1 février 2024 – jeudi de la 4ème semaine du Temps Ordinaire

1 R 2, 1-4.10-12; Marc 6, 7-13 

H O M É L I E

            La première tentative de Jésus d’enseigner dans son propre village, au début de sa vie publique, se termina par un échec. À partir de ce moment-là Il ira porter son message sur les routes et les bourgs de Galilée puis de Judée. Dès lors Jésus se démarque très clairement du culte officiel et des autorités religieuses du peuple juif, pour adopter un style de vie et de prédication dans la ligne des prophètes de l'Ancien Testament et donc dans la ligne de Jean le Baptiste, dont il a assumé la tradition ascétique en se faisant baptiser par lui. C'est le même style de vie qu'il recommande à ses disciples lorsqu'il les envoie eux aussi dans les bourgs et les villages de la région.

            Lorsque nous lisons ce texte dans le contexte d'une assemblée monastique, il prend un sens tout à fait spécial. À l'époque du Christ existait à travers le Moyen Orient une tradition ascétique bien vivante, qui s'exprimait, entre autre, dans la pratique baptismale adoptée par Jean, et que Jésus assume. Cette tradition s'exprimait aussi dans la pratique des moines itinérants qui existait depuis déjà plusieurs siècles en Inde et ailleurs en Orient et dans le Moyen Orient. Le style de vie de ces moines itinérants correspondait à celui que Jésus prescrit à ses disciples : dépouillement absolu, comptant sur la solidarité universelle, sans besace pour accumuler quoi que ce soit, partage de la bonne parole, etc. Pas surprenant dès lors qu'en Palestine et en Syrie la première forme de vie monastique chrétienne, durant les premiers siècles, ait été une vie monastique itinérante à l'image de celle de Jésus et de ses Apôtres.

            Tout comme Jésus avait choisi ses Apôtres par groupes de deux (Marc 1, 16-21), c'est deux à deux qu'il les envoie. Est ainsi souligné le fait que la mission évangélique n'est pas une affaire privée, mais une responsabilité communautaire. De plus, est affirmée l'égalité de tous dans cette mission, aucun des deux envoyés n'étant subordonné à l'autre. Le fait de ne porter avec soi aucune nourriture et aucune somme d'argent, ni même aucun sac pour accumuler ce qu'on pourrait recevoir, n'est pas présenté ici comme une manifestation de pauvreté ou d'ascèse, mais plutôt comme une manifestation de confiance en l'homme et d'ouverture à la solidarité humaine. D'ailleurs les disciples ne sont pas invités à mendier, mais simplement à faire le bien en chassant les esprits mauvais, comptant sur la bonté et la solidarité de ceux qui voudront bien les recevoir. Ils ne se présenteront pas comme des "autorités" ayant droit à une récompense ou à un salaire, mais simplement comme des témoins de la bonté de Dieu, comptant sur la bonté des hommes.

            Dans ce récit de la mission des Douze, tel qu'on le lit en Marc, il n'est pas question de lieux précis où sont envoyés les apôtres, ni de limite de temps. Cela est présenté comme la mission des Apôtres, d'une façon générale. Et comme ils sont alors dans la Galilée des Nations, à la frontière du monde "païen", la mission n'est nullement limitée au monde juif.

            Jésus est venu apporter la vie en plénitude, libérant les prisonniers de leurs chaînes, les malades de leurs infirmités, les opprimés de leur esclavage. Un essai de transmettre son Message qui n'aurait aucune dimension politique ne serait décidément pas évangélique. Seuls peuvent se permettre cette parole ceux qui, comme Amos et les Douze n'ont d'autre possession à défendre que leur mission reçue de Dieu.