Rameaux 2025
Frères et sœurs, à chaque Eucharistie, le prêtre montre l’hostie, et parfois aussi la coupe, et dit : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde ». L’Agneau de Dieu, celui qui se livre, qui se donne pour son Père et pour nous, nous l’avons entendu, nous l’avons suivi durant tout ce récit de la Passion : comme l’hostie, comme sur la croix, il nous a été montré et nous sommes appelés à le contempler. Contempler Celui qui se laisse arrêter, outrager, juger, condamner, crucifier. Contempler Celui qui fait ce qu’il dit jusque dans sa propre chair : aimer ses ennemis ; se laisser frapper sur une joue et tendre l’autre ; pardonner - « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Et tout cela, alors qu’il est innocent, victime de l’injustice, victime des péchés du monde qui nous sont, eux aussi, montrés dans ce récit.
En effet, si Jésus fait ce qu’il dit, si sa mort est conforme à sa vie, c’est-à-dire tout entière tournée vers le Père, reçue de lui, engendrée de lui, les hommes eux, les acteurs de cette passion, dont nous faisons nous aussi partis, sont remplis de contradictions, d’incohérences, et finalement de confusions, de chaos. Les apôtres d’abord qui se découvrent incapables de veiller pour prier avec Jésus en agonie ; Judas qui trahit son maître par un baiser ; ou encore Pierre qui le suit, mais de loin, puis qui le renie.
La foule, qui l’acclamait comme son roi, comme nous l’entendions au début de cette célébration, puis qui réclame sa mort en échange de la vie de Barabbas, et enfin, cette mort obtenue, quitte le Golgotha en se frappant la poitrine.
Les anciens et les grands prêtres qui espèrent la venue du Messie et qui ne le reconnaissent pas quand il est au milieu d’eux, ou encore qui le livrent comme un agitateur qui soulèverait le peuple, alors que dans le même temps, ce même peuple réclame sa mort.
Pilate qui le dit innocent, mais qui veut néanmoins le châtier, et qui finit par le livrer à la mort. Et nous pourrions continuer ainsi…
Bref, il y a là une injustice flagrante dont nous pouvons relever quelques mécanismes : le pouvoir, le mensonge et la violence ; la peur, l’égoïsme et la lâcheté. Ces mécanismes sont ceux qui œuvrent aujourd’hui encore dans notre monde, et peut-être davantage ces dernières temps où tout semble se dérégulariser, se désolidariser.
Et c’est là où il nous faut revenir à cette attitude de Jésus, sa non-violence, son amour. Il nous faut nous réapproprier son enseignement – par ses paroles et par ses actes – qui nous ouvre les portes du royaume comme il le fait encore sur la croix avec le bon larron. Si chacun, chacune d’entre nous ne fait pas le choix de diriger sa vie dans cette direction, si comme Jésus nous ne nous tournons pas vers le Père pour nous laisser engendrer, si nous ne contemplons pas ce Christ souffrant mais confiant et régnant, alors, comme dans l’évangile, les ténèbres s’abattront sur nos vies et sur notre monde. L’injustice continuera son œuvre et les pauvres, les petits, les innocents, seront encore assassinés.
Cette responsabilité qui nous incombe peut nous paraître bien lourde et surtout démesurée face aux puissants, d’autant plus que, nous l’avons dit, nous sommes nous aussi remplis de contradictions. Mais, nous l’avons affirmé également, Jésus est l’Agneau qui enlève les péchés du monde. Il nous ouvre un chemin qui sera victorieux et qui, en quelque sorte, l’est déjà maintenant. Tout ce qu’il nous propose, c’est d’emprunter ce chemin, de participer avec lui, en lui, à cette marche triomphale, celle d’un dimanche des Rameaux éternel.
Pour nous accompagner sur ce chemin, pour vivre de cette espérance – espérance pour nous-mêmes, mais aussi et surtout, pour celles et ceux qui souffrent dans ce monde d’aujourd’hui – il nous est donné une magnifique figure qui pourrait être la nôtre : celle de Joseph d’Arimathie. Les quatre évangiles parlent de cet homme. Luc nous dit qu’il attendait le règne de Dieu, comme nous. Ce membre du conseil a refusé d’adhérer à la décision fatale des anciens. Il a eu aussi le courage de demander à Pilate le corps de Jésus. Et il l’a descendu de la croix, l’a enveloppé dans un linceul et l’a déposé dans un tombeau. Quel exemple, quelle beauté d’humanité, de respect, de soin de l’autre ! Et les gestes délicats de cet homme nous redisent qu’autre chose est possible, autre chose que la violence et l’injustice ou encore l’égoïsme. Cet homme, par son action, ne change pas le cours du monde, mais il l’humanise, il lui rend toute sa grandeur, sa beauté. Alors nous aussi, choisissons ce chemin, mettons notre confiance en Dieu, menons le bon combat, et la puissance de la résurrection dissipera les ténèbres.