B SAINTE TRINITÉ MATTHIEU 28,16-20 (15)

Scourmont : 26.05.2024


        Frères et sœurs, nous célébrons aujourd’hui la fête de la Sainte Trinité, Dieu qui est Père, Fils et Saint Esprit. Des théologiens ont cherché à en donner des définitions très respectables, mais si en les écoutant on ne comprend pas davantage, c’est très décevant. Le plus important, ce n’est pas de comprendre ce mystère qui est Dieu, mais d’y entrer. La Trinité n’est pas affaire de définitions, mais d’expérience. Devenus fils et filles de Dieu avec le Christ, nous prions le Père grâce à l’Esprit qui nous a été promis et qui habite en nos cœurs. Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est de découvrir que notre Dieu, c’est quelqu’un qui se révèle en intervenant dans la vie des hommes, même si certains croient qu’il n’intervient pas, qu’il est silencieux, voire indifférent. Alors on peut se demander comment se fait-il que les JMJ attirent des millions de jeunes chaque fois qu’elles sont célébrées ? Comment se fait-il que les Congrès Missions soient les plus grands rassemblements ecclésiaux tant en France qu’en Belgique ? Comment se fait-il que les demandes de baptême par des adultes augmentent chaque année : ils étaient plus de 7000 à Pâques en France et en Belgique cette année ? De même que les demandes pour le sacrement de confirmation par des adultes : dans plusieurs diocèses, ils étaient quelques centaines dimanche dernier à l’occasion de la Pentecôte ?

Qu’est-ce à dire sinon que dans une société cybernétique qui réduit les individus à des statistiques et à des numéros, les individus s’efforcent désespérément de percer en tant que personnes. Il y a désormais grand besoin d’un « Je-Tu », d’une confrontation de personne à personne dans sa propre rencontre personnelle avec le Dieu trine, mais aussi en rencontrant Dieu dans le groupe qui se rassemble pour la prière.

Ainsi, non seulement il y a des masses de gens ordinaires qui comprennent les couches profondes du monde intérieur – qui restent cachées et ont besoin d’être guéries dans la prière – mais elles souhaitent aller plus profond dans leur conscience et leur inconscient pour rencontrer la Trinité qui y habite. Aussi, ce que nous voyons aujourd’hui à travers le monde chrétien occidental, ce sont des chrétiens s’acharnant à chercher des disciplines et des techniques qui leur permettront l’accès à un monde de contact intérieur avec le Transcendant ou de rencontrer ce même Dieu caché dans le groupe de personnes profondément personnalistes, aimantes.

Dieu voit toujours la misère de son peuple (Ex 3,7). Il voit tous ces pays qui se font la guerre ; il voit la souffrance de ceux et celles qui ont tout perdu et qui sont jetés à la rue. Et bien sûr, il n’oublie pas les malades, les prisonniers, les exclus… Il continue à nous dire son désir de libérer son peuple et il compte sur nous pour participer à cette mission. Nous avons été choisis pour communiquer au monde l’amour qui est en Dieu. À travers nous, c’est Dieu qui est là pour annoncer la Bonne Nouvelle du salut offerte à tous. Car ce n’est pas notre accord qui rend Dieu présent, c’est la Trinité qui suscite une communauté d’amour à son image à travers nous.

L’Évangile nous dit encore que le Christ est venu dans le monde pour aider les apôtres à progresser dans la connaissance du vrai Dieu (Jn 17,6). Maintenant, ils sont envoyés dans le monde entier pour l’annoncer à tous les hommes. À sa demande, ils suivent Jésus sur la montagne. Dans le monde de la Bible, la montagne est le lieu de la présence et de la rencontre de Dieu : le Sinaï, le mont Horeb (Ex 3,1), le mont des Béatitudes (Mt 5), le Thabor (Mt 17,1-8 ; Mc 9,2-4 ; Lc 9,28-33), le Calvaire. C’est là que le Seigneur se révèle aux hommes. Avec les apôtres, nous y sommes tous invités pour nous prosterner et adorer. L’adoration véritable consiste à reconnaître Dieu trinitaire dans ce qu’il est.

Ce dimanche est, par excellence, le dimanche du signe trinitaire, le signe de croix, par lequel commence toute prière chrétienne, et que nous refaisons au terme de la messe quand le prêtre nous donne la bénédiction. Il marque sur notre corps l’empreinte trinitaire et nous fait mieux comprendre la confession de Paul : « Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils, qui crie : Abba, Père ! » (Ga 4,6). Au début de la messe, en disant « Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit », nous nous mettons en présence de Dieu. Dans la Bible, évoquer le nom de quelqu’un, c’est se mettre en sa présence. Faire le signe de croix, c’est faire mémoire du baptême et des paroles du prêtre qui, en versant l’eau sur notre front, a dit : « Je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ». Ce jour-là, l’Église nous a demandé de nous rappeler toujours que nous ne sommes pas seuls à conduire notre vie, mais que, devenant enfants de lumière, nous agissons désormais au nom du Dieu trinitaire, en sa présence constante.

Le signe de croix est comme une marque qui nous rappelle que tout notre être est ouvert à l’amour du Christ qui, le Vendredi Saint, a fait corps avec la croix et qui, après Pâques, nous a envoyés dans le monde où, chaque jour, il nous lance son appel : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples. Baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit » (Mt 28,19). Il est hors de question de rester plantés là, avec d’éternelles questions sur le tombeau vide (Jn 20,1-10). Il est urgent de comprendre que Pâques n’est pas une fin mais un commencement. Tout ce que Jésus a pu faire ou dire au cours de sa vie terrestre était une préparation à cette nouvelle aventure des hommes. Avec la première alliance, Dieu ne s’adressait qu’au petit peuple d’Israël, tandis que la nouvelle alliance est annoncée et offerte à tous les peuples du monde entier.

Ce qui nous est demandé, ce n’est pas de faire des adeptes, mais des disciples du Christ. Nous ne devons pas nous comporter comme des propriétaires de la Parole révélée, mais comme des serviteurs de la Parole (Ac 6,2). Il n’est pas question d’enrôler, mais d’annoncer la Bonne Nouvelle et de baptiser. Le baptême que nous avons reçu nous a plongés dans cet océan d’amour qui est en Dieu Père, Fils et Saint Esprit. L’Évangile est une histoire d’amour qui n’est jamais achevée, une histoire d’amour toujours nouvelle et toujours ouverte.

Il nous appartient d’être les témoins passionnés de cette histoire d’amour. Pour cette mission, nous ne sommes pas seuls. Le Seigneur nous a promis d’être avec nous tous les jours et jusqu’à la fin du monde (Mt 28,20). Il nous nourrit de sa Parole lue, priée, partagée avec d’autres. Il nous nourrit aussi de son Corps et de son Sang. Il est toujours là pour nous donner force et courage en vue de la mission. Et Marie, Mère de l’Église, ne cesse de nous redire : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5). Nous pouvons peiner sur des sentiers obstrués par les ronces des soucis, traîner sur des routes futiles, et parfois trébucher ou nous blesser. Ne demeurons pas rivés à nos lenteurs ou à nos errances. L’essentiel est d’avancer, même clopin-clopant : « Mieux vaut un boiteux sur la route qu’un coureur hors de la route », disait st Augustin.

En célébrant cette Eucharistie, nous faisons monter vers Dieu une fervente action de grâce. Nous avons beaucoup reçu de lui. Nous avons été comblés au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Avec Marie, nous pouvons chanter : « Le Seigneur fit pour moi des merveilles, saint est son nom » (Lc 1,49).