C 28 LUC 17, 11-19 (15)
Scourmont : 09.10.2022
Frères et sœurs, notre pape François ne cesse de nous inviter à aller « aux périphéries ». À la Pentecôte 2020, il a même demandé à l’Église de vivre « un mois missionnaire extraordinaire ». La bonne nouvelle de l’Évangile doit être annoncée au monde entier et à tous les milieux. En communion avec toute l’Église, nous chrétiens baptisés et confirmés, nous sommes envoyés pour en être les messagers. Car l’Évangile de Jésus Christ est pour tous.
C’est ce message que nous trouvons dans les lectures de ce dimanche. Le peuple d’Israël a été le premier à bénéficier de cette annonce de la Parole de Dieu. Mais dans le Livre des Rois (2 R 5,14-17), nous découvrons que ce trésor est également offert à des étrangers. Le général Syrien Naaman ne connaissait pas le Dieu d’Israël. Mais il a eu foi en la parole du prophète Élisée. Cette foi a été le point de départ de sa guérison et de sa conversion. Il découvre que le Seigneur est le seul Dieu vivant. Il décide alors de quitter les idoles pour ne plus adorer que le Dieu d’Israël. Ce Dieu n’est pas celui d’un peuple mais celui « de toute la terre » (2R 5,15). Dans l’évangile selon saint Luc, Jésus cite cette histoire en exemple pour critiquer l’incrédulité des siens (Lc 4,24-30).
C’est ce qu’avait compris l’apôtre saint Paul (2 Tm 2,8-13) : il a quitté son pays pour annoncer l’Évangile au monde entier. Au moment où il écrit sa lettre à Timothée, il est en prison. Son message dérangeait beaucoup de gens. Ceux qui l’ont arrêté pensaient enrayer la diffusion de l’Évangile. Mais, dit saint Paul : « J’endure la souffrance, jusqu’à être enchaîné comme un malfaiteur, mais on n’enchaîne pas la parole de Dieu ! » (2 Tm 2,9). Rien ni personne ne peut l’empêcher d’être communiquée au monde entier. À la suite de saint Paul, des païens sont devenus des messagers de l’Évangile. En voyant leur foi courageuse, des étrangers et même des persécuteurs se sont convertis à Jésus. Le témoignage des martyrs a toujours été source de conversion.
L’Évangile nous montre Jésus au cours de sa montée à Jérusalem. Or voici que dix lépreux viennent à sa rencontre. Ils supplient Jésus d’avoir pitié d’eux : « Jésus, Maître, prends pitié de nous » (Lc 17,13). Ces hommes étaient des exclus car la lèpre les rendait impurs. Ils sont doublement condamnés, par la maladie et par une mise en quarantaine jusqu’à la mort. Exit la vie en société, les visites au marché, les verres en terrasse, les noces, les sabbats à la synagogue. Les crises sanitaires le démontrent, la maladie n’est pas l’unique faucheuse de vies. La solitude, l’éloignement des siens tuent aussi. Jésus les renvoie vers les prêtres pour faire constater leur guérison. Ils pourront alors être réintégrés dans leur communauté. Or, en offrant aux lépreux une nouvelle vie, Jésus pouvait espérer une once de gratitude. Pourquoi seul un étranger est-il revenu sur ses pas ?
Parmi eux, il y avait un Samaritain. En tant que Samaritain, il était doublement exclu aux yeux des Juifs. Il ne pouvait donc pas se présenter au prêtre. Qu’auriez-vous pensé à sa place ? Imaginez-vous escaladant une montagne. Soudain, sur le sentier rocailleux, vous tombez sur un randonneur au visage tuméfié, à la cheville enflée. Ni une ni deux, vous appelez les secours et demeurez auprès de lui. Or, quand vous le croisez après sa convalescence, il ne vous adresse même pas un regard. Quelle sera votre réaction ? Certes, un proverbe juif l’assure, « Qui donne ne doit jamais s’en souvenir », mais la suite est aussi édifiante : « Qui reçoit ne doit jamais l’oublier ».
Alors notre Samaritain revient vers Jésus « en glorifiant Dieu à pleine voix » (Lc 17,15). Sa foi ne l’a pas simplement guéri, elle l’a sauvé. Il peut maintenant retourner auprès des siens. Il pourra y témoigner de cette bonne nouvelle : Jésus est le sauveur de tous les hommes, ceux qui font partie de son peuple et ceux qui sont loin. Au jour de l’Ascension, Jésus demandera à ses apôtres d’aller annoncer l’Évangile au monde entier : « Vous recevrez une force quand le Saint Esprit descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’au bout du monde » (Ac 1,8).
Voilà donc trois textes bibliques qui nous disent l’amour de Dieu pour nous. Il ne s’intéresse pas seulement à ceux qui font partie de son Église. Son grand projet c’est de rassembler tous les hommes du monde entier, y compris ceux qui sont les plus éloignés et même les plus opposés à la foi. Il aime chacun bien au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer. C’est pour tous qu’il a donné sa vie sur une croix. Quelle peut être notre réponse ?
Naaman est revenu vers le prophète Élisée pour rendre grâce à Dieu. Toute la vie de saint Paul a été une action de grâce car, même en prison, il constate que la Parole de Dieu porte du fruit. Et dans l’Évangile, nous voyons le Samaritain guéri se prosterner au pied de Jésus : il reconnaît en lui l’origine de sa guérison. À notre tour, ne sommes-nous pas invités à rendre grâce à Dieu pour tout ce qu’il nous donne ? Trop souvent, nous ne voyons que ce qui ne va pas. Nous oublions que Dieu est « là, au cœur de nos vies » (Raymond Fau). Et si, dans la morosité de l’automne naissant, nous décuplions de reconnaissance, envers Dieu, envers nos proches, envers la vie ? Car la gratitude permet de réenchanter nos existences et le monde. Alors oui, rendons grâce par nos prières, nos chants de louange et par toute notre vie. Le seul désir de Dieu c’est de voir l’homme debout, vivant et aimant. Saint Irénée de Lyon nous le dit à sa manière : « La gloire de Dieu c’est l’homme vivant. La vie de l’homme, c’est de contempler Dieu » (Contre les hérésies IV,20,7). Dieu nous a créés pour la vie en plénitude. Il ne se contente pas de nous guérir. Avec lui, c’est la porte de la Vie éternelle qui s’ouvre. C’est de ce salut que nous avons à témoigner auprès de ceux et celles que nous croisons sur notre route.
Tout au long de ce mois du Rosaire, tournons-nous vers la Vierge Marie. Dans le Magnificat, elle rend grâce au Seigneur non seulement pour ce qu’il a fait en elle mais aussi pour son action dans l’Histoire du Salut. En célébrant cette Eucharistie, nous nous unissons à cette action de grâce de Marie et nous lui demandons de nous aider à rester fidèles à la mission qui nous est confiée. Puissions-nous comme le dixième lépreux laisser le Christ nous aimer et lui répondre par notre amour reconnaissant et confiant.