A IMMACULÉE-CONCEPTION LC 01,26-38 (11)
Scourmont : 08.12.2022
Frères et sœurs, nous fêtons aujourd’hui l’Immaculée Conception. Marie a reçu la grâce unique de naître sans la trace du péché originel, son âme est immaculée, depuis sa conception. Pour essayer de bien comprendre ce que cela veut dire, il peut être utile de reprendre une image que Thérèse de Lisieux utilisait, quand elle parlait de la grâce qu’elle avait eue de ne pas avoir commis de péché grave. Cette image est encore plus vraie et plus complète pour la Vierge Marie. Thérèse parle d’une enfant qui marche ou qui court sur un chemin. Elle ne voit pas qu’il y a une racine qui, sortant de terre, va la faire trébucher et lui faire du mal. Le père de cette enfant, la voyant tomber va l’aider à se relever, et va la soigner s’il le faut. Ceci est ce qui se passe pour les pécheurs, qui ne voient pas le mal qui les guette, qui tombent dans le péché, et qui se font secourir par Dieu. Mais il peut se passer autre chose. Que se passe-t-il si le père de cette enfant, reconnaissant le chemin où sa fille va passer, voit cette racine, et pour éviter que son enfant ne se blesse, enlève la racine ? L’enfant va alors passer sans même tomber. C’est ce qui est arrivé à Thérèse, et, d’une manière autrement plus grande et magnifique, à la Vierge Marie.
« La Vierge Marie a toujours été proposée par l’Église à l’imitation des fidèles… parce que, dans les conditions concrètes de sa vie, elle a adhéré totalement à la volonté de Dieu, elle a accueilli la parole et l’a mise en pratique, elle a été inspirée dans son action par la charité et l’esprit de service : en résumé, elle fut la première et la plus parfaite disciple du Christ » (Paul vi, Encyclique Marialis Cultus 35, 1974). Marie occupe la première place car c’est quelqu’un de spécial, qui désire de toute son âme suivre le plan de Dieu sur sa vie.
Quand l’ange Gabriel la rencontre, elle ne fait rien de particulier, rien de spectaculaire ; elle est simplement fidèle au plan de Dieu sur elle. Elle « occupe la première place parmi ces humbles et ces pauvres du Seigneur qui espèrent et reçoivent le salut de lui avec confiance » (CEC 489).
Faites confiance au Seigneur et il agira. « Comment cela se fera-t-il ? » Est-ce que cela va vraiment se passer ? Marie est abasourdie que Dieu veuille qu’elle soit la mère de son Fils, pourtant elle croit. Pourquoi elle et non pas quelqu’un d’autre ? Cela demeure mystérieux. On entend en écho la parole du Christ à saint Thomas huit jours après Pâques « Ne sois pas incrédule, mais croyant » (Jn 20,27).
Quand on regarde un film, il est intéressant d’identifier le moment du dénouement. Il y a normalement un geste que le protagoniste pose qui détermine comment l’histoire finira. Le « oui » de Marie à l’annonce de l’ange Gabriel a changé pour toujours l’histoire du monde. On peut dire qu’au moment de son « oui » toute la création était suspendue à sa parole. Grâce à son « oui » Dieu s’est fait homme pour que nous puissions connaître son amour et le connaître tel qu’Il est.
Marie, d’abord bouleversée, n’a pas peur ensuite de demander à comprendre. Par l’explication de l’ange, elle comprend que celui-ci et la nouvelle mission qu’il lui annonce, viennent de Dieu ; et parce que ça vient de Lui, elle accepte. Le désir de Dieu, les circonstances permises par Dieu, passent par-dessus son trouble, et son incompréhension. Elle ne sait pas comment elle vivra ceci, comment se passera chaque chose…elle sait seulement que ceci vient de Dieu, et cela lui suffit pour dire « oui » de tout son cœur. « Je suis la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi selon ta parole » (Lc 1,38).
