5e dimanche ordinaire B - Février 2018
« Tout le monde te cherche » (37). A travers ces quelques mots, nous croyons, nous, chrétiens, que Simon Pierre a exprimé ici un fondement de notre vie, ou plus exactement, il en a exprimé le sens, le désir, le rêve qui est au fond de nous, de chacun d’entre nous. Croyant ou non, chrétien ou non, tous nous recherchons la vie, la paix, le bonheur, la vérité. Et pour nous tous ici réunis ce matin, cette vie, cette paix, ce bonheur, cette vérité, c’est Jésus qui nous en montre le chemin, c’est Jésus qui nous les donne, c’est Jésus qui se donne.
Ce à quoi nous aspirons du plus profond de nous-mêmes, que nous en ayons conscience ou non, c’est la vie et la communion avec Dieu. Oui, qui ou quoi que nous cherchions, derrière tous les actes que nous posons – bons et même mauvais - c’est finalement Dieu que nous espérons, même si trop souvent encore nous ne choisissons pas le bon chemin pour aller jusqu’à lui.
Cette recherche de la vie, du bonheur, de Dieu, a ceci de paradoxale qu’elle est à la fois aisée, puisque finalement elle s’exprime dans nos multiples attentes quotidiennes, faisant ainsi de ce quotidien ce que les grecs appelaient un Kairos, c’est-à-dire un temps favorable à la rencontre avec Dieu, un temps où Dieu agit, le temps du salut pour moi maintenant. Mais cette quête est aussi à la fois inquiète, frénétique, voire désespérée à l’instar de « Simon et (de) ceux qui étaient avec lui (qui) partirent à (la) recherche » de Jésus (36), mais qui plus exactement le poursuivent comme pour l’empêcher de partir, comme pour s’emparer de lui, à l’image de ce que sera son arrestation et sa passion.
« Tout le monde te cherche » parce que tu as parlé avec autorité dans la synagogue, parce que tu as guéri, parce que tu as expulsé les démons, nos démons. La scène est similaire à celle de la multiplication des pains dans le quatrième évangile où saint Jean écrit : « Jésus savait qu’ils allaient venir l’enlever pour faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul. » (Jn 6,15). Et plus loin, Jésus leur dit, Jésus nous dit : « vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez…été rassasiés. » (26). Soyons clairs, si Dieu était le dieu du confort et de la sécurité, il ne serait pas venu mourir sur une croix.
Il n’est pas donc le dieu du confort et de la sécurité, mais nous voyons que dans cet évangile de Marc, en Jésus, il se fait proche de nous, il entend la demande des disciples, il guérit la belle-mère de Simon-Pierre ainsi que « beaucoup de gens…et il expulsa beaucoup de démons » (34). Mais, au préalable, il est vrai que Marc ne nous avait pas parlé de « beaucoup » mais de tous - « tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par les démons » (32) - et de « la ville entière » (33). Comme si Jésus n’avait pas guéri tout le monde, afin de nous rappeler qu’il n’est pas, ici-bas, le Dieu de la totalité, celui qui comblerait tous nos désirs, toutes nos attentes, celui qui finalement vivrait à notre place et qui prendrait par conséquent toute la place.
Non, non seulement Jésus n’occupe pas toute la place, mais en plus il se retire, il sort, « bien avant l’aube…(pour) un endroit désert » (35) et il nous invite à le suivre pour un ailleurs : « Allons ailleurs, (dit-il) dans les villages voisins… » (38). Dieu nous échappe parce qu’il est plus grand que nous, mais aussi parce qu’il veut nous rendre plus grands, plus vivants, plus vrais. Nous pouvons tous nous rappeler ces moments de notre vie où sa présence s’est faite plus sensible, plus évidente, des instants où nous aurions même touché un peu de la plénitude, du bonheur parfait, de la vraie vie. Comme nous aurions voulu que ces moments durent toujours et comme nous aimerions parfois les retrouver. Et pourtant, cette paix ou cet amour vécus ou ressentis, il a fallu les quitter, les voir peu à peu s’atténuer, se dissiper et même parfois s’assombrir, s’engloutir, dans un quotidien terne voire lourd de peines et de souffrances. Et nous serions en droit de nous demander, comme certainement les disciples de l’évangile, mais pourquoi faut-il quitter cela ? Pourquoi Dieu, Jésus, qui se fait si proche, veut-il finalement nous emmener dans cet ailleurs incertain, qui, nous le savons, le mènera jusqu’à la croix ? Eh bien la réponse est peut-être dans le regard que nous pouvons poser sur le chemin que nous avons parcouru depuis ces temps de plénitude. Oui, regarder notre route, notre vie, ce qui s’y est vécu, l’amour, le bonheur, la paix et la vérité qui s’y sont peu à peu enracinés, et voir notre attachement au Christ qui, insensiblement, s’est fait plus fort parce que moins tributaire de ce que nous attendions alors en retour.
Frères et sœurs, si le Christ, le bon berger, nous invite à un ailleurs, s’il nous sort de nous-mêmes, de nos rêves comme de nos souffrances, ce n’est pas pour nous perdre, mais pour nous ouvrir à la vie, à sa vie, et, comme nous le disions, telle est et telle doit être notre quête.