Israël et souvent confronté avec ceux que les Juifs appellent les "gentils" ou les "païens". Le texte de Marc que nous venons de lire décrit dans un langage symbolique cette rencontre et toutes les tensions que celle-ci engendre.
Après la guérison du lépreux (Évangile d’hier) Jésus parcourait les lieux déserts où l'on venait à lui de toute part. Quelques jours plus tard il revient à Capharnaüm et l'on apprend qu'il est "à la maison" (en oikô) -- non pas "dans la maison (è oikia) de Simon Pierre (où il avait auparavant guéri la belle-mère de celui-ci), ni dans sa propre maison (car il était de Nazareth) mais tout simplement "à la maison". La maison dont il est question ici est la maison d'Israël.
Cette maison est si fortement refermée sur elle-même, que non seulement il n'y a plus de place pour personne d'autre à l'intérieur, mais il n'y a plus de place non plus devant la porte. Arrive alors ce paralytique, qui représente le monde païen, paralysé par son péché, c'est-à-dire sa non-connaissance du vrai Dieu. Il est porté par quatre hommes représentant symboliquement les quatre coins cardinaux, et donc l'ensemble des Nations. La porte de la maison d'Israël qui veut garder Jésus pour elle-même leur est fermée. Qu'à cela ne tienne, ils enlèvent des tuiles de la toiture et descendent le paralytique avec son brancard devant Jésus. Celui-ci, touché par "leur foi" dit au paralytique que ses péchés lui sont pardonnés.
Commence alors une longue confrontation entre Jésus et les Scribes, que nous retrouverons tout au long de l'Évangile de Marc, jusqu'à la Croix. "Quelques scribes étaient assis là et raisonnaient en leur cœur" (le mot assis était disparu dans l’ancienne traduction du lectionnaire liturgique, mais il est très important). Ils représentent la partie assise, installée, de la maison d'Israël, fermée au Prophète qui se manifeste en son sein, tout comme elle est fermée à tout ce qui est extérieur au peuple d'Israël.
Une fois que, malgré tous les obstacles -- ceux de ses propres péchés aussi bien que ceux établis par la maison d'Israël elle-même -- la rencontre est établie entre Jésus et le paralytique, Jésus le guérit. Il ne l'invite pas cependant à rentrer ou à demeurer dans la maison d’Israël ; il le renvoie chez lui : "prends ton brancard et rentre chez toi".
Il y a là un message puissant et dérangeant pour l'Église dans son ensemble et pour chacune de nos communautés ecclésiales. Nous sommes peut-être souvent si refermés sur nous-mêmes et sur ce qui se vit dans nos murs que nous oublions qu'il y a une foule à l'extérieur et qu'elle ne peut entrer parce que nous ne laissons pas de place libre devant la porte. Sachons alors reconnaître l'action de Dieu lorsque certains trouvent le moyen d'entrer par la fenêtre ou par le toit. Et sachons surtout reconnaître le mystère de leur relation à Dieu, même lorsque Celui-ci les renvoie dans "leur demeure", où ils sont appelés à témoigner de la grâce reçue. Même lorsqu'ils ne deviennent pas habitants de "notre maison", sachons, comme les gens de Capharnaüm, être stupéfaits et rendre gloire à Dieu en disant : "Nous n'avons jamais rien vu de pareil."
Armand VEILLEUX