28e dimanche ordinaire A - Octobre 2017

« Tout est prêt : venez à la noce. » Ces mots, qui peuvent résonner comme un cri, sont une invitation à la joie, une promesse de bonheur. Ces mots, sont ceux que nous annonçait déjà le prophète Isaïe dans la première lecture : « un festin de viandes grasses et de vins capiteux… de viandes succulentes et de vins décantés » ; un festin pour célébrer la disparation du deuil, du linceul, de la mort ; et pour manifester la victoire du Dieu d’amour qui « essuiera les larmes sur tous les visages » et « effacera l’humiliation de son peuple ». Ces mots que chacun d’entre nous, du fond de sa misère, de ses souffrances, de ses attentes, désire entendre, sont ceux que Jésus prononce aujourd’hui pour nous dans l’évangile : « Tout est prêt : venez à la noce. »

 

Mais voilà que les invités ne veulent pas venir, restant indifférents, préférant s’en aller, s’éloigner, l’un vers son champ, l’autre vers son commerce, lorsqu’ils n’empoignent pas, voire ne tuent pas, ceux qui étaient venus leur prononcer ces mots que nous pensions tant attendus.

Ces invités indignes, ce sont les grands prêtres et les pharisiens. Eux qui se veulent, qui se croient, les serviteurs de Dieu, n’ont pas reconnu sa voix, son messie, son salut. Enfermés dans leur suffisance, leurs certitudes, ou tout simplement leur inattention, ils ne comprennent pas que cette noce à laquelle ils sont conviés, c’est leur propre noce, leur propre alliance avec ce Dieu qui prend son peuple pour épouse et qui se donne à elle à travers la figure, la chair, de Jésus. Et c’est pourquoi, ne voyant pas combien cette noce les concerne, n’entendant pas l’appel de Dieu, ils ne répondent pas à l’invitation, pas même un mot. Ce n’est pas Dieu qui se fait silencieux et lointain ; c’est l’homme, trop souvent préoccupé par ses affaires, n’attendant finalement de salut que de lui-même, un salut à la petite semaine.

 

Les invités ne viennent pas, mais la noce est prête. Les cuisinières vous diront même qu’il y a urgence, que c’est maintenant qu’il faut venir et s’attabler, que c’est donc le moment favorable. Alors le roi envoie ses messagers aux croisées des chemins pour rassembler mauvais et bons pour la noce. Malgré le refus de l’homme, Dieu continue d’appeler, et même son appel redouble de vigueur. Gandhi disait que la différence entre le christianisme et les autres religions était dans le fait que dans ces dernières, ce sont les hommes qui cherchent Dieu, alors que dans le christianisme, c’est Dieu qui ne cesse de chercher l’homme. Et voilà comment ceux que l’on n’attendait pas forcément se retrouvent à la table du Seigneur, nous rappelant ainsi, au cas où nous l’aurions oublié, que Dieu ne veut pas sauver les bons et les chrétiens, mais les hommes, tous les hommes.

 

La parabole se termine avec l’expulsion du convive qui ne portait pas le vêtement de noce, situation qui nous interpelle puisque finalement ces hommes, « les mauvais comme les bons », semblaient avoir été embarqués comme malgré eux dans cette aventure. Une nouvelle fois, la réponse est peut-être dans le silence de cet homme. A la parole claire du roi, de Dieu, il ne répond pas, empêchant le dialogue, la rencontre. Il est lié et jeté dehors, non par châtiment, mais pour exprimer extérieurement son état intérieur : ce sont sa langue, sa parole, sa vie, qui sont liées, muselées. Vous savez que dans le récit de la guérison d’un muet, Marc nous dit que Jésus lui « délia » la langue (Mc 7,35). Le vêtement n’est donc pas ici un apparat, un apparaître, mais un révélateur de notre être. Cet homme n’a pas le vêtement de noce parce qu’il ne s’est pas laissé toucher par la parole de Dieu, par la rencontre avec son Verbe incarné. Cette noce ne peut pas être la sienne.

 

Frères et sœurs, nous sommes tous ces personnages à la fois. Il y a en nous celui qui reste indifférent, préoccupé par tant d’autres choses bien plus importantes ; l’homme qui, sans même sans rendre compte, dit NON à Dieu. Il y a aussi en nous celui qui souhaite se mettre à l’écoute et au service de l’évangile, prêt à être envoyé « aux croisées des chemins » ; l’homme qui dit OUI. Il y a également celui qui n’a pas encore entendu la Bonne nouvelle et qui n’ose pas croire qu’elle s’adresse à lui, que le Fils de l’homme est venu justement pour lui : c’est le pauvre en nous, celui que nous aimerions cacher, alors que finalement c’est lui qui est le plus disponible, en tous les cas le mieux disposé, pour accueillir Dieu. Et c’est justement en consentant ou non à ce dialogue entre Dieu et notre pauvreté que nous sommes le convive qui a ou n’a pas revêtu le vêtement de noce. Et il y a enfin l’époux, le Christ, celui qui nous façonne à son image, qui nous appelle à être lui ; celui qui unifie enfin toutes nos facettes pour nous disposer, ici et maintenant, à entendre l’invitation gratuite au salut.