4e dimanche de Carême B
14 Mars 2021
« Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique ». Frères et Sœurs, avec ces quelques mots bien connus, nous sommes au cœur de notre foi, et surtout au cœur de Dieu. Loin de l’image d’un dieu juge, culpabilisateur, castrateur de notre liberté, de notre humanité, voici donc un Dieu qui nous donne ce qu’il a de plus cher, Celui sans qui il ne saurait être, son Fils unique. Si dans le quatrième évangile, Jésus ne cesse de dire qu’il est aimé, combien il est aimé du Père, ici saint Jean nous dit combien nous sommes nous aussi aimés du Père. Le Père fait de nous les frères du Christ, des fils dans le Fils, et, en nous le donnant, nous montre qu’il éprouve pour nous ce qu’il éprouve pour son Fils. Dans le Christ, nous sommes aussi importants au Père que le Fils. Ainsi, la conversion que nous sommes appelés à vivre en ce Carême est fondamentalement de nous attacher au Christ, de prendre la route à sa suite, de ne pas le lâcher, et d’entrer dans cet amour du Père, de croire dans cet amour, et d’en vivre pleinement !
D’autre part, si tout au long de l’évangile, il nous est dit que le Père a tout donné au Fils, ici saint Jean nous écrit que c’est le Fils lui-même qui nous est donné. En lui, avec lui et par lui, tout est donc en notre possession, ou plutôt tout est entre nos mains. De nouveau, la conversion que nous sommes appelés à vivre en ce Carême peut alors se résumer à cette question : qu’en faisons-nous ? Que faisons-nous du don de Dieu, de Dieu lui-même, de son amour ? Avouons-le, pas grand-chose ; en tous les cas, pas assez. Comme nous gaspillons notre planète au point qu’un jour, si nous ne nous convertissons pas, la vie humaine n’y sera peut-être plus possible - la gaspiller par ignorance, par habitude, par négligence - nous gaspillons le don de Dieu, la vie éternelle que nous avons à vivre dès maintenant, la lumière du monde qui est nous est donnée. Ecce Homo : Voici l’homme ! Voici l’homme, mais nous l’avons dit plus haut, voici Dieu, ce « Dieu [qui] a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique ». Ce Dieu qui, malgré nos résistances, malgré notre ressemblance avec ce peuple d’Israël qui récriminait dans le désert, nous appelle une nouvelle fois à nous tourner vers « le serpent de bronze », vers « le Fils de l’homme […] élevé », crucifié, glorifié. Nous tourner vers lui dans un regard de confession de notre réalité, de notre médiocrité, mais aussi dans un regard de foi, de confiance, d’espérance. Plus encore, c’est un regard de vie, un regard vital qui est ici en jeu. Un regard qui dit ce qui nous unit à lui de toute éternité, qui dit ce qui ne peut nous séparer de lui. Un regard qui s’abreuve à la source de la vie et la vie éternelle. Notre foi n’est pas un hasard, une contingence, un surplus parfois gênant à notre vie ; elle est une nécessité, elle est essentielle parce que Dieu est au fondement de notre vie, parce que notre vie est inséparable de la vie de Dieu, de la vie du Christ. Comme le disait saint Paul dans la deuxième lecture, la Lettre aux Ephésiens, Dieu « nous a donné la vie avec le Christ » (2,5) et cela, comme nous le disions, « à cause du grand amour dont il nous a aimés » (4). Et Paul continue : « Avec lui, il nous a ressuscités et il nous a fait siéger aux cieux, dans le Christ Jésus. » (6) Et plus loin, Paul dit encore : « C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les pratiquions. » (10). Notre vie, frères et sœurs, est en Christ. Pas d’autre vie possible, plus d’autre chemin pour nous, pas d’autre quête à envisager. Le Carême est donc ce temps privilégié pour trouver notre vie en Lui en le regardant Lui, en le laissant faire Lui. Un temps pour creuser notre appartenance, notre délivrance. Le suivre, le croire, l’aimer.
Dans quelques instants nous allons communier, nous arrimer encore davantage à sa vie, à sa mort et à sa résurrection dont nous aurons fait le mémorial. Demandons la grâce que ce qui nous dispose maintenant, dans cette église, à le suivre, à être avec lui, à l’accueillir, se vive au quotidien, à chaque instant, dans la même communion et le même désir, la même prière et la même louange. Vivre le même don que Lui, le même chemin ; en tous les cas, entrer dans ce don, son don, son chemin. Que notre route soit éclairée, illuminée par sa personne et qu’à notre tour nous puissions être ses témoins. Et alors, soyons fous, rêvons un peu, mais demandons pour devenir les témoins de ce « Dieu [qui] a tellement aimé le monde qu’il [nous] a donné(s) » au monde. C’est peut-être demander beaucoup, surtout avec ce que nous sommes, avec qui nous sommes. Mais après tout, nous connaissons des personnes, des saints du quotidien, qui sont de véritables bénédictions pour les autres, des lumières. N’oublions pas ces mots de saint Paul : Dieu « nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d’œuvres bonnes ». Alors en ce Carême, laissons-nous saisir, élever, par le Christ.