26 janvier 2024 – Solennité des Saints Fondateurs de Cîteaux
Si 44, 1.10-15; Heb 11, 1-2. 8-13a; Marc 10, 24b-30
 

Homélie

          Les communautés qui appartiennent à l’Ordre cistercien fêtent aujourd’hui la solennité des trois Fondateurs de Cîteaux – et donc de l’Ordre cistercien.    

          Le texte du Livre de Ben Sirac le Sage, que nous avons entendu comme première lecture de cette célébration eucharistique nous invitait à faire mémoire de ces personnages glorieux que sont nos ancêtres. Robert, Albéric, Étienne et leurs compagnons, qui furent les fondateurs de Cîteaux, sont nos ancêtres dans la vie monastique. C’est à travers eux qu’a été transmise aux générations suivantes et qu’est parvenue jusqu’à nous la vision particulière de la vie monastique qui a trouvé son expression dans le Cîteaux primitif.

          On attribue généralement l’expansion rapide et assez phénoménale de Cîteaux durant les premières décennies de son existence au charisme de saint Bernard et au grand nombre de vocations. Il y a évidemment beaucoup de vrai dans cette affirmation ; mais on peut aussi considérer que la réussite de toutes les premières fondations de Cîteaux et celle de Clairvaux en particulier, est un tribut à la qualité de formation que toutes ces jeunes recrues ont reçue à Cîteaux, lorsqu’ils y sont entrés. Le jeune chevalier Bernard, inquiet et un peu fantasque, ne serait jamais devenu saint Bernard s’il n’avait eu de tels maîtres.

          Lorsque Bernard et ses jeunes compagnons sont entrés à Cîteaux, ils n’ont certainement pas trouvé un programme de formation bien structuré avec une série de cours et une liste de professeurs. On ne leur a pas donné une liste de livres à lire et des examens à préparer ou des mémoires à rédiger. Ils ont trouvé une communauté. Cette communauté était petite, même très petite selon les standards de l’époque. La plupart des moines étaient âgés ; Robert avait plus de 70 ans ; Étienne et Albéric pas beaucoup moins. Ils n’ont pas trouvé un programme de formation, mais quelques moines formés par la Parole de Dieu et une longue expérience de la vie monastique, et capables de transmettre les valeurs qui les faisaient vivre.

          Le dialogue de Jésus avec ses disciples, que nous venons d’entendre dans la lecture de l’Évangile, suit celui qu'il venait d'avoir avec le jeune homme riche qui lui avait demandé ce qu'il fallait faire pour avoir la vie éternelle. Jésus avait rappelé à ce jeune homme les principaux commandements de la Loi et ce dernier avait répondu qu'il les avait pratiqués depuis sa jeunesse. Jésus l'avait alors regardé avec tendresse: "Jésus le regarda et s'éprit à l'aimer", écrit Marc. Il l'avait alors appelé au détachement radical de ses richesses et le jeune homme était parti tout triste. Le regard de Jésus – qui s'était d'abord posé sur le jeune homme riche – se pose alors sur tous ceux qui l'entourent et il fait cette remarque: "Comme il sera difficile à ceux qui ont des richesses d'entrer dans le royaume de Dieu!". C'est alors qu'aux disciples déconcertés Jésus répète, cette fois d'une façon plus absolue : "Comme il est difficile d'entrer dans le royaume de Dieu", et il utilise cette image fort suggestive du chameau devant passer par le trou d'une aiguille.

          Jésus pose alors son regard sur ses disciples [c'est la troisième fois que son "regard" est mentionné depuis le début du récit] et il leur révèle le message central de ce récit: "Pour les hommes, c'est impossible, mais non pour Dieu : car tout est possible à Dieu". Il est très important de remarquer que c'est précisément dans ce contexte que chacun des trois Évangiles synoptiques place la promesse du centuple, faite par Jésus à ceux qui ont tout quitté pour le suivre. Le message est que tout est grâce; tout est œuvre de Dieu. Une vie de détachement et de pauvreté radicale, si généreuse et authentique soit-elle, ne peut mériter la vie éternelle. Tout est grâce. Si nous avons répondu à l'appel de Dieu et sommes venus au monastère, et si nous sommes fidèles à nos engagements monastiques, il n'y a qu'une explication; c’est que "tout est possible à Dieu".

          Et chaque fois que nous connaissons des moments difficiles, aussi bien dans notre cheminement communautaire que dans notre vocation personnelle, rappelons-nous cette vérité : « tout est possible à Dieu ».

Armand Veilleux