Sainte Marie, Mère de Dieu - Janvier 2018
Frères et sœurs, huit jours après Noël, nous reprenons le récit de la Nativité, comme si nous l’avions laissé là où il en était, c’est-à-dire au chant des anges « qui louai(en)t Dieu en disant : ‘Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’il aime’ ». Les bergers, qui étaient enveloppés de la lumière de la gloire du Seigneur, décident alors de se mettre en route pour Bethléem, non pour vérifier, à tout hasard, si ce qui leur a été dit est vrai, mais comme réponse de foi, comme oui à la parole de l’ange, comme oui je crois et oui je veux qu’« aujourd’hui… (nous soit) né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur ». Et leur hâte, dont nous parle saint Luc, est signe de cette proximité de Dieu, de l’imminence du Salut.
Si nous reprenons le début du récit de la Nativité, nous constatons que, comme celle de l’empereur qui met en route tout le monde pour se faire recenser, la parole de l’ange, la parole de Dieu, est elle aussi efficace. Mais cette fois elle n’est faite d’aucune contrainte : les bergers répondent librement ; ils le veulent. Enfin, après avoir vu « Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire » - signe bien ordinaire comparé à sa prodigieuse annonce - ils repartiront, à l’image des anges, en glorifiant et louant Dieu, nous invitant ainsi, nous aussi, à découvrir, dans la suite de l’évangile et dans le quotidien de nos vies, les signes du salut. Ils préfigurent ainsi la première communauté chrétienne, et nous-mêmes, louant et annonçant le Sauveur, discernant l’accomplissement des promesses dans nos vies.
Marie, de son côté, ne voit ni n’entend les anges. Depuis qu’à l’Annonciation « l’ange la quitta » (1,38), c’est à travers des hommes qu’elle doit entendre la Parole de Dieu. Et là encore, après le prestigieux messager qu’était l’archange Gabriel, il lui est désormais donné de la reconnaître dans les paroles de ces pauvres que sont les bergers. Et l’humilité de Marie rejoint la leur pour nous faire signe, sens, parole. Autre point de convergence, Marie, comme les bergers, s’est hâtée, après l’Annonciation, pour se rendre chez sa cousine Elisabeth. Il ne s’agissait pas, là non plus, d’aller vérifier la parole de l’ange, mais bien de partager une joie, de découvrir combien Dieu nous rassemble, de contempler et de communiquer le salut à l’œuvre. De même, et avant eux, et peut-être même rendant possible leur réponse, Marie, comme les bergers, accueille librement la parole de l’Ange, parole qui, pour elle aussi, est engendrement. Et enfin, là encore comme les bergers et avant eux, Marie glorifie et loue Dieu dans le Magnificat, révélant ainsi toute la force de son oui, révélant la profondeur de son union avec lui.
De cette union, de ce oui, de cet accueil, naît le Sauveur, faisant ainsi de Marie, comme le dit le concile d’Ephèse de 431, la Mère de Dieu. Mère de Dieu, mais donc aussi Mère de l’Eglise, Mère des hommes. Une mère « qui retenait tous ces évènements et les méditait dans son cœur » (1,19), une mère qui les met ensemble, qui les lit – du verbe lire – et le relie – du verbe relier - comme elle le fera après le recouvrement de Jésus au Temple où elle « gardait dans son cœur tous ces évènements » (2,51). Marie ne se berce pas ici de souvenirs, mais continue de discerner l’œuvre de la Parole, de l’Esprit, en elle et autour d’elle, c’est-à-dire en nous. Elle est Mère de Dieu parce qu’elle a accueilli le Verbe, la Parole, dans son cœur, dans sa chair, dans sa vie. Elle a fait de la place pour que cette parole puisse grandir en elle et autour d’elle, et donc, une nouvelle fois, en nous. Elle a ainsi donné la vie parce que la Parole est Vie pour celui qui la garde, pour celui qui l’écoute et la met en pratique. Et c’est pourquoi Vatican II invite l’Eglise à contempler la sainteté de la Mère de Dieu et à imiter sa charité afin d’être à son tour « une Mère, grâce à la Parole de Dieu qu’elle reçoit dans la foi » (LG 64). Oui, c’est l’écoute et le consentement de Marie à la Parole qui a fait d’elle une fille de Dieu, confiante et confiée en lui. C’est son consentement à se laisser engendrer, façonner par la Parole, qui lui a donné de devenir à son tour mère, Mère du Christ et Mère du Corps du Christ. Mère de Dieu et des hommes, elle le reste dans l’épreuve, elle le reste jusqu’au bout, comme nous la montre saint Jean, debout au pied de la croix, lorsque Jésus lui confie le disciple bien aimé. Cette Mère, on la retrouve encore dans les Actes des Apôtres, au Cénacle, en prière avec les douze, comme si, à son tour, elle les couvrait de son ombre.
Alors, frères et sœurs, en cette année qui commence, puissions-nous, à l’exemple de Marie, et par son aide, nous rendre davantage disponible à l’œuvre de la Parole en nous et ainsi, à notre tour, donner, enfanter, engendrer la vie.