33e dimanche ordinaire B
(Mc 13, 24-32)
Novembre 2024
Frères et sœurs, tout au long des évangiles, comme dans la Bible entière, il y a ce message de la venue de Dieu dans nos vies. Dieu existe, mais surtout il vient jusqu’à nous. Il vient dans un enfant, dans notre chair, notre condition humaine ; il vient à notre rencontre sur les chemins de Galilée ou d’Emmaüs ; il vient lorsque nous sommes boiteux, aveugles, pécheurs. Dieu vient, ou encore comme le dit un chant liturgique : « Christ est venu, […] Christ reviendra, Christ est là ». Et l’évangile de ce dimanche nous redit cette vérité : « On verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire » (26). Et quelques versets plus loin : « le Fils de l’homme est proche, à votre porte » (29), à notre porte.
Alors aujourd’hui, cela nous est dit dans un contexte de fin des temps, ou plutôt de fin d’un temps : « Après une grande détresse, écrit saint Marc, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées » (24-25). Marc nous parle d’un temps obscur, sombre, où la vie est menacée, en souffrance ; où la vie, comme on l’entend souvent, est précaire, appauvrie. Le prophète Daniel, dans la première lecture, parle lui aussi d’ « un temps de détresse » (12,1) ; une détresse qui n’a donc rien de théorique, mais qui touche des personnes. Et ces visages en souffrance, ces paysages désolés, ravagés, nous n’en voyons que trop dans les actualités.
Pourtant ce discours de Marc ne décrit pas tant ce qui se vit aujourd’hui, ou ce qui nous attendrait demain, que ce que nous sommes appelés à vivre. Il nous met face au sens ultime de notre vie. Et ce sens, nous le savons, c’est quelqu’un. Quelqu’un qui n’aura cessé de venir dans notre vie ; que nous aurons croisé, accueilli ou ignoré, suivi ou abandonné. Quelqu’un qui reviendra définitivement pour nous confronter à nous-mêmes, à ce que nous avons été, pour lui ; personnellement et collectivement. Oui, Marc, les évangélistes, la Bible, nous disent que le sens de la vie, son terme et son but, sa fin, c’est Lui. Et si le soleil et la lune s’obscurcissent, si ce qui était vénéré jadis s’efface, c’est parce que la vraie lumière, la seule divinité, le seul Salut, c’est Lui. Alors Marc nous demande si c’est bien vers lui que nous tournons nos regards, si c’est bien de lui que nous attendons notre salut, et non pas de nous-mêmes, de nos distractions et de nos fuites, du succès, du confort, de nos sécurités. Car ce temps qui nous est ici décrit est un temps où tout s’effondre, où tout s’effondrera, sauf Lui. Il est le seul point stable, permanent et certain de nos vies, celui sur lequel nous pouvons nous appuyer fermement, celui sur lequel nous devons construire, celui dans lequel nous devons nous enraciner ; alors, nous n’aurons rien à craindre.
Et les textes nous le disent. Daniel d’abord, puisqu’il parle de délivrance pour ceux qui seront son peuple. A son image, ils « resplendiront […], brilleront comme les étoiles » (12,3). Car, nous dit la Lettre aux Hébreux, « il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie. » Et encore Le psalmiste « exulte […], l’âme en fête » (15,9) en disant : « Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ; il est à ma droite : je suis inébranlable » (15,8). Être inébranlable parce que stable, ancré dans le Seigneur ; sûr de son amour ; sûr de sa victoire.
Oui, comme le dit la comparaison du figuier, l’été viendra. Nous en avons l’assurance. Et l’image végétale nous renvoie à l’idée de germination, celle d’une croissance, certes lente, mais certaine. Nous sommes invités à vivre de cette certitude de la venue du Seigneur dans nos vies et dans celle de notre monde déchiré, et plus encore vivre de cette confiance en sa proximité inébranlable auprès de tous ces affligés et auprès de nous-mêmes. Aussi non, à quoi bon être ici ce matin ?
Et pour vivre de cette présence, pour la discerner, Jésus nous donne sa Parole : « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas » (31). Notre stabilité, notre enracinement, notre croissance, sont dans cette écoute de la Parole de Dieu. C’est cette parole de vie, parole qui donne réellement, concrètement, la vie chaque jour, qui nous permet ou nous permettra d’affronter l’obscurcissement du monde, et parfois de nos existences. C’est en elle, par elle, que le Christ se manifeste, se donne à voir, se donne à manger et à boire comme nous le ferons en cette Eucharistie. C’est elle qui nous donne de discerner sa venue, de la désirer et de la vivre. C’est elle encore qui, comme dans les lectures de ce dimanche, nous convoque, nous rassemble « des quatre coins du monde » (27).
Frères et Sœurs, nous ne savons pas ce qu’il arrivera à notre monde ou à nos vies, mais nous croyons, comme le dit saint Paul, que « rien ne pourra nous séparer de l’amour du Christ » (Rm 8,39). Forts de cette foi, puissions-nous, tel le figuier, être celles et ceux qui donnent à voir et à croire que le Seigneur est proche.