Nous ne célébrons pas seulement le « oui » de Marie mais aussi le « oui » de Jésus à la volonté de son Père. Grâce à son « oui », Il s’est incarné pour offrir au Père et à nous toute sa vie et sa personne. Il est venu pour nous aimer et nous sauver même au prix de la croix. Nous retrouvons cette magnifique description du « oui » de Jésus dans l’épître aux Hébreux : « Tu n’as pas voulu de sacrifices ni d’offrandes, mais tu m’as fait un corps. Tu n’as pas accepté les holocaustes ni les expiations pour le péché ; alors, je t’ai dit : Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté, car c’est bien de moi que parle l’Écriture » (He 10,5-7).
Ce « oui » de Marie et ce « oui » de Jésus n’étaient pas faciles à donner, ni faciles à garder. C’est un « oui » pétri de foi. Marie ne pouvait imaginer ce qui l’attendait ni comment elle allait préparer Jésus en vue de sa mission. On la soupçonnait d’avoir commis l’adultère à cause du fait qu’elle était enceinte avant que Joseph ne la reçoive chez lui comme épouse. Il y avait ensuite la naissance de Jésus dans une étable à Bethléhem et la fuite en Egypte. Elle a attendu 30 ans avant que Jésus ne sorte de l’anonymat pour entreprendre sa mission. S’attendait-elle à une vie aussi ordinaire ? Avec la mort de son Fils, elle voit tout cela aboutir à la croix. Mais elle a persévéré dans la foi et elle a renouvelé ce « oui » chaque jour. Bienheureuse celle qui a cru dans la promesse du Seigneur, celle qui a cru sans avoir vu, celle qui a fait la volonté du Père. Marie éveille en nous une confiante espérance car nous apercevons en elle l’esquisse de ce que nous pourrions devenir : des disciples dociles à la voix de Dieu et remplis de sa grâce.
Quel courage inimaginable dans le Fiat de Marie ! En se disant servante du Seigneur, elle s’est ouverte à toutes les conséquences de son « oui » à Dieu. Cela a été possible parce que Marie possédait une profondeur et un équilibre intérieurs qui lui ont donné ce courage. Finalement, ce courage n’était-il pas dû au fait de savoir que Dieu était avec elle ? Après tout, qu’y avait-il à craindre si Dieu était près d’elle ?
Pourquoi Marie a-t-elle reçue cette grâce d’être conçue sans péché ? Le passage d’évangile que nous lisons aujourd’hui nous donne la réponse. Marie avait une mission spéciale dans l’histoire de l’humanité. La plus grande et la plus noble tâche de toute l’histoire, celle d’être la mère du Fils de Dieu. Dieu ne donne pas ses grâces en vain. Il nous les donne pour notre bien, et Marie a su rester fidèle à la grâce qu’elle a reçue. Et il nous les donne pour que nous en fassions profiter les autres, pour que nous participions à l’œuvre du salut. Comme le dit Saint Augustin : « Dieu qui nous a créés sans nous, n’a pas voulu nous sauver sans nous ». Petits ou grands, nous avons tous des dons, des talents, que nous pouvons mettre au service de nos frères et sœurs. Sachons donc, comme Marie, être fidèle à ce que Dieu nous demande, à ce qu’il nous donne. C’est de cette manière que nous le servirons le mieux, et que nous aimerons le plus notre prochain.
Ceux qui ont été sauvés du péché sont-ils donc meilleurs que les autres, qui ont trouvé la racine sur le chemin ? Non, car c’est par pure grâce de Dieu que Thérèse, et surtout Marie, ne sont pas tombées. Marie n’avait aucun mérite qui lui aurait permis de ne pas être touchée par le péché. Elle a autant de raisons que nous de remercier Dieu, bien que pour une raison un peu différente, et autant de raisons que nous d’être humble devant Dieu. Et de fait, c’est ce qu’a vécu Marie. Une grande humilité. Elle affirme elle-même être la servante du Seigneur. Nous ne pouvons pas imiter Marie dans son immaculée conception, mais dans son humilité et dans sa gratitude envers Dieu nous pouvons faire comme elle. De la véritable humilité découle la gratitude. En reconnaissant que tout nous vient de Dieu, nous ne pouvons que le louer, et nous déclarer son serviteur